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mercredi 23 décembre 2015

rencontre

En avril, j'étais dans le Nord. Je ne suis pas de là, mes ancêtres y ont longtemps séjourné d'un côté et de l'autre de la ligne en pointillé qui n'existe que sur les cartes. J'y ai passé mes vacances d'enfant de chaque côté sur les plages infinies au pied des falaises de calcaire qui regardent leurs jumelles se refléter dans l'eau.... ou à l'ombre des beffrois. J'y suis souvent passée pour retrouver ma famille qu'on appelait « Les Belges », comme eux nous appelaient « les Français ». J'aime davantage ce pays à cheval (au nord ou au sud selon qu'on est à Paris ou à Bruxelles), depuis mes ami(e)s aux longues mains de Vermeer, qu'ils/elles soient d'un côté ou de l'autre. Humbles, qui m'ont donné avec la patience et la soumission au fil, la générosité. Gens de Bailleul, de Gembloux, de Jeumont, de Marche, de Coudekerque, de Hoodschotte, de Sebourg, de Bruges ... vous êtes ma famille et je le lis dans vos bras qui m'accueillent.
J'étais donc dans le Nord en avril, à faire cliqueter les bloquets et les caquets avec les amis aux longues mains.
Immenses salles qu'imposent une vie associative.
Nous en bas et à l'étage au-dessus, salle Jean Vilar, des magiciens pour un concours. Dans la cour, à l'arrière, quelques uns calment leur impatience en triturant des ballons.
Echange du mot, du gros mot d'usage qui rend moins seuls ceux qui connaissent la peur atroce des « avant », la peur qu'on jure de ne plus tutoyer et qu'on appelle dès qu'elle nous délaisse.
Le plus jeune d'enter eux ? Le plus inquiet ? fabrique une fleur en ballons, corolle rose, feuillage vert soutenu. Archétype d'une mauvaise peinture de maternelle grande section. Il me la tend. Cadeau impromptu mais merveilleux. Je n'ai à lui offrir qu'un sourire et une mot unique.

Petit magicien j'espère que tu as brillé dans la salle du haut. J'ai promené ta fleur de ballons dans toute la ville avec l'audace d'un cadeau sorti du cœur. Le regard des autres ? Je n'ai voulu y voir que la jalousie. Les ballons se sont un peu dégonflés et la fleur a gagné quelques rides, mais sur mon bureau il y a encore cette fleur poussée aux doigts d'un magicien. Une fleur qui m'aide parfois.

jeudi 17 décembre 2015

ZEN

En ce moment pas de grandes sorties théâtre, pas non plus de petits bijoux qui donneraient envie de parler de théâtre. pas de lectures géniales et rien en prévision dans les semaines qui viennent... Je suis en manque de théâtre... 
Alors je lis ... 
les poèmes si touchants d'Agnès Schnell et qui troublent mon amitié et me rendent les mots difficiles.
ceux si drôles de Frédérik Houdaer
ceux de Laurence Vielle
Le magicien de Zeno Bianu...
et puis des romans. Je retrouve Tanguy Viel (il n'y a pas de rapport je crois avec la poétesse pré-citée)
Je retrouve aussi Maxence Fermine.
Un auteur du Sud, cela ne me ressemble guère.
J'ai lu pratiquement tout ce qu'il a écrit .. Une amie ne m'avait donné que le nom et je suis partie à l'aventure. 
Deux romans me parlent plus que les autres (parce qu'ils ont plus théâtraux ? plus poétiques ? ) :
Neige et Zen. 
Dans les deux cas l'intrigue se déroule au Japon. Le premier dans le milieu des auteurs de Haikus, le second dans celui des calligraphes. Deux histoires d'amour, mais si claires et si évidentes qu'elles ne peuvent constituer l'intérêt du lecteur. (dans certains romans, Maxence Fermine annonce déjà l'aboutissement de l'intrigue dès les premières pages). 
Le charme de ces deux très courts romans vient de la pureté extrême de l'écriture. Les phrases sont courtes, simples, souvent elliptiques. (ce ne sont pas les périodes de Jospeh Danan dans la vie obscure). On croirait presque une aquarelle ancienne passée par le temps, une estampe qui n'aurait gardé que le souvenir des traits les plus importants. 
Tout est suggéré plus qu'il n'est dit. On pense aussi aux mises en scène de Peter Brook. 
Le lecteur retrouve sa liberté. Liberté de résonner et de sentir, d'imaginer et de se faire un monde où évoluent des personnages forts mais à peine caractérisés et qui cherchent avant une pureté et une quintessence que l'écriture leur donne. 

