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jeudi 28 juillet 2016

au bonheur des vivants (critique) Avignon off 2016

Il ne vous reste plus que deux jours pour voir ce spectacle proposé au théâtre des Lucioles. 

Pourquoi vous en parler si tard ? Parce que de toute façon, il est très difficile de trouver une place. Parce qu'aussi il est très difficile d'en parler. 
Que dire de ce spectacle ? Il est impossible de le raconter.  Il faut le vivre. Il fait partie de ceux qui vous touchent dans votre imaginaire, dans vos sentiments... Tout y est illusion, détournement. Rien n'y est vrai et pourtant tout y est réel : un carton qui se met à voler, des personnages en lévitation, un ours en peluche qui se met à marcher, un bébé qui change de visage, un père Noël qui tombe du ciel, une plume qui vole à la poursuite d'une feuille de papier, un fauteuil qui fait surgir son environnement...C'est à la fois poétique, surréaliste, drôle et émouvant.
Les deux comédiens (?) Cécile Roussat et Julien Lubek sont tour à tour, danseurs, acrobates, musiciens, marionnettistes, magiciens, mimes pour ne dire que le plus simple. La parole est presque totalement absente pour laisser le loisir à chacun de projeter son propre imaginaire ou d'intégrer ce qu'il voit dans son émotivité. On vibre pendant la grande heure que dure le spectacle. Vous dire que j'y ai retrouvé Pierrot et Colombine, Nounours, un pas de Debureau, un geste de Baptiste, un souvenir de Marceau.... Les autres spectateurs y ont certainement mis d'autres réminiscences. Tout se joue devant nous, en notre absence. Le 4ème mur est posé, presque matérialisé par un jeu d'éclairage. Nous sommes en relation avec nous mêmes, à la limite du rêve. C'est merveilleux. On est à peine sorti qu'une nostalgie surgit, une envie de retrouver cette bulle de poésie et d'enfance de livre d'images. 
J'espère que ce "au bonheur des vivants" va tourner dans les mois qui viennent. Ce serait dommage de ne pas le montrer au plus grand nombre et il serait dommage pour vous de le rater s'il passe près de chez vous. 
La Compagnie des Ames Nocturnes mérite d'être suivie de près et sera source d'autres émerveillements. 

mercredi 27 juillet 2016

La contrebasse (critique) Avignon off 2016

Et voilà, le festival d'Avignon s'achève. Il reste encore quelques spectacles dont je voudrais vous parler. Ce sont des spectacles très courus et je ne voulais pas vous appâter vainement. J'en fais la critique parce que je pense que vous pourrez les voir en tournée cet automne ou cet hiver. 
La contrebasse  se joue au théâtre du Balcon. 
Süskind, son auteur, fait partie de ces auteurs qui ont une place dans la vie et ses œuvres laissent des strates indélébiles chez le lecteur. Le Parfum, le livre pas le film, est un livre fascinant au sens le plus concret du terme. On a une vie avant la lecture du livre et une autre approche du monde après sa lecture. Une appréhension plus globale de l'univers se met en place. 
J'avais lu La Contrebasse,  j'avais vu des extraits de la version qu'en avait donnée Jacques Villeret. A la lecture du programme, j'ai su que je verrais ce spectacle en effaçant les souvenirs que je gardais de la lecture et de la précédent version théâtrale. 
J'ai retrouvé le texte  dans sa profondeur, sa richesse, ses revirements. 
 Il ne s'agit à proprement parler d'une pièce de théâtre conçue pour la scène, mais d'un monologue facilement et directement transposable. Un musicien soliloque, On est en représentation frontale, avec un statut défini du spectateur : il est l'interlocuteur silencieux du musicien qui le fait parler en imaginant ses réactions. Tout est dans le texte et cela fonctionne assez bien. 
Xavier Lemaire, le metteur en scène, suit de près le texte. Il ancre le récit dans le quotidien : une journée de la vie du musicien : lever, repas, préparation du concert du soir (un concert de gala). Les gestes sont de convention et usent des nombres accessoires d'un appartement de célibataire ayant voué sa vie à la musique. 
Le personnage va de petites rancunes à de grands élans lyriques, il associe l'étroitesse d'une existence étriquée (qui pourrait le faire ressembler aux personnages de Kroetz) aux aspirations sublimes d'un héros romantique. 
C'est là le point d'achoppement avec ma voisine directe et je ne sais toujours pas laquelle de nous deux a raison. L'acteur, Didier Constant, donne au personnage un faux air de Mr. Bean.Je le félicite personnellement de ne pas avoir cherché à faire du "Villeret". (cf la représentation de Savoir Vivre d'après Pierre Desproges  voir article précédent). Les grands acteurs marquent un rôle, le talent est de ne pas les suivre, mais d'essayer de renouveler. Le choix du metteur et du comédien de partir sur un jeu très physique et très au premier degré me semble pertinent, même si cela ramène La contrebasse à un divertissement de boulevard, avec ses œillades, ses cris, ses mimiques, ses appels racoleurs. Ma voisine est persuadée que le comédien n'est pas au niveau exigé par le texte et qu'il s'en sort en accumulant les effets clownesques. Là où je vois un effort pour personnaliser un spectacle, elle voit des trucs destinés à capter la bienveillance d'un spectateur qu'on ne respecte pas vraiment. 
Deux jours après la représentation, j'ai croisé le comédien dans la rue, nous avons parlé....

