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lundi 18 juillet 2016

Toute ma vie j'ai fait des choses que je savais pas faire (critique)

Pouvoir assister à un spectacle mis en scène par Christophe Rauck est une chance et un bonheur. Si en plus il s'agit d'un texte de Rémi De Vos et que l'interprète est Juliette Plumecoq-Mech, tous les ingrédients sont rassemblés pour atteindre au moment d'exception. Aussi ma surprise fut-elle grande de découvrir un tel spectacle programmé dans le OFF. Il est pratiquement impossible d'avoir une place. Je n'ai pu entrer dans la salle trop petite que grâce à une réservation de longue date. Et on avait laissé entrer quelques personnes assises sur les marches pour éviter l'émeute...
je vais donc vous parler de Toute ma vie j'ai fait des choses que je savais pas faire uniquement pour vous donner le regret de ne pas avoir été là ou pour vous donner l'envie de chercher le spectacle dans les prochaines programmations.
Un corps entouré d'un trait de craie blanche accueille les spectateurs pendant l'installation. Comédien en attente ? élément de décor ? Il y a eu, un accident, un meurtre .... de qui ? pourquoi ? C'est la victime elle-même qui va faire le récit de cette chronique de la violence ordinaire, de la haine de l'autre, de la différence. Le texte est beau, dans une langue moderne. Il revient sur lui-même pour jusitifer des choix du personnages, pour souligner ses interrogations, son incompréhension autant que son besoin de comprendre. Le sujet est tragique, dans le plus pur esprit du théâtre classique où l'action laisse la place au récit. Pourtant on ne peut s'empêcher de sourire, devant la naïveté, ou la lucidité du personnage, de réagir à la connivence qu'il instaure dans son monologue sensément adressé à un groupe d'hommes.
On retrouve des caractéristiques des mises en scène de Christophe Rauck : la recherche sur la parole pour atteindre une phraséologie parfaitement naturelle, dépouillée de toute trace de théâtre? C'est la langue de la vie. Autre élément : l'art de ne pas montrer mais de suggérer, d'obliger le spectateur à regarder au-delà de l'apparence, de chercher dans le dessous des choses. La comédienne joue devant un écran blanc sur-éclairé par derrière, un écran qu'on imagine immense et qui ne doit pas dépasser 1 m 20. C'est le mur auquel s'affronte le personnage : mur réel et mur d'incompréhension. Mais le jeu se fait à l'horizontal et la comédienne rester plaquée pendant une très grande partie sur le plancher de scène ce qui donne à ses mouvements, un aspect de danse ou de gestes démentiels qui s'opposent à la rationalité de son propos, tout cela dans un contre-jour dû à l'écran. Pour reprendre une rumination sur la place de l'écran, nous sommes là dans une situation où l'écran accapare le regard pour l'empêcher de s'attacher au corps du personnage.
Quant à Juliette Plumecoq- Mech, elle apporte au personnage cette ambiguité dont elle sait si bien jouer. Elle est extraordinaire, comme à son habitude. Le rôle est difficile et elle le transcende.
Le trio auteur, metteur en scène, interprète atteint à nouveau un niveau qui ne peut laisser les spectateurs indifférents.