dimanche 13 décembre 2015

Vive la FNAC

Un cadeau à acheter, un petit cadeau pour un ami chez qui je suis invitée. Nous discutons souvent de théâtre, de lectures ... Un petit cadeau, pas quelque chose d'important, juste histoire de marquer le coup, de le remercier de me recevoir. Une idée : le coffret de Ainsi soient-ils. Il n'a pas suivi la série, je lui en ai parlé, il n'est pas convaincu.
Vite fait un tour sur Internet. Site de la FNAC. 29,95 € . Pile le budget que j'avais envisagé. Disponibilité en magasin : il est disponible dans la ville où je dois passer le week end. Il me suffit de partir un peu plus tôt.
J'arrive au magasin. Effectivement le coffret est dans les rayons, ils en ont même plusieurs. Je prends le coffret et me dirige heureuse vers la caisse. Je suis maladroite, je le fais tomber et vois l'étiquette que je n'avais pas consultée : 43,10 €. Je fais marche arrière, demande l'aide d'une employée. Elle vérifie : oui, le coffret est bien à 43,10. Je lui demande de m'expliquer la différence. "Les prix en magasin sont libres." Devant mon étonnement et ma mauvaise humeur grandissante, elle me propose si j'ai la carte du magasin de me facturer 34,90 €, par faveur. Je repose le coffret et sors. Mon ami aura deux bouteilles d'un liquide produit dans la région (à consommer avec modération).
Pendant mon attente, dans la file au magasin régional, je me rappelle une aventure assez semblable, au mois de mars à la FNAC des Halles à Paris. J'avais besoin d'un livre pour un spectacle que je préparais. Entre un train et une intervention, j'avais juste le temps de passer à la FNAC. J'ai effectivement trouvé le livre dans les rayons. Il y avait beaucoup de monde et j'étais attendue pour la lecture. Je suis passée à une caisse automatique, paiement par carte bleue. Ce n'est que le soir, en rentrant chez moi que j'ai vu que j'avais payé le livre 2 € plus cher que le prix éditeur. 2€, ce n'est pas beaucoup , je vous entends déjà me reprocher ma ladrerie... 2 € c'était 20% du prix du livre....
Avec le recul, et après mon retour chez moi, je mesure cependant l'aspect philanthropique de cette politique de prix. Il existe une loi, la loi Lang qui était destinée à fixé un prix minimum pour les livres. Ainsi les petits libraires ne souffraient pas de la concurrence des grandes enseignes. la FNAC pratique la loi Lang à l'envers, au lieu de descendre les prix, elle les augmentent à l'envi, au nom de je ne sais quel calcul de rentabilité. Les clients vont s'apercevoir des tarifs "à la tête" et vont revenir chez les petits libraires qui assurent un prix régulier et conforme à la loi. Je n'ai pas fait le calcul sur le coffret... 40 % ???
Vive donc la FNAC qui se conduit toute seule à sa perte en pratiquant des prix fantaisistes.
Vivent les libraires indépendants..
A ce propos, ma librairie préférée : Le palimpseste, rue de Santeuil à Paris.... 

samedi 12 décembre 2015

Blaise Cendrars avait raison ou Yoyo

Le plus jouissif

Poser un énorme lapin à quelqu'un qui vous a habitué(e) aux râteaux.

Le plus horripilant

Ne pas être là pour pouvoir profiter de la situation.

Le plus débile

Y aller malgré tout, rien que pour voir sa tête quand il/elle s'apercevra que vous n'êtes pas là.



Et se souvenir de l'injonction de Blaise Cendrars qui dit tout cela plus élégamment.
Ou de Yolande Moreau qui a filmé cela avec sensibilité et justesse.