jeudi 21 juillet 2016

Saramuccia (critique) Avignon OFF 2016

Il reste encore 3 spectacles dont je voudrais vous parler, trois spectacles du OFF d' Avignon. 

Tous les trois, ils connaissent un assez joli succès. Deux seront très certainement en  tournée cet hiver. 
L'un doit être obligatoirement vu pendant le festival. SCARAMUCCIA
Scaramouche ... 
La représentation a lieu dans la Cour du Barouf. Une représentation en plein air comme il se doit dans la tradition, sous un arbre centenaire sur des tréteaux de bois devant un rideau qui donne l'impression d'avoir longtemps vécu et que le vent malmène. 
La cour du Barouf est dédié à la commedia dell'arte. (barouf ?? à cause de Barouf à Chioggia de Goldoni ?)
Scaramuccia de Carlo Boso est une des plus belles pièces de la commedia dell'arte. Elle en a tous les ressorts, toutes les malices, toutes les maladresses de connivence avec le public, toutes les grandes batailles (on ferraille à tout va), On se déguise tout en le montrant, on inverse les sexes, on meurt pour devenir fantômes, on crie, on rit, on chante, on danse, on saute, on donne des gifles, on en reçoit, on se cache derrière des paravents minuscules, on révèle des secrets à qui ne doit pas les connaître, on se répète, on répète les autres, on tombe, on se relève, on court, puis on s'assoit en bord de scène masque relevé pendant que la représentation continue...
Tout cela vous donne le tournis... C'est la commedia dell'arte. Çà bouillonne à la limite de l'explosion,  ça fourmille à la limite du piétinement et ça se termine toujours bien. 
Il y a un nombre de comédiens impressionnant, et ils jouent plusieurs rôles. 
Tous sont animés d'une fougue qui prouve leur jeunesse. Leur enthousiasme et leur vivacité apporte à la pièce une énergie qui se communique aux spectateurs, premiers complices de leurs jeux. 
Un très beau moment. 

Je voulais ajouter pour eux un compliment plus personnel. J'ai assisté à la représentation qui a eu lieu juste après l'attentat de Nice. Au plus fort de la bataille, Scaramouche qui avait fait deux prisonnières a posé l'épée, demandant une minute de silence. Longue minute ... parce que beaucoup découvrait le drame.  Imaginez cette pause tragique vécue par la communauté, au plus intense d'une scène d'action palpitante. Quelques secondes de reprise en main  et la pièce a retrouvé sa vivacité et sa fulgurance. Bravo de cela : d'avoir pensé aux victimes d'une autre fête,  bravo d'avoir renoué si vite avec la commedia dell'arte et ses bonds. Merci 

