Pouvoir
assister à un spectacle mis en scène par Christophe Rauck est une
chance et un bonheur. Si en plus il s'agit d'un texte de Rémi De Vos
et que l'interprète est Juliette Plumecoq-Mech, tous les ingrédients
sont rassemblés pour atteindre au moment d'exception. Aussi ma
surprise fut-elle grande de découvrir un tel spectacle programmé
dans le OFF. Il est pratiquement impossible d'avoir une place. Je
n'ai pu entrer dans la salle trop petite que grâce à une
réservation de longue date. Et on avait laissé entrer quelques
personnes assises sur les marches pour éviter l'émeute...
je
vais donc vous parler de Toute ma vie j'ai fait des choses
que je savais pas faire uniquement pour vous donner le
regret de ne pas avoir été là ou pour vous donner l'envie de
chercher le spectacle dans les prochaines programmations.
Un
corps entouré d'un trait de craie blanche accueille les spectateurs
pendant l'installation. Comédien en attente ? élément de décor ?
Il y a eu, un accident, un meurtre .... de qui ? pourquoi ? C'est la
victime elle-même qui va faire le récit de cette chronique de la
violence ordinaire, de la haine de l'autre, de la différence. Le
texte est beau, dans une langue moderne. Il revient sur lui-même
pour jusitifer des choix du personnages, pour souligner ses
interrogations, son incompréhension autant que son besoin de
comprendre. Le sujet est tragique, dans le plus pur esprit du théâtre
classique où l'action laisse la place au récit. Pourtant on ne peut
s'empêcher de sourire, devant la naïveté, ou la lucidité du
personnage, de réagir à la connivence qu'il instaure dans son
monologue sensément adressé à un groupe d'hommes.
On
retrouve des caractéristiques des mises en scène de Christophe
Rauck : la recherche sur la parole pour atteindre une phraséologie
parfaitement naturelle, dépouillée de toute trace de théâtre?
C'est la langue de la vie. Autre élément : l'art de ne pas montrer
mais de suggérer, d'obliger le spectateur à regarder au-delà de
l'apparence, de chercher dans le dessous des choses. La comédienne
joue devant un écran blanc sur-éclairé par derrière, un écran
qu'on imagine immense et qui ne doit pas dépasser 1 m 20. C'est le
mur auquel s'affronte le personnage : mur réel et mur
d'incompréhension. Mais le jeu se fait à l'horizontal et la
comédienne rester plaquée pendant une très grande partie sur le
plancher de scène ce qui donne à ses mouvements, un aspect de danse
ou de gestes démentiels qui s'opposent à la rationalité de son
propos, tout cela dans un contre-jour dû à l'écran. Pour reprendre
une rumination sur la place de l'écran, nous sommes là dans une
situation où l'écran accapare le regard pour l'empêcher de
s'attacher au corps du personnage.
Quant
à Juliette Plumecoq- Mech, elle apporte au personnage cette
ambiguité dont elle sait si bien jouer. Elle est extraordinaire,
comme à son habitude. Le rôle est difficile et elle le transcende.
Le
trio auteur, metteur en scène, interprète atteint à nouveau un
niveau qui ne peut laisser les spectateurs indifférents.