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mercredi 23 décembre 2015

rencontre

En avril, j'étais dans le Nord. Je ne suis pas de là, mes ancêtres y ont longtemps séjourné d'un côté et de l'autre de la ligne en pointillé qui n'existe que sur les cartes. J'y ai passé mes vacances d'enfant de chaque côté sur les plages infinies au pied des falaises de calcaire qui regardent leurs jumelles se refléter dans l'eau.... ou à l'ombre des beffrois. J'y suis souvent passée pour retrouver ma famille qu'on appelait « Les Belges », comme eux nous appelaient « les Français ». J'aime davantage ce pays à cheval (au nord ou au sud selon qu'on est à Paris ou à Bruxelles), depuis mes ami(e)s aux longues mains de Vermeer, qu'ils/elles soient d'un côté ou de l'autre. Humbles, qui m'ont donné avec la patience et la soumission au fil, la générosité. Gens de Bailleul, de Gembloux, de Jeumont, de Marche, de Coudekerque, de Hoodschotte, de Sebourg, de Bruges ... vous êtes ma famille et je le lis dans vos bras qui m'accueillent.
J'étais donc dans le Nord en avril, à faire cliqueter les bloquets et les caquets avec les amis aux longues mains.
Immenses salles qu'imposent une vie associative.
Nous en bas et à l'étage au-dessus, salle Jean Vilar, des magiciens pour un concours. Dans la cour, à l'arrière, quelques uns calment leur impatience en triturant des ballons.
Echange du mot, du gros mot d'usage qui rend moins seuls ceux qui connaissent la peur atroce des « avant », la peur qu'on jure de ne plus tutoyer et qu'on appelle dès qu'elle nous délaisse.
Le plus jeune d'enter eux ? Le plus inquiet ? fabrique une fleur en ballons, corolle rose, feuillage vert soutenu. Archétype d'une mauvaise peinture de maternelle grande section. Il me la tend. Cadeau impromptu mais merveilleux. Je n'ai à lui offrir qu'un sourire et une mot unique.

Petit magicien j'espère que tu as brillé dans la salle du haut. J'ai promené ta fleur de ballons dans toute la ville avec l'audace d'un cadeau sorti du cœur. Le regard des autres ? Je n'ai voulu y voir que la jalousie. Les ballons se sont un peu dégonflés et la fleur a gagné quelques rides, mais sur mon bureau il y a encore cette fleur poussée aux doigts d'un magicien. Une fleur qui m'aide parfois.

jeudi 17 décembre 2015

ZEN

En ce moment pas de grandes sorties théâtre, pas non plus de petits bijoux qui donneraient envie de parler de théâtre. pas de lectures géniales et rien en prévision dans les semaines qui viennent... Je suis en manque de théâtre... 
Alors je lis ... 
les poèmes si touchants d'Agnès Schnell et qui troublent mon amitié et me rendent les mots difficiles.
ceux si drôles de Frédérik Houdaer
ceux de Laurence Vielle
Le magicien de Zeno Bianu...
et puis des romans. Je retrouve Tanguy Viel (il n'y a pas de rapport je crois avec la poétesse pré-citée)
Je retrouve aussi Maxence Fermine.
Un auteur du Sud, cela ne me ressemble guère.
J'ai lu pratiquement tout ce qu'il a écrit .. Une amie ne m'avait donné que le nom et je suis partie à l'aventure. 
Deux romans me parlent plus que les autres (parce qu'ils ont plus théâtraux ? plus poétiques ? ) :
Neige et Zen. 
Dans les deux cas l'intrigue se déroule au Japon. Le premier dans le milieu des auteurs de Haikus, le second dans celui des calligraphes. Deux histoires d'amour, mais si claires et si évidentes qu'elles ne peuvent constituer l'intérêt du lecteur. (dans certains romans, Maxence Fermine annonce déjà l'aboutissement de l'intrigue dès les premières pages). 
Le charme de ces deux très courts romans vient de la pureté extrême de l'écriture. Les phrases sont courtes, simples, souvent elliptiques. (ce ne sont pas les périodes de Jospeh Danan dans la vie obscure). On croirait presque une aquarelle ancienne passée par le temps, une estampe qui n'aurait gardé que le souvenir des traits les plus importants. 
Tout est suggéré plus qu'il n'est dit. On pense aussi aux mises en scène de Peter Brook. 
Le lecteur retrouve sa liberté. Liberté de résonner et de sentir, d'imaginer et de se faire un monde où évoluent des personnages forts mais à peine caractérisés et qui cherchent avant une pureté et une quintessence que l'écriture leur donne. 