mercredi 20 juillet 2016

Un petit pas de deux sur ses pas (critique) Avignon OFF 2016

Ne voulez laisser pas surprendre par l'ambiguïté du titre. 
Il s'agit bien d'un spectacle de danse, intense, les traces de sueur sur les vêtements et le sol pendant les scènes de Hip hop prouvent que les deux danseurs ne se ménagent pas, malgré la chaleur d'Avignon et la tentative de climatisation de la salle des Lucioles. 
Ce qui fait l'originalité de ce spectacle est la "présence" d'un des plus grands artistes français, quasi une légende : Bourvil.  Oui vous avez bien lu : Bourvil. Pas un avatar, le vrai Bourvil. 
Les deux interprètes ont eu fourni en amont du spectacle un travail de recherches colossales pour capturer de courtes phrases, dans les films, les enregistrements, les  chansons de Bourvil pour constituer le texte du spectacle. Il est le seul à détenir la parole (sauf une reprise de refrain). 
Le montage d'enregistrements donne la trame des 45 mn de spectacles présenté en Avignon. C'est étonnant. Au début comme tout le monde, à la vue de ce tabouret vide et éclairé à l'avant de la scène, j'ai souri face à la présomption du concepteur : me faire croire que je pouvais voir Bourvil... Et maintenant, je ne peux pas jurer qu'il n'était pas là. Tant sa présence envahissait le plateau. 
Le propos est le suivant : Deux danseurs viennent auditionner. Bourvil cherche ceux qui l'accompagneront pour une tournée grandiose à travers la France, le Monde.... Il y a les déçus, trop justes, trop anonymes et puis les deux qui décrochent le contrat et que nous suivons alors au fil des spectacles. 
Les deux danseurs mélangent tous les styles, des valses au hip hop du ballet contemporain au swing... et toujours avec comme fond les chansons de Bourvil, qui n'ont pas perdu de leur fraîcheur, de leur humour, de leur ingénuité... 
Si l'on accepte de jouer le jeu du "on fait comme si"... C'est un superbe moment hors du temps .... avec des danseurs pleins de fougue et de talent. 

mardi 19 juillet 2016

le cirque des femmes (critique) Avignon off 2016

Il est impossible de ne pas les voir dans les rues en train de distribuer des flyers les après-midis. On dit "tracter". Elles ne négligent rien pour la promotion de leur spectacle qui se joue à 12 h 12  au Verbe fou, rue des infirmières. Tout un programme. 
Elles sont venues de Belgique pour se confronter à ce dévoreur de compagnies qu'est le Festival Off. Rien de comparable avec le généreux Bruxellons qui a lieu en été, pendant tout l'été. 
Oui, vous les avez certainement croisées, avec leurs tutus  rouges d'écuyères, leur veste de cuir à la monsieur Loyal et leur chapeau à larges bords. 
L'énergie qu'elles déploient sur la petite scène du Verbe fou est égale, voire même un cran au-dessus. Le plateau est trop petit pour elles : elles dansent, virevoltent, sautent, s'approchent pour une confidence ou organisent des compositions en statues, chantent. 
Leur propos : les femmes, celles peut-être justement à qui on dit trop "arrête ton cirque". 
Du cirque, elles ont la parade et la disposition d'une cage, fauves assis sur des cubes grisâtres. 
Rien n'est tabou : les règles, la prostitution des mineures, le sida, la dépendances aux antidépresseurs, l'excision, les rêves déçus, le harcèlement au travail. Tout est cela est bien affligeant, allez-vous me dire. Pas du tout. Elles ont l'art pour vous emmener sur une pente que vous n'attendiez pas. Les calembours, les décalages, le ton patelin ne vous permettent de réaliser qu'après que le sujet était plus grave que ce que laissait envisager les premiers sourires. 
Chacune a son temps d'autonomie, un moment où elle est seule face qu public, parfois très près de lui. 
Les sketchs plus longs sont articulés autour de citations, d'extraits de textes ou de chanson. 
Mais plus que tout c'est leur dynamisme et leur générosité dans le spectacle qui vous toucheront et vous permettront de sortir de la salle avec l'envie de dire "je suis une femme et alors? "