mercredi 9 décembre 2015

ainsi soient-ils arte

Me voici avec un nouvel article bien difficile à commencer. Je voudrais vous parler de Jacques Bonnaffé.
J'ai souvent parlé de lui dans des critiques de théâtre, ou des analyses de lectures, mais je voudrais aujourd'hui évoquer son travail dans des séries télévisées et un peu aussi au cinéma. Je l'ai déjà dit, je connais mal le cinéma : j'assiste à trop de spectacles vivants pour pouvoir consacrer du temps à m'enfermer dans une salle devant un simulacre de vie.
Ma rumination repose sur 3 rôles : Jules dans « Le cri » , une série de 2006, Xavier Valla dans « Le commissariat » un téléfilm de 2009, et Monseigneur Poileaux dans la série « Ainsi soient-ils », dernière saison diffusée actuellement sur Arte.
Si vous avez la curiosité de regarder les photos des 3 personnages (google images), vous serez étonnés de voir à quel point ils sont différents. On peut même parfois se demander s'il s'agit du même comédien. Il est des acteurs (dont je tairai le nom pour ne pas leur faire de la publicité) qui se ressemblent toujours. Pas Jacques Bonnaffé. Chaque personnage est une composition totale : physique et vocale. On croirait presque qu'il fabrique une marionnette de son corps et de son visage et que son action de comédien consiste à les manipuler de l'intérieur.
Alors que Jacques Bonnaffé est un maître de la parole. Il est capable de réciter des poèmes ou des textes en prose pendant des heures, présent par sa seule voix. 
Alors que Jacques Bonnaffé est un maître de la parole, disais-je, ses compostions pour la télévision s'imposent par l'image qu'elles laissent dans l'imaginaire.
Jules : un corps appuyé contre une machine, deux mains qui se posent sur d'autres, une démarche maladroite à la sortie de l'usine, une carriole presque impossible à tirer, une apnée avant une attaque... tout le tragique du personnage est résumé dans ces quelques flashs.
Valla : une claudication en descendant de voiture, un signe de croix étriqué dans une église, un regard au ciel face à un officier allemand.... Tout est là en trois images maîtresses et d'une justesse sidérante.
Le reste du film ou de la série ne sert qu'à enrichir le personnage comme une métaphore qu'on filerait à l'infini. Un rôle tragique (si la gorge ne vous fait pas un peu souffrir quand vous regardez Jules, vous rirez à Racine), un rôle de « traître » et d'ordure. Belle palette déjà.
A cela s'ajoute Monseigneur Poileaux, un personnage esquissé dans la Saison 2 de « Ainsi soient-ils ». Un nouveau venu, homme maladroit, pur, encore empreint de provincialisme, trouvant son autorité dans le besoin de faire respecter les valeurs en lesquelles il croit. La Saison 3 le découvre regrettant d'avance la place qu'il doit quitter et dont il se croyait indigne. Dès les premières scènes, il est tiraillé entre la tentation de l'ambition et la modeste droiture qui le définit, mais déjà près de succomber. Monseigneur Poileaux rêve haut, en gardant les pieds sur terre. Une évolution du personnage qu'un jeu de physionomie annonçait : dans la saison 2, au moment de la vente du séminaire, Jacques Bonnaffé instille dans le regard de son personnage la découverte d'un autre univers et fait surgir l’ambiguïté qui régit Monseigneur Poileaux dans la saison 3.Tout cela en l'alimentant d'un pouvoir humoristique qui le rend sympathique et le désacralise. « Son excellence » est drôle mais pas risible.
Et l'excellence du comédien me laisse pantoise.
Allez voir aussi le professeur de Va Savoir, l'épicier de Derrière Les Murs.... et puis pendant que vous y êtes faites un tour par Coquillage et crustacés, ou Vénus institut....


lundi 7 décembre 2015

l'écran de la parole .. suite

Retour à ma rumination sur l'écran dans le spectacle de la parole et des mots. Je préférerais dire dans les performances du texte, tant je demeure persuadée qu'il existe des performances et surtout des perfomeurs du texte. 
Le travail de Pascal Thétard (Bingo - voir article en novembre) me ramène à ma réflexion. Il convoque un autre spectacle déjà ancien : Un mage en été d'Olivier Cadiot, mis en scène par Lagarde et interprété par L. Poitrenaux. Les 2 spectacles ont recours de la même manière (avec la même intention ? ) à l'écran de fond de scène. Il s'agit, dans les 2 cas, de projections de figures abstraites ou oniriques, de couleurs ou de mouvements. Pas d'illustration directe du texte, mais une stimulation de sensations, d'affects. Le texte n'est impacté par ces projections que par les transformations qui s'opèrent dans l'inconscient du spectateur. Comme au cinéma,  les spectateur est renvoyé à son individualité, puisqu'il est appelé à vire au niveau émotionnel strict. Le public, compris comme un ensemble de personnes unis par une représentation, disparaît. Se met en place une forme d'empathie, non avec le comédien, mais avec le propos, favorisant l'écoute ? 
ou la dérive ? 