dimanche 13 décembre 2015

Vive la FNAC

Un cadeau à acheter, un petit cadeau pour un ami chez qui je suis invitée. Nous discutons souvent de théâtre, de lectures ... Un petit cadeau, pas quelque chose d'important, juste histoire de marquer le coup, de le remercier de me recevoir. Une idée : le coffret de Ainsi soient-ils. Il n'a pas suivi la série, je lui en ai parlé, il n'est pas convaincu.
Vite fait un tour sur Internet. Site de la FNAC. 29,95 € . Pile le budget que j'avais envisagé. Disponibilité en magasin : il est disponible dans la ville où je dois passer le week end. Il me suffit de partir un peu plus tôt.
J'arrive au magasin. Effectivement le coffret est dans les rayons, ils en ont même plusieurs. Je prends le coffret et me dirige heureuse vers la caisse. Je suis maladroite, je le fais tomber et vois l'étiquette que je n'avais pas consultée : 43,10 €. Je fais marche arrière, demande l'aide d'une employée. Elle vérifie : oui, le coffret est bien à 43,10. Je lui demande de m'expliquer la différence. "Les prix en magasin sont libres." Devant mon étonnement et ma mauvaise humeur grandissante, elle me propose si j'ai la carte du magasin de me facturer 34,90 €, par faveur. Je repose le coffret et sors. Mon ami aura deux bouteilles d'un liquide produit dans la région (à consommer avec modération).
Pendant mon attente, dans la file au magasin régional, je me rappelle une aventure assez semblable, au mois de mars à la FNAC des Halles à Paris. J'avais besoin d'un livre pour un spectacle que je préparais. Entre un train et une intervention, j'avais juste le temps de passer à la FNAC. J'ai effectivement trouvé le livre dans les rayons. Il y avait beaucoup de monde et j'étais attendue pour la lecture. Je suis passée à une caisse automatique, paiement par carte bleue. Ce n'est que le soir, en rentrant chez moi que j'ai vu que j'avais payé le livre 2 € plus cher que le prix éditeur. 2€, ce n'est pas beaucoup , je vous entends déjà me reprocher ma ladrerie... 2 € c'était 20% du prix du livre....
Avec le recul, et après mon retour chez moi, je mesure cependant l'aspect philanthropique de cette politique de prix. Il existe une loi, la loi Lang qui était destinée à fixé un prix minimum pour les livres. Ainsi les petits libraires ne souffraient pas de la concurrence des grandes enseignes. la FNAC pratique la loi Lang à l'envers, au lieu de descendre les prix, elle les augmentent à l'envi, au nom de je ne sais quel calcul de rentabilité. Les clients vont s'apercevoir des tarifs "à la tête" et vont revenir chez les petits libraires qui assurent un prix régulier et conforme à la loi. Je n'ai pas fait le calcul sur le coffret... 40 % ???
Vive donc la FNAC qui se conduit toute seule à sa perte en pratiquant des prix fantaisistes.
Vivent les libraires indépendants..
A ce propos, ma librairie préférée : Le palimpseste, rue de Santeuil à Paris.... 

samedi 12 décembre 2015

Blaise Cendrars avait raison ou Yoyo

Le plus jouissif

Poser un énorme lapin à quelqu'un qui vous a habitué(e) aux râteaux.

Le plus horripilant

Ne pas être là pour pouvoir profiter de la situation.

Le plus débile

Y aller malgré tout, rien que pour voir sa tête quand il/elle s'apercevra que vous n'êtes pas là.



Et se souvenir de l'injonction de Blaise Cendrars qui dit tout cela plus élégamment.
Ou de Yolande Moreau qui a filmé cela avec sensibilité et justesse.