Peut-être qu'il serait intéressant pour la comédienne qui joue Sarah Bernhardt dans le même salle dans le courant de l'après-midi de venir faire un tour à ce spectacle... (voir article précédent)

lundi 18 juillet 2016

Toute ma vie j'ai fait des choses que je savais pas faire (critique)

Pouvoir assister à un spectacle mis en scène par Christophe Rauck est une chance et un bonheur. Si en plus il s'agit d'un texte de Rémi De Vos et que l'interprète est Juliette Plumecoq-Mech, tous les ingrédients sont rassemblés pour atteindre au moment d'exception. Aussi ma surprise fut-elle grande de découvrir un tel spectacle programmé dans le OFF. Il est pratiquement impossible d'avoir une place. Je n'ai pu entrer dans la salle trop petite que grâce à une réservation de longue date. Et on avait laissé entrer quelques personnes assises sur les marches pour éviter l'émeute...
je vais donc vous parler de Toute ma vie j'ai fait des choses que je savais pas faire uniquement pour vous donner le regret de ne pas avoir été là ou pour vous donner l'envie de chercher le spectacle dans les prochaines programmations.
Un corps entouré d'un trait de craie blanche accueille les spectateurs pendant l'installation. Comédien en attente ? élément de décor ? Il y a eu, un accident, un meurtre .... de qui ? pourquoi ? C'est la victime elle-même qui va faire le récit de cette chronique de la violence ordinaire, de la haine de l'autre, de la différence. Le texte est beau, dans une langue moderne. Il revient sur lui-même pour jusitifer des choix du personnages, pour souligner ses interrogations, son incompréhension autant que son besoin de comprendre. Le sujet est tragique, dans le plus pur esprit du théâtre classique où l'action laisse la place au récit. Pourtant on ne peut s'empêcher de sourire, devant la naïveté, ou la lucidité du personnage, de réagir à la connivence qu'il instaure dans son monologue sensément adressé à un groupe d'hommes.
On retrouve des caractéristiques des mises en scène de Christophe Rauck : la recherche sur la parole pour atteindre une phraséologie parfaitement naturelle, dépouillée de toute trace de théâtre? C'est la langue de la vie. Autre élément : l'art de ne pas montrer mais de suggérer, d'obliger le spectateur à regarder au-delà de l'apparence, de chercher dans le dessous des choses. La comédienne joue devant un écran blanc sur-éclairé par derrière, un écran qu'on imagine immense et qui ne doit pas dépasser 1 m 20. C'est le mur auquel s'affronte le personnage : mur réel et mur d'incompréhension. Mais le jeu se fait à l'horizontal et la comédienne rester plaquée pendant une très grande partie sur le plancher de scène ce qui donne à ses mouvements, un aspect de danse ou de gestes démentiels qui s'opposent à la rationalité de son propos, tout cela dans un contre-jour dû à l'écran. Pour reprendre une rumination sur la place de l'écran, nous sommes là dans une situation où l'écran accapare le regard pour l'empêcher de s'attacher au corps du personnage.
Quant à Juliette Plumecoq- Mech, elle apporte au personnage cette ambiguité dont elle sait si bien jouer. Elle est extraordinaire, comme à son habitude. Le rôle est difficile et elle le transcende.
Le trio auteur, metteur en scène, interprète atteint à nouveau un niveau qui ne peut laisser les spectateurs indifférents.