Souvenir aussi de deux spectacles autour de l'oeuvre de Thoreau(voire articles antérieurs), l'un de Jean-François Peyret, l'autre de J. Bonnaffé. 
Le premier utilisait abondamment les projections de photographies, d'extraits du texte, d'avatars dessinés des personnages. J'avais eu l'impression lors de cette renvoyée vers le texte, de pouvoir en apprécier les nuances et la portée. 
La lecture qui constituait le second spectacle évoqué aussi dans un article de novembre 2014 donnait à voir un lecteur, des lecteurs aux prises avec le texte dans sa brutalité, son immédiateté. Pourquoi cité à nouveau cette lecture qui avait trait à l'écran de papier ? parce que le même jour j'avais assisté à un concert d'orgues dans une église, à la tombée de la nuit et qu'un écran géant, qui obligeait les auditeurs à tourner le dos à l'instrument proposait des images de l'organiste, voir des gros plans sur ses mains ou sa partition. Comme si la musique ne pouvait plus s'exprimer qu'à travers la médiation d'une image réaliste de sa génération. 

lundi 30 novembre 2015

le hasard grec

Elle avait le hasard grec.
Elle prenait le métro, le matin, lisait son horoscope pendant le trajet, espérait en interprétant à son gré l'oracle de papier. Elle passait sa journée devant son ordinateur. Son travail achevé, elle reprenait le métro et lisait pendant le trajet l'horoscope du gratuit du soir.... Les oracles ne mentaient jamais dans l'acharnement du sort. Elle découvrait trop tard son erreur d'interprétation. Elle avait le hasard grec.
Celui qu'elle aimait partait en Lointainie. Tous les jours son blog affichait des connections de tout là-bas. « Loin de moi, il pense à moi. » Elle avait le hasard grec. Toujours une carte arrivait de Lucie ou Célestine « Salut, ma grande, je suis en Lointainie pour quelques jours. Je fais découvrir ton blog à des copines d'ici. »
Elle avait le hasard grec. Elle passait devant les temples avec une rancœur sourde. Les dieux s'acharnent sur ceux qu'ils aiment. Elle ne doutait pas de leur affection.
Elle attendait un appel essentiel pour elle. Son téléphone habituellement silencieux ne cessait carillonner avant de la mettre en communication avec les spams auxquels elle répondait avec une rage dont elle connaissait seule la cause.
Elle programmait des vacances au soleil, la plage, le sable, la mer. C'est toujours la veille du départ qu'elle glissait sur une feuille mouillée par l'automne. Elle méditait sur le hasard grec, le pied en l'air dans une chambre surchauffée.

Quand elle l'avait croisé, elle avait redouté le hasard. Mais il était scandinave, que peut le hasard grec contre un scandinave ? Par Tor et par Odin, oublions le Parnasse hellénique autant que l'Olympe. Elle avait conjuré les Moires de regarder ailleurs. Il était si exotique... Ils se sont connus et confiés. Y ont-ils cru ? Jusqu'au jour où un hasard qui n'était pas scandinave....

A prendre au second ou au troisième degré...

jeudi 26 novembre 2015

il faut savoir écrire avec élégance faute de sentiments

Une rencontre cette semaine. Une de ces rencontres qui vous laissent pantois. 
Lecture privée d'un poète connu, reconnu, gradué, lauréaté, estampillé, du poète comme on en fait peu, aussi décoré à lui seul qu'un commando du GIGN de la poésie comme il faut, comme on n'en fait plus ma bonne dame. 
Il faut faire car poésie vient du grec poein qui veut dire faire. C'est bien  de citer les racines et d'étaler sa confiture en longues tartines... Mais en hiver ça n'attrape plus les mouches. Souvenir de cette femme qui avait découvert un jour, que chier vient du latin cacare dans un flot d'offuscations. "De mon temps, il n'y avait pas ces mots-là en latin..."  Heureusement que les Latins connaissaient chier et baiser autant que le vocabulaire de la philosophie... Sinon, nous ne serions pas là pour en parler. Nouveaux cris de la dame à la limite de l’apoplexie, "Eh bien le latin a bien mal évolué aujourd'hui". Toujours pas compris la dame... aurait mérité que les latins ne connaissent que le lexique de la pensée...
Revenons à mon poète... 
Lecture non pas de ces textes poétiques mais de considérations sur ce que doit être la POESIE...
Pour ses poèmes, c'est au public de les lire... Il apprécie en connaisseur....et remercie en rougissant. Je reste pantoise... Comment dire ? Souvenir d'une lecture de Thoreau il y a quelques années (article dans ce blog) où le public lisait aussi, pas les textes de l'artiste présent. Scène partagée entre le comédien et ses auditeurs..un grand moment... 
Notre poète parle volontiers de son parcours et de son écriture, puis revient aux considérations générales. Il aime aider les autres, leur expliquer pourquoi ce qu'ils écrivent est mauvais, et comment ils peuvent faire pour écrire enfin de la vraie poésie.
Je dois lire aussi. J'ai reculé le moment le plus longtemps possible, mais il m'a repérée : "Vous n'avez rien trouvé qui vous plaise ?". Où est Sampiero et ses mots qui me font pleurer, Albane Gelée ? Laurence Vielle, Agnès Schnell ? 
Je prends un texte parce qu'il y a un embryon d'image habitée, tout à la fin. Je galère et bâcle ma lecture. Il n'y a pas de rythme, pas de sonorités, pas d'épaisseur, pas de vie, pas de mystère... 
Oh de l'image, il y a .. et de la belle, de la métaphore, de l'anacoluthe, du chiasme, de l'hyperbole, de l'oxymore qu'on se croirait presque dans un exercice scolaire ... Plusieurs par vers... Et du vocabulaire à faire pâlir de jalousie un dictionnaire...
Je vous l'ai dit je reste pantoise... Il me manque... la poésie...
Retour tard dans la soirée. Aussitôt "au secours Verheggen".... 
Retrouver la chair de la langue...
"Des gros mots, oui ! Mais des gros mots sapiens! " 
Et la réponse à mes doutes :
"En fait, on le voit, tout est possible pourvu qu'on cesse de se croire obligé de jouer les pompiers à Pompéi ou le Samu à Samothrace sous prétexte que les chefs-d'oeuvre poétiques sont en danger !" 