mercredi 9 décembre 2015

ainsi soient-ils arte

Me voici avec un nouvel article bien difficile à commencer. Je voudrais vous parler de Jacques Bonnaffé.
J'ai souvent parlé de lui dans des critiques de théâtre, ou des analyses de lectures, mais je voudrais aujourd'hui évoquer son travail dans des séries télévisées et un peu aussi au cinéma. Je l'ai déjà dit, je connais mal le cinéma : j'assiste à trop de spectacles vivants pour pouvoir consacrer du temps à m'enfermer dans une salle devant un simulacre de vie.
Ma rumination repose sur 3 rôles : Jules dans « Le cri » , une série de 2006, Xavier Valla dans « Le commissariat » un téléfilm de 2009, et Monseigneur Poileaux dans la série « Ainsi soient-ils », dernière saison diffusée actuellement sur Arte.
Si vous avez la curiosité de regarder les photos des 3 personnages (google images), vous serez étonnés de voir à quel point ils sont différents. On peut même parfois se demander s'il s'agit du même comédien. Il est des acteurs (dont je tairai le nom pour ne pas leur faire de la publicité) qui se ressemblent toujours. Pas Jacques Bonnaffé. Chaque personnage est une composition totale : physique et vocale. On croirait presque qu'il fabrique une marionnette de son corps et de son visage et que son action de comédien consiste à les manipuler de l'intérieur.
Alors que Jacques Bonnaffé est un maître de la parole. Il est capable de réciter des poèmes ou des textes en prose pendant des heures, présent par sa seule voix. 
Alors que Jacques Bonnaffé est un maître de la parole, disais-je, ses compostions pour la télévision s'imposent par l'image qu'elles laissent dans l'imaginaire.
Jules : un corps appuyé contre une machine, deux mains qui se posent sur d'autres, une démarche maladroite à la sortie de l'usine, une carriole presque impossible à tirer, une apnée avant une attaque... tout le tragique du personnage est résumé dans ces quelques flashs.
Valla : une claudication en descendant de voiture, un signe de croix étriqué dans une église, un regard au ciel face à un officier allemand.... Tout est là en trois images maîtresses et d'une justesse sidérante.
Le reste du film ou de la série ne sert qu'à enrichir le personnage comme une métaphore qu'on filerait à l'infini. Un rôle tragique (si la gorge ne vous fait pas un peu souffrir quand vous regardez Jules, vous rirez à Racine), un rôle de « traître » et d'ordure. Belle palette déjà.
A cela s'ajoute Monseigneur Poileaux, un personnage esquissé dans la Saison 2 de « Ainsi soient-ils ». Un nouveau venu, homme maladroit, pur, encore empreint de provincialisme, trouvant son autorité dans le besoin de faire respecter les valeurs en lesquelles il croit. La Saison 3 le découvre regrettant d'avance la place qu'il doit quitter et dont il se croyait indigne. Dès les premières scènes, il est tiraillé entre la tentation de l'ambition et la modeste droiture qui le définit, mais déjà près de succomber. Monseigneur Poileaux rêve haut, en gardant les pieds sur terre. Une évolution du personnage qu'un jeu de physionomie annonçait : dans la saison 2, au moment de la vente du séminaire, Jacques Bonnaffé instille dans le regard de son personnage la découverte d'un autre univers et fait surgir l’ambiguïté qui régit Monseigneur Poileaux dans la saison 3.Tout cela en l'alimentant d'un pouvoir humoristique qui le rend sympathique et le désacralise. « Son excellence » est drôle mais pas risible.
Et l'excellence du comédien me laisse pantoise.
Allez voir aussi le professeur de Va Savoir, l'épicier de Derrière Les Murs.... et puis pendant que vous y êtes faites un tour par Coquillage et crustacés, ou Vénus institut....


lundi 7 décembre 2015

l'écran de la parole .. suite

Retour à ma rumination sur l'écran dans le spectacle de la parole et des mots. Je préférerais dire dans les performances du texte, tant je demeure persuadée qu'il existe des performances et surtout des perfomeurs du texte. 
Le travail de Pascal Thétard (Bingo - voir article en novembre) me ramène à ma réflexion. Il convoque un autre spectacle déjà ancien : Un mage en été d'Olivier Cadiot, mis en scène par Lagarde et interprété par L. Poitrenaux. Les 2 spectacles ont recours de la même manière (avec la même intention ? ) à l'écran de fond de scène. Il s'agit, dans les 2 cas, de projections de figures abstraites ou oniriques, de couleurs ou de mouvements. Pas d'illustration directe du texte, mais une stimulation de sensations, d'affects. Le texte n'est impacté par ces projections que par les transformations qui s'opèrent dans l'inconscient du spectateur. Comme au cinéma,  les spectateur est renvoyé à son individualité, puisqu'il est appelé à vire au niveau émotionnel strict. Le public, compris comme un ensemble de personnes unis par une représentation, disparaît. Se met en place une forme d'empathie, non avec le comédien, mais avec le propos, favorisant l'écoute ? 
ou la dérive ? 

Souvenir aussi de deux spectacles autour de l'oeuvre de Thoreau(voire articles antérieurs), l'un de Jean-François Peyret, l'autre de J. Bonnaffé. 
Le premier utilisait abondamment les projections de photographies, d'extraits du texte, d'avatars dessinés des personnages. J'avais eu l'impression lors de cette renvoyée vers le texte, de pouvoir en apprécier les nuances et la portée. 
La lecture qui constituait le second spectacle évoqué aussi dans un article de novembre 2014 donnait à voir un lecteur, des lecteurs aux prises avec le texte dans sa brutalité, son immédiateté. Pourquoi cité à nouveau cette lecture qui avait trait à l'écran de papier ? parce que le même jour j'avais assisté à un concert d'orgues dans une église, à la tombée de la nuit et qu'un écran géant, qui obligeait les auditeurs à tourner le dos à l'instrument proposait des images de l'organiste, voir des gros plans sur ses mains ou sa partition. Comme si la musique ne pouvait plus s'exprimer qu'à travers la médiation d'une image réaliste de sa génération.