Un homme à distance (critique) Avignon off

Je suis masochiste. Sinon comment expliquer ma présence dans cette salle ronde aux allures romanes, assise sur des gradins en bois gris rendus confortables par des coussins grèges.
J'ai choisi de venir, pourquoi ? à cause de la présence de Nicolas Vaude, de son jeu que j'ai apprécié dans d'autres pièces (notamment un Fantasio dans les bosquets de Versailles ou un rôle dans une pièce troublante de Florian Zeller).
Le décor est à la fois symbolique et réaliste. Des miroirs en grand nombre laissent imaginer qu'on va observer les personnages sous toutes les coutures. Des étagères alignent des fac simile de livres. On est dans une librairie.
Tout de suite dans ma tête deux souvenirs : The little shop around the corner, Vous avez un message. Les premières répliques me confirment que j'avais bien pensé. La pièce consiste entre une histoire d'amour épistolaire assez bien écrite et la vie quotidienne d'une jeune libraire. Il y a derrière tout une allusion à des lectures, des romans comme autant de jalons de leur parcours sur la carte du Tendre. Littérature uniquement ? Non, on ne peut s'mpêcher de voir un peu Polanski derrière cette histoire, de se souvenir d'Amelie Nothomb, Les combustibles, Une forme de vie.
Peu à peu les personnages, en jouant au chat et à la souris, se dévoilent, dans leur fragilité, les cicatrices de leurs accidents.
C'est un grand drame romanesque, un peu romantiaue aussi. La comédienne, Christelle Reboul vit pleinement sa tragéidie sur le plateau. Nicolas Vaude joue de son ambiguïté, sans grande oroginalité, mais avec talent. C'est devenu une marque de fabrique... On pleure beaucoup sur le plateau et dans la salle. On applaudit à tout rompre entre deux reniflements.
Oui le grand drame d'amour attire toujours les foules. Non je n'ai plus envie de le voir. Question d'âge ? Plutôt question d'attente théâtrale. Je n'ai plus envie d'être piégée parce que spectatrice dans un système qui me dicte mes sentiments. Je ne vais plus au théâtre pour pleurer mais pour qu'on me parle comme à un adulte... Vous reparler un jour des 3 spectateurs de Victor Hugo...
C'est gentil, beau et triste comme les grandes histoires d'amour qui font pleurer les chaumières...

Festival de la Correspondance de Grignan

Je suis à Grignan. Pour ceux qui ne le savent pas, Grignan est une ville du Sud de la France. Dans la Drôme, je crois....

Ce qui compte surtout, c'est que cette petite ville à la limite de la Provence, vieux village médiéval aux rues serpentines enroulées autour d'un château, a connu l'exil de la fille de la Marquise de Sévigné. Durant des années les lettres s'échangèrent entre Versailles et Grignan, plusieurs fois par semaine, certains disent plusieurs fois par jour. Je vous promets de me renseigner dès que je suis de retour près d'un vrai ordinateur sur la fréquence de ces échanges épistolaires..

Les circonstances étaient trop belles : un village magnifique, la route qui mène de Paris vers les plages de la méditerranée, le parrainage au-delà des siècles d'une des femmes les plus célèbres de la littérature .... Grignan accueille en juillet au temps des grandes migrations et des avant-goûts des grands rassemblements culturels un festival de la correspondance.

Chaque année, une spécificité est choisie. 2016 est consacré à la correspondance d'exil.

La première partie de cet article pourrait vous faire croire à un de ces festivals galvaudés qui fleurissent dès que le soleil revient. Pas du tout. C'est un festival qui me passionne, me fascine.

Tout y est rareté : les textes qui permettent d'accéder aux auteurs dans leur vérité, les lieux (le parvis d'une collégiale, un jardin parfumé de Provence e caché sous les arbres ancestraux, les choix d'interprétation (qu'on aille de la simple lecture à une mise en voix plus élaborée, la mise en scène disparaît dans le rapport direct au public, au texte, à la voix - tout ce que j'aime), les conférences, les interprètes choisis (il y a là des artistes inattendus ou trop attendus parce qu'ils sont des icônes, je me souviens de la venue de cette vedette du journal télévisé.... , des artistes attendus parce qu'ils ont laissé des traces lors de leurs précédents passages et marquent le festival de leur ombre ineffaçable.)

Ce fut le cas hier. Julia de Gasquet fut une Louise Michel suffocante de justesse, de retenue, de grandeur dans l'exil qui suivit la commune, farouche dans son désir de justice. Une telle palette de jeu en si peu de temps prouve que cette comédienne rare mérite d'être suivie.