Est-ce que Verheggen connaît ce poète ? je crois l'avoir deviné dans certains passages de Poète bin qu'oui poète bin qu'non

vendredi 20 novembre 2015

les mamelles de Tirésias

Bien mauvaise idée que cette soirée... 
Les circonstances ne portent pas à la gaieté. Un ami passe me chercher, il faut y aller. 
Mauvaise idée. 
J'aime Apollinaire. Hélas ! 
Que vous en dire ? 
Le décor est très beau. Il y a au centre du plateau un arbre qui miroite et scintille pendant tout le spectacle, arbre de Noël, arbre de la science, de la vie... Deux grands voiles de plastique l'encadrent, lumière, bruissement, jeu de transparence....
Passons maintenant au corps du délit. 
La pièce commence par une longue psalmodie en arabe ? en hébreu ? Une femme seule, en noir, lumière très parcimonieuse. Le public se hérisse. La scène est malvenue, quelques uns quittent la salle, ils échappent à la suite. Le malaise enfle, des bruits de fauteuils, de pieds, de mouvements... Rien ne perturbe la comédienne qui continue sa mélopée... La haine devient palpable. 
5mn, 7 longues minutes (peut-être plus)
Puis un clown (travail remarquable) dans la lumière revenue récite la Genèse, la création du monde, puis d'Adam et d’Ève, le péché originel .....encore 5 bonnes minutes (mais moins lourdes, on comprend) et le clown est attendrissant... 
Un quart d'heure sans Apollinaire. Oui ! on a bien compris que la femme enfante dans la douleur parce qu'elle est la fomentatrice du péché. Et l'idée d'Apollinaire est de montrer une femme qui se refuse à cela. Original en 1917, intéressant aujourd'hui, mais déjà pratiqué parfois.. il y a eu la loi Veil...
Ce qui soutient notre attente, c'est le travail d'Apollinaire, son écriture, l'aspect surréaliste avant l'heure. 
Enfin la pièce commence, mise en scène très conventionnelle, des trouvailles de club de théâtre de collège : les mamelles sont des ballons....
Les autres personnages arrivent. On les voit bien. On ne comprend pratiquement rien à ce qu'ils disent...pseudo-accent, manque d'articulation, de portée, voix qui se chevauchent, ou qui parlent faux.... Ça savonne ....On attend toujours d'entendre Apollinaire. 
Le prologue arrive au milieu du deuxième acte. Comme une gifle. C'est très fort, cela fait écho à tout ce qui est diffusé par les médias depuis 3 jours. Et le texte incompris du début revient dans les mémoires, comme une explosion. Nouveau malaise. 
note de mise en  scène " Aujourd'hui les Mamelles de Tirésias se présentent comme une farce, qui a pour but d'amuser le public... je pense qu'elle doit se jouer, se mettre en scène avec beaucoup de légèreté". (sans commentaire)
Ensuite Apollinaire se fait encore la malle. On a même droit à "Homme de couleurs" de Leopold Sedar Senghor.... faute d'avoir les dernières scènes de la pièce. 
Il y en a qui ont eu la chance de pouvoir partir .... 
Et si vous n'y alliez pas ? Il y a certainement une bonne émission à la radio ou un bon livre à lire... Tenez Maxence Fermine vient de publier Zen .

