Hasard des rencontres
esquivées. Corps dépeuplés, maisons vides aux portes en toiles
d'araignées, corps surpeuplés, où à chaque balcon des figures
différentes vous interpellent. On promène son corps entre deux
repas, deux sommeils...J'agite une marionnette de l'intérieur. Je
suis entrée dans un oripeau en peau de femme. Comme ces ours de
foire, défroques de fourrure synthétique dont se revêtent les
saltimbanques et qui font peur aux enfants parce qu'ils ont lu dans
le programme que l'ours ferait peur aux enfants.
Les couloirs anonymes,
les salles anonymes, la chambre anonyme. Non, une grande
photographie, reniée par une autre avant moi - longtemps avant ?-,
ou message d'un passage entre deux histoires, entre les pans d'une
biographie ressoudée. Je sais mon histoire, de son début à ce
corps, de la naissance de son corps à lui à mon corps de femme.
Histoire aphasique que je baigne dans l'eau instantanéisé d'une
cascade sur papier glacé, à perte de vue, de mon lit. Unique
fenêtre vers un rêve de nature. Inventé ?
Au loin aussi, après
l'enfilade austère, un lieu habité par un poste de télévision qui
réunit d'autres fourvoyées.
Un soir, justement, lui,
à la télévision. Réduit à l'épaisseur d'un écran plasma. Avec
une voix nouvelle, celle du dehors, si dissemblable de celle que me
transmettait l'oreille interne, un rien nasillarde. Ai-je parfois
pris le temps d'une pause dans ses sinus, avant le grand éternuement
?
Une infirmière se
précipite sur moi. Je dois sourire de revoir celui dont j'ai si
souvent joué.
Si je le connais ?
Comme je le connais !
Un indice pour vous ? Je
vous offre ma réticence. Regard vidé, bouche close sur les mots qui
se recroquevillent.