Trop tard pour ceux qui n'était pas là hier. Il ne vous reste plus qu'à attendre le prochain festival et à vous y prendre d'avance... les places aussi sont rares, dans un souci de qualité.

jeudi 14 juillet 2016

Avignon OFF

Voilà plusieurs jours que je me promène dans le festival OFF d'Avignon. Que la ville soit devenue pour quelques jours le plus grand théâtre du monde, cela ne fait aucun doute. Pour qui ne connaît pas Avignon, il faut imaginer des affiches partout, sur le moindre poteau, la moindre balustrade, la moindre grille, le moindre volet, le moindre tronc d'arbre. On ne peut pas faire un pas sans être abordé par les "tracteurs" des différents spectacles. Pas d'agressivité, pas de haine ou de jalousie. On discute les uns avec les autres, on se replie sans difficulté et sans hargne devant le refus.

Non, ce qui m'étonne le plus ce n'est pas de voir que se cotoient des spectacles certes très variés, qu'on pourrait croire inconciliables : boulevard (du plus classique au plus populaire), de la danse, de la poésie, théâtre à texte, grands classiques.... mais que le OFF est devenu pour certains théâtres conventionnés et pour certains comédiens très reconnus (je ne parle pas de leur renommée mais de leur talent), le seul endroit pour exister à Avignon.

A preuve deux spectacles vus aujourd'hui : une création du Théâtre du Nord et une pièce avec NIcolas Vaude. Spectacles auxquels je vais consacrer un article.

Se pose aussi l'absence depuis plusieurs années d'anciennes têtes d'affiche du IN et qui continuent glorieusement leur parcours ailleurs qu'en Avignon.... Quels sont les critères de choix du festival IN, quel public cherche-t-il vraiment ?

mardi 12 juillet 2016

Sarah et le cri de la langouste (critique)

Je me fais arrêter dans une ruelle d'Avignon. C'est pour le spectacle Sarah et le cri de la langouste. je connais le sujet : un moment des derniers mois de l'actrice légendaire Sarah Bernhartdt. La discussion est agréable, je me laisse tenter. J'ai une grande admiration pour Sarah Bernhardt, la comédienne qui osa prendre tant de risques, qui révolutionna à sa mesure le théâtre français, le femme qui osa vivre, qui se rendait sur le front pendant la grande guerre pour être près des soldats, qui fut amputée à cause d'une mauvaise chute mais continua à jouer. L'histoire du théâtre fourmille d'anecdotes sur cette grande dame.

On frappe les trois coups ? non c'est Sarah qui entre en scène ( sa canne et sa jambe de bois, mais le pied valide devait être énergique.

Dubillard lui consacre un de ses Diablogues... (pour se moquer de sa longévité de comédienne).

Je rêvais étant enfant d'être un jour Sarah Bernhardt, comme d'autres rêvent d'être Napoléon.. Je m'étais même formé un pseudonyme comme le sien.

Pour moi Sarah, c'est quelqu'un comme Piaf ou Pierre Brasseur.

Quelle surprise de l'entendre appeler pendant tout le spectacle Madame Bernarte. Inquiétude de prime abord. La metteure en scène a-t-elle pris la précaution de se renseigner sur le personnage ? NON. Sarah est une grande précieuse, embourgoisée et capricieuse comme la Callas. Elle qui fut toute sa vie, une grande enfant. Imagniez qu'un jour elle est entrée chez un directeur de théâtre avec son enfant et qu'elle a joué la mère éplorée jusqu'au moment où son singe qui tenait le rôle de l'enfant en eût assez et se mît à sauter dans le bureau...

La pièce évolue à la va comme je te pousse, une scène succédant à l'autre sans véritbale unité. On sent tous les raccords de répétitions. Je ne parle pas des coutures liées à l'écriture, mais des temps de répétitions. On voit des baisses de régimes ou des à coups que ne justifie pas la structure de la pièce.

L'acteur qui jour PItou son secrétaire a quelques beaux moments, d'autres plus difficiles parce que surjoués ou simplement récités.

Tout cela est peu investi, tout reste superficiel (comme la connaissance des personnages réels).