dimanche 15 novembre 2015

le silence à hurler

Est-il blond ? Roux ? Est-elle brune ? Et ses cheveux sont-ils longs ou courts, lisses ou bouclés ? Porte-t-il une barbe ? A-t-elle des lunettes ? Est-il petit, rondelet ? Est-elle svelte ? Et ses vêtements ? Comment ses vêtements ? Nous ne savons rien de lui, d'elle. Même pas son nom, ni la forme de son visage, ni ce qu'il fait dans la vie, ni ce qu'elle a fait jusqu'aujourd'hui. Nous ne savons rien, pas même peut-être si c'est une fille ou un garçon. Lui aurions-nous dit bonjour, quelques mots, si nous l'avions croisé ? Ne l'avons-nous pas croisé, lui ou qui lui ressemble. Et soudain une fatalité nous le fait frère, nous la fait sœur. Son absence brusque nous laisse vide et transis. Deuil indéfinissable, profond durable. Parce qu'une fatalité humaine, brute, l'a désigné de son sceau de sang. Petit frère, petite sœur, par centaine, nous nous souviendrons.  

samedi 14 novembre 2015

le silence

Je voulais écrire aujourd'hui sur le spectacle de Pascal, hier soir, sur les Flandres, sur une amie souffrante, sur une phrase de Blaise Cendrars, sur des irréels de mon enfance... 
Et puis le choc,  reçu à midi, l'inquiétude : trop de lieux... trop de noms...
Et les souvenirs qui remontent. 
Il faudra lundi certainement affronter les rires et l'allégresse de quelques enfants, comme en janvier, dans cette cour d'école. Rire du crime accompli, rire de la tristesse des bouleversés, joies des futurs crimes et sentiment d'impunité, d'immunité. "Si vous faites quelque chose contre moi, mes parents iront vous dénoncer à la police, sale raciste." 
Souvenir aussi de cette fillette de 11 ans, au lendemain du 11 septembre. Un mot comme une gifle, trop violent, assassin pour que la mémoire l'ait retenu, puis la déclaration comme une couperet : "Vous vous rendez compte, il y a des gens qui ont pu se sauver.. " Et les parents qui ont toujours boutique sur rue .... "
Non les mots sur les Flandres n'ont plus ra raison. 

mercredi 11 novembre 2015

Les IRREELS (critique)

Comment vous parler de ce que j'ai vu ? Un spectacle ? Un rêve éveillé ? Des acteurs ? Des marionnettes ? Une plongée dans l'irréel. C'est d'ailleurs le nom de la performance que propose la compagnie Créature. LES IRREELS.
Rien ne peut mieux convenir et comprenez la vanité et l'impuissance des mots pour donner une idée de ce que j'ai vécu à leur rencontre.
Au niveau aussi de la relation aux spectateurs, il y a beaucoup à dire.
Essayons une description méthodique, une partie du chemin sera déjà parcouru.
Il y a 15 « cabanes » de foire, formant un cercle autour duquel le public est invité à tourner dans le sens qu'il veut, en respectant l'ordre ou en sautant de stations. Cela paraît simple.
Chaque cabane représente un univers particulier (matière, couleur, organisation). Cela commence à se compliquer. Tout y est respecté : il y a une foule d'ustensiles dans le monde de la cuisine. Des albums de photos de toutes les époques, du linge à étendre, une lessiveuse, des filets de pêche... Il faudrait des heures pour retrouver et assimiler les moindres détails si importants de chaque univers.
Dans chacun de ces univers un personnage (parfois deux), entre humain et animal. Si humain dans son attitude et sa gestuelle, si animal dans son masque. Si hybride qu'on ne peut que se tromper. Une poule a une crête en fleurs, des plumes en tulle, un cheval à une crinière en dentelle, un lion un pelage en loden, quant à la biche elle porte crinoline de velours comme les personnages de Grandville. Leur nom est déjà tout un programme : la dorloteuse d'enfance, la lessiveuse de malheurs, le pêcheur d'espoir, la berceuse de secrets.
Que se passe-t-il alors ? Rien. Que font-ils ? Rien. Que disent-ils ? Rien. C'est une de ces ménageries qui s'installent parfois sur les parkings des centres commerciaux. Et pourtant c'est le spectacle le plus troublant, le plus bouleversant que j'aie vu depuis des années. Le spectacle n'est pas extérieur, mais en nous. Chaque personnage a une mini marionnette ou un objet auquel il donne vie et grâce auquel il communique un peu avec les badauds.
Le trajet c'est le public qui le fait. Par une petite pancarte, on connaît les fonctions des personnages. Un texte d'une grande poésie, simple comme toute grande poésie, « il rêve, il invente les amis imaginaires qui peuplent son esprit, avant qu'ils rejoignent les humains pour les accompagner ».
Nous regardons les personnages évoluer avec la part de secret, de désirs inavoués, de regrets bien tapis. Les regarder c'est regarder à l'intérieur de nous, avec bienveillance et impudeur. Leur masque est figé, il ne nous renvoie rien, mais ils reçoivent les émotions qui naissent en nous, accentuent une pose, esquissent un geste plus personnel pour dire « oui, nous existons, ici et maintenant ». Quand on quitte une cabane, qu'il faut fermer les yeux ou affronter ceux des autres spectateurs, un échange parfois s'ébauche, pauvre et banal « c'est beau », parce que l'aventure et la représentation ont lieu au plus intime de chacun.

