Me voici face à une situation
difficile.
Où dois-je placer cette critique. Dans
« critiques de théâtre » ou « les gens que
j'aime » ?
Commençons donc à l'inverse. J'ai
rencontré Philippe Beau, il y a quelques années. Dans la vie, comme
disent ceux qui scindent la scène et le privé, Philippe est un
personnage qui ne peut laisser indifférent, par sa simplicité, son
humilité, son souci des autres, son perfectionnisme, sa politesse,
son sens de l'écoute. Toutes ses qualités, il les met dans son
travail et « les hommes aux mille mains » en sont
empreints.
Le principe : associer la
fascination que Cocteau éprouve pour les mains et le rapport que
lui, le magicien et l'ombromane entretient avec ses mains. Les deux
sont dans la magie au sens de ce qui nous arrache au réel.
Une phrase de Cocteau rythme le
spectacle. « il ne faut pas chercher à comprendre, il faut
croire. », une porte ouverte au monde de l'enfance et de
l'illusion.
Il y a un parallèle constant entre des
œuvres de Cocteau (films, dessins, textes, sculptures... ) et ce qui
se passe sur le plateau : ombromanie, tours de magie, rapport
avec l'écran de fond de scène, projection de vidéos. Certains
passages de film se retrouvent vivants sur scène, reconstitués en
chair, des ombres viennent habiter des dessins....Un pianiste joue,
des œuvres un peu modifiées elles aussi, comme si tout était
touché par la métamorphose.
Comme toujours, j'ai pris le temps,
malgré le charme qu'exerçait le spectacle, d'interroger le rapport
au public. Presque malgré moi... parce qu'à un moment, éblouie par
une scène d'une remarquable intensité, j'ai eu envie d'applaudir.
Le silence intense, mais éthéré, qui régnait dans la salle m'en a
empêchée. Plus tard dans la soirée, j'ai entendu ailleurs un
applaudissement de quelque seconde (je choisis volontairement le
singulier) qui s'est éteint tout seul. Le public n'existait que par
sa respiration qui synchronisait l'image d'un rêveur sur l'écran.
Une respiration souple, abandonnée et confiante. Il y avait dans
cette salle comble quelque chose de religieux. Tous les spectateurs
n'en faisait qu'un, respirant d'un seul souffle, relié de corps qui
allaient se séparer une heure 20 plus tard.
Raconter le spectacle pour vous donner
envie d'y aller. Je crois qu j'en suis incapable, parce qu'il
faudrait faire un effort de compréhension et d'analyse contraire au
regard de l'enfance.
« Il ne faut pas chercher à
comprendre, il faut croire ».