Enfin un spectacle dont
je peux parler en bien. Performance ? Non même si on a en tous
les ingrédients : unicité du spectacle, co-présence du
comédien et des spectateurs, mise en scène ébauchée qui laisse
une place à ce que Georges Banu appelle « l'inaccomplissement
du spectacle ».
Performance (au sens non
universitaire), oui ! Il y a longtemps que je n'avais pas vu
quelque chose de cette qualité.
Reprenons dans l'ordre.
Le musée des Beaux Arts
de Reims accueillait dans le cadre de l'exposition sur le peintre
Lhermitte une prestation de Raynald Flory du collectif artistique
Eutectic.
Au programme des textes
de Gaston Couté, un de ces poètes patoisants du début du siècle
dernier, comme Jules Mousseron, que les acteurs d'aujourd'hui
s'approprient avec bonheur. La Beauce et la Sologne …. comme
Mousseron à la même époque chante les mines. Pour commencer et
pour finir des classiques d'Arthur Rimbaud, de Baudelaire, de Bernard
Dimey ( un des autres auteurs fétiches de Raynald Flory). Des textes
qui ne détonent pas dans l'univers champêtre qu'illustrent toiles
et dessins de Lhermitte projetés au-dessus de la scène improvisée
et dont on découvre l'universalité.
Les textes sont d'une actualité sidérante. Comment pourrait-on croire dans la voix de Raynald Flory que près de 100 ans nous séparent de leur écriture, tant ces paysans à la fois matois et butors parlent du monde (d'un monde sosie de celui qui nous entoure) aevc une lucidité née de s'être frotté à la réalité.
Les textes sont d'une actualité sidérante. Comment pourrait-on croire dans la voix de Raynald Flory que près de 100 ans nous séparent de leur écriture, tant ces paysans à la fois matois et butors parlent du monde (d'un monde sosie de celui qui nous entoure) aevc une lucidité née de s'être frotté à la réalité.
Et là : la
surprise. Ce qui aurait pu être une simple lecture des textes
devient un vrai spectacle.
Tout est investi, joué,
interprété avec mesure ; joué le poème, mais aussi joué le mot
qui fait mouche.
Le mise en scène sobre
et maîtrisée forme écrin à l'interprète : une lessive
étendue, deux morceaux de bois assemblées avec un bout de ficelle,
des pierres...
Le patois devient bonheur
au delà de la première difficulté. Une interruption permet de
faire un rapide cours interactif : on parle désormais la même
langue. On s'amuse du
décalage de l'expression et de la justesse de l'observation. Il faut
dire que Raynald Flory trouve toujours la juste mesure entre le
détail qui amène le sourire et la distance qui souligne le
tragique.
Mais surtout ce spectacle
prend en compte le public « le quatrième créateur »
dont parle Meyerhold. On partage le vin et le pain (pas de la
religion) mais des hommes de la terre, moissonneurs, faneurs,
paysans, vendangeurs (l'affreux liquide du pressoir et la rousseur de
la moisson).
Etait-ce une performance
(au sens universitaire du mot). J'espère que non, car j'ai très
envie de revoir ce spectacle et de faire découvrir à beaucoup
d'autres le bonheur que j'y ai trouvé.