Je vais bientôt reprendre mes ruminations sur l'écran dans les spectacles de lecture ou de poésie. Le comédien avec lequel je travaille régulièrement prépare un nouveau spectacle (première vendredi...) Il  paraît que la mise en scène repose sur la notion d'écran.. Juste quelques photos. Je ne veux pas savoir avant... 

lundi 2 novembre 2015

Agnès Schnell : en filigrane l'Ardenne

J'ai rencontré Agnès Schnell lors d'un marché de poésie dans les Ardennes, Place aux livres. Nous avons vite parlé librement, amusées de nous trouver une même passion pour l'Ardenne profonde, ses paysages, ses eaux et ses légendes . Nous avons parlé de la difficulté d'avouer l'écriture quand on est femme, et des fidélités qui poussent vers la page encore vide. D'auteurs que nous aimions.
Je suis partie avec deux livres d'elle : Murmures dans l'absence et En filigrane, L’Ardenne.
J'ai lu ses deux livres, pas dévoré, lu, siroté, comme un nectar fluide et parfumé. Je les ai lus et relus, plongeant au hasard dans les textes. Je sens qu'il s’agit d'un long poème unique qui se cache dans le morcellement, j'entends les échos et les résonances. Mais une ou deux pages suffisent à ma soif et me donnent assez de rêve. Je garde les autres comme une gourde précieuse pour les aridités futures.
L'Ardenne est là, comme lorsque mes pieds la traverse. Dans l'arc-en-ciel que lui donnent les saisons.
Agnès Schnell utilise un vers court, fluide, très proche de la parole. Les images et les sensations naissent des associations de mots ou d'idées. Tout est osmose : la langue, les paysages et les êtres qui s'y meuvent, la sensualité des pierres et celle des verbes ou du vent.
Il m'est difficile finalement de parler de cette écriture tant elle ressemble à celle qui habite dans mon imaginaire.

Plongez. 

Avec une pensée pour Agnès en ces moments difficiles. 
Vous pouvez la retrouver sur facebook

mardi 20 octobre 2015

occupation 4/7 (nouvelle)

Hasard des rencontres esquivées. Corps dépeuplés, maisons vides aux portes en toiles d'araignées, corps surpeuplés, où à chaque balcon des figures différentes vous interpellent. On promène son corps entre deux repas, deux sommeils...J'agite une marionnette de l'intérieur. Je suis entrée dans un oripeau en peau de femme. Comme ces ours de foire, défroques de fourrure synthétique dont se revêtent les saltimbanques et qui font peur aux enfants parce qu'ils ont lu dans le programme que l'ours ferait peur aux enfants.
Les couloirs anonymes, les salles anonymes, la chambre anonyme. Non, une grande photographie, reniée par une autre avant moi - longtemps avant ?-, ou message d'un passage entre deux histoires, entre les pans d'une biographie ressoudée. Je sais mon histoire, de son début à ce corps, de la naissance de son corps à lui à mon corps de femme. Histoire aphasique que je baigne dans l'eau instantanéisé d'une cascade sur papier glacé, à perte de vue, de mon lit. Unique fenêtre vers un rêve de nature. Inventé ?
Au loin aussi, après l'enfilade austère, un lieu habité par un poste de télévision qui réunit d'autres fourvoyées.
Un soir, justement, lui, à la télévision. Réduit à l'épaisseur d'un écran plasma. Avec une voix nouvelle, celle du dehors, si dissemblable de celle que me transmettait l'oreille interne, un rien nasillarde. Ai-je parfois pris le temps d'une pause dans ses sinus, avant le grand éternuement ?
Une infirmière se précipite sur moi. Je dois sourire de revoir celui dont j'ai si souvent joué.

Si je le connais ?
Comme je le connais !

Un indice pour vous ? Je vous offre ma réticence. Regard vidé, bouche close sur les mots qui se recroquevillent.

lundi 19 octobre 2015

Fair Play de Patrice Thibaud critique

Ils sont deux sur scène, longue veste rayée de bleu et blanc, maillot de corps et short noir, et pourtant ils sont des dizaines, hommes ou femmes.
Face à face avec le public, installé dans son propre rôle dès le début du spectacle, ils deviennent tous les sportifs et tous leurs entraîneurs. Tout cela presque sans un mot.
On pense à Monsieur Hulot, à Charlot, à Laurel et Hardy....
Deux clowns. Et comme le veut la tradition clownesque les rapports de l'un à l'autre ne sont pas toujours simples, ruse, oppression, soutien...
Pas deux mimes, car le geste est toujours réalisé avec un regard critique. La scène sur l'haltérophilie téléphonée capte immédiatement l'adhésion du public par exemple, à cause du burlesque. Pantomime mais aussi parodie et pastiche.
Un spectacle plein d'inventions faciles et parfois attendues mais qui ne laissent pas indifférent. On rit beaucoup du début à la fin, pour des raisons différentes.
Certains passages pourtant atteignent une critique plus profonde et plus politique.
Si Patrice Thibaud est drôle dans les échecs des personnages qu'il incarne, Philippe Leygnac, son complice, est impressionnant comme musicien et chanteur, autant que comme performeur sportif. Son entrée en scène est extraordinaire.
Une soirée finalement agréable, de rire franc, il en faut de temps en temps.




vendredi 16 octobre 2015

occupation 3/7 (nouvelle)

Qui êtes-vous ? Il va falloir trouver une solution. Nous ne pouvons vous garder ici.

Pardonnez-moi de prendre la place de quelqu'un. Je prends déjà le corps de quelqu'un. Pourvu que personne ne vienne me le réclamer ce corps dont il va falloir que je m'occupe. J'ai un nouveau né en responsabilité, un nouveau né adulte.
Femme et même trop femme. On n'a pas lésiné sur la marchandise. J'ai tout reçu abondamment, des seins, des cheveux, des fesses, du ventre. Un corps adulte qu'il me faut nourrir, laver, habiller, promener, occuper à longueur de vie. Apprenez-moi ! Je n'étais que l'épine, le scrupule d'un écrivain.
Amnésique ? Non ! Il faut je m'organise dans ma nouvelle coquille, que j'apprivoise ses besoins, ses émotions. Suis-je la seule occupante de cet organisme ? Est-ce qu'il abrite une épine qui m'agit à mon tour ? Est-ce elle qui me dit d'aimer la nourriture et les longues marches, me donne besoin de lire l'éternité de mes nuits ? Lire ses livres, jusqu'à l'ivresse d'y découvrir les mots que je côtoyais au tremblement de ses lèvres, à la fébrilité de ses doigts.

Centre des personnes perdues, au bout d'un an et un jour, si l'on ne vous a pas réclamé....

Blafards les couloirs, blafards les souvenirs, blafarde la survie. Croisements muets et méfiants. Comment se faire des amis quand on ne sait dans combien de temps il sera à nouveau temps de partir ? Comment se faire des connaissances quand l'énergie se focalise sur les connaissances gommées ?

lundi 12 octobre 2015

occupation 2/7 (nouvelle)

J'étais son épine vitale. Il était écrivain, écrivain célèbre, enfin c'est ce qu'il imaginait dans les yeux des femmes qu'il croisait et son sang se surprenait à courir, m'entraînant vers une nouvelle cible où m'arrêter.
Je suis partie de lui, dans un grand éternuement. Un refroidissement du coeur, un rhume d'amour, la froideur d'une éphémère qui n'aimait pas les écrivains et leurs mots fatigués de récits, épuisés de litanies et de sentiments. Sa poésie brûlante s'était autoconsumée, incinérée. Glaciation cataclysmique, blizzard d'après la fission des atomes d'une bombe atomique.
J'étais devenue poussière dans son appartement, grain de sable, au moindre souffle, au premier rai de soleil déplacé. Présent, mais impuissant à jouer de ses sensations. Abandonnés l'un de l'autre. Lui sans émotion et moi sans instrument.
Un jour, un besoin d'air. Il avait ouvert toutes les fenêtres et moi ...
Femme, c'est bien ?
Je crois que je me sentais femme. Je n'ai que trop cheminé dans le corps d'un homme.

Qui êtes-vous ? Il va falloir trouver une solution. Nous ne pouvons vous garder ici.


Occupation 1/7 (nouvelle)

