Elle avait le hasard
grec.
Elle prenait le métro,
le matin, lisait son horoscope pendant le trajet, espérait en
interprétant à son gré l'oracle de papier. Elle passait sa journée
devant son ordinateur. Son travail achevé, elle reprenait le métro
et lisait pendant le trajet l'horoscope du gratuit du soir.... Les
oracles ne mentaient jamais dans l'acharnement du sort. Elle
découvrait trop tard son erreur d'interprétation. Elle avait le
hasard grec.
Celui qu'elle aimait
partait en Lointainie. Tous les jours son blog affichait des
connections de tout là-bas. « Loin de moi, il pense à moi. »
Elle avait le hasard grec. Toujours une carte arrivait de Lucie ou
Célestine « Salut, ma grande, je suis en Lointainie pour
quelques jours. Je fais découvrir ton blog à des copines d'ici. »
Elle avait le hasard
grec. Elle passait devant les temples avec une rancœur sourde. Les
dieux s'acharnent sur ceux qu'ils aiment. Elle ne doutait pas de leur
affection.
Elle attendait un appel
essentiel pour elle. Son téléphone habituellement silencieux ne
cessait carillonner avant de la mettre en communication avec les
spams auxquels elle répondait avec une rage dont elle connaissait
seule la cause.
Elle programmait des
vacances au soleil, la plage, le sable, la mer. C'est toujours la
veille du départ qu'elle glissait sur une feuille mouillée par
l'automne. Elle méditait sur le hasard grec, le pied en l'air dans
une chambre surchauffée.
Quand elle l'avait
croisé, elle avait redouté le hasard. Mais il était scandinave,
que peut le hasard grec contre un scandinave ? Par Tor et par
Odin, oublions le Parnasse hellénique autant que l'Olympe. Elle avait conjuré les
Moires de regarder ailleurs. Il était si exotique... Ils se sont
connus et confiés. Y ont-ils cru ? Jusqu'au jour où un hasard
qui n'était pas scandinave....
A prendre au second ou au troisième degré...
A prendre au second ou au troisième degré...