Il manque le merveilleux, l'éblouissement. C'est un gentil travail de troupe d'amateurs. C'est un jeu pour le jeu, pour le plaisir de se montrer, de s'amuser à dire un texte parfois mal compris. Les comédiens ont l'air de s'amuser, c'est déjà beaucoup. Certains spectateurs les suivent dans cette voix et les applaudissements sont chaleureux.

Et l'acier vole aussi (critique)

Et l'acier s'envole aussi. Le spectacle se joue pendant le festival à Farbik théâtre d'Avignon.

La pièce est essentiellement basée sur la correspondance entre Guillaume Apollinaire et Madeleine Pagès, une jeune fille qu'il a croisée dans la gare de NIce en 1915.

J'ai assisté il ya quelques jours à une lecture à Grignan de la correspondance de Paul Ceylan avec les femmes qui ont marqué sa vie. Les deux pièces se font écho et se nourissent l'une l'autre. Un poète s'associe à l'autre et les femmes se ressemblent un peu dans leur amour teinté d'admiration, d'adulation, de surprise de se retrouver l'élue, et de retomber dans la réalité. Quant aux poètes, ils affrontent au-delà de leur rapport amoureux, la course vers la fin la plus sordide.

La version de Grigan était sobre, à l'image de ce qui se fait là-bas, où le texte reste maître du jeu.

La version poète- jeune inconnue Et l'acier s'envole aussi est un vrai spectacle de théâtre. Deux comédiens et une comédienne se partagent le plateau. Si la comédienne est presque tout le long Madeleine Pagès, les deux comédiens vont se partager le personnage d'Apollinaire et des personnages de la guerre.

Le principe est tout à fait traditionnel et les projections en noir et blanc vont aussi dans le sens du "dejà vu". Rien de bein original de ce côté-là même si à certains moments un jeu s'établit entre le décor et le jeu de façon humoristique.

L'orignalité vient de la présence sur scène de deux instruments de musique : une batterie et un piano électronique. Batterie comme batterie de canon, et le talent du batteur est exceptionnel, ainsi que ses trouvailles au fil du spectacle. Grâce à lui la guerre est présente sur le plateau plus par les quelques projections sur écran. (en tant de comédien, son jeu est plus discutable). Le piano sert à accompagner l'autre comédien qui assume la plus grande partie du personnage de Guillaume Apollinaire. On a dit que les vers d'Apollinaire appelait la musique (plusieurs de ces textes ont été ainsi chantés : sous le pont Mirabeau, saltimbanques...). Il est merveilleux d'entendre les lettres ou les poèmes chantés. C'est là la plus grande magie du spectacle qui ne peut laisser indifférent.

lundi 4 juillet 2016

La soupe à tomber par terre de Potagekamut

Le programme annonce : « l'un cuisine, l'autre conte ». Tout semble être dit. C'est mille fois autre.

Un premier partage entre le conteur (Jérôme Thomas) et le cuisinier (Frédéric Gillet) sous forme de gag. Le ton est donné, le conte sera l'occasion de passes d'armes burlesques, de connivences drôles, d'alternances entre le récit et le jeu, selon qu'ils rentreront ou non dans l'histoire ensemble ou séparément.
Un découpage en chapitres qui correspondent à autant de contes réunis par un fil rouge : l'histoire de Pépère qui cherche l'ingrédient pour la «soupe à tomber par terre de Potagekamut ».
La soupe, justement, elle est là, bien réelle, comme preuve que la légende est fondée.
Les sons qui accompagnent le conte sont ceux d'un couteau sur une planche, de l'eau qui frémit, de la viande qui grésille et d'un bouteille qu'on débouche.
Plus que jamais le spectateur participe dans son intégralité : l’ouïe,la vue, l'odorat, le goût et le corps puisqu'il est amené à agir dans le processus narratif à plusieurs reprises.
Vous me direz nous sommes dans le conte et non dans le théâtre. Mais où se trouve exactement la limite dans le travail de ce duo tout aussi proche, du clown, du dialogue que du conte strict.

Théâtre ? Il faudrait vraiment analyser en profondeur le degré de théâtralité du spectacle.
Performance ? Assurément . Tous les ingrédients y compris celui magique de la soupe sont présents.
Quant à la soupe elle-même, elle fut le second rayon de soleil de ce dimanche maussade et pluvieux dans un parc vidé de ses habitués.
Le premier rayon de soleil avait été : la générosité du couple conteur-cuisinier, leur énergie, leur humour, la nouveauté qu'ils apportent à des contes ancestraux.
Ce qui à l’origne n'était qu'un petit projet d'animation mériterait de devenir un spectacle joué et rejoué (en perdrait-il de sa fraîcheur ? Je ne le crois pas.)

Bon appétit … Non notre formule est trop égocentrique pour cette aventure de Potagekamut.

« J'espère que vous mangerez avec plaisir » Eet smakelijk comme on dit en Flandre.  

vendredi 1 juillet 2016

Sans famille à La Cassine

Et voilà, deuxième représentation à La Cassine. Sans famille d'après Hector Malot. Les gradins sont pleins, les salles de restauration l'étaient aussi. La pluie a cessé et le soleil se couche en beauté derrière le cimetière communal.
La fête s'annonce belle. Les bénévoles sont sur le pied de guerre. Dès que la nuit s'étend, le décompte commence dans les tribunes. Le spectacle est très professionnel. Système de projecteurs directionnels qui passent des gradins à la scène. La sono est impeccable, pas de crachouillis. L'enregistrement des annonces est parfait. Oui, la fête s'annonce belle.
Deux heures de spectacle, une quantité de tableaux, une foule de bénévoles et un comédien professionnel qui a prêté sa voix. C'est celui qui jouait le rôle de Rémi dans la série télévisée. Le ton est donné, le spectacle imite la série : Vitalis et Rémi sont des clones de Pierre Richard et de Jules Sitruk et tout reproduit les scènes fortes de cette version. La voix de Rémi est assurée par Fabrice Josso, un comédien qui frôle la cinquantaine et qui a interprété le rôle de Rémi dans un feuilleton de 1981.... (19 ans avant la version avec Pierre Richard).
Les décors sont splendides, les costumes merveilleux. Tout est d'un réalisme parfait. Et le feu d'artifice final digne du lieu. C'est un joli spectacle de fin de soirée d'été, dans le style de ce qui fait aimer la Cassine. D'anciens décors sont repris, et on se souvient avec plaisir des spectacles où ils apparaissaient.
Il y a même un moment très beau : la mort de Vitalis, avec une trouvaille qui évite le mélodramatique et conserve son aspect « soirée d'été » au spectacle. Très beau moment aussi que celui de la préparation du récital... Enfin du son et lumière réfléchi !
Alors pourquoi ce sentiment de gâchis qui me reste au-delà du plaisir. Il y a des temps morts, des lenteurs (cachées par les applaudissements frénétiques des amis invités – un concours s'organise d'un gradin à l'autre- très bien au niveau de la cohésion du public, on est une grande famille... )
L'espace scénique n'est pas exploité. Il y a 30 m de profondeur, des allées en forêt, des ponts dont on peut investir les voûtes... Tout est joué dans un espace de 5 à 10 m.... Quelle différence avec une salle ? Si ce n'est que le décor suivant n'a pas à être construit dans un « noir » ? C'est un peu comme si à Bussang, on éclairait une toile peinte au lieu d'ouvrir le fond de scène...
Une machine stroboscopique aveugle les spectateurs à plusieurs reprises.... Chacun se cache les yeux, protection bien insuffisante et la gêne soulève des « quels cons » qui troublent l'empathie....
Seule la moitié du public peut profiter du feu d'artifice, tiré trop haut. Il suffirait de faire exploser des pièces moins haut ou d'employer des pièces plus au sol … On sent que le feu d'artifice a été choisi pour la splendeur qu'il dénote et non par rapport au public.
Oui, un sentiment de gâchis lié au fait que les créateurs n'ont pas envisagé le lieu dans sa plénitude et sa spécificité, parce que le public parfaitement traité dans l'accueil et dans la restauration, n'est pas pris en considération dans la conception de la représentation.
C'est en dépit de tout cela pour la majorité des gens un joli spectacle pour une soirée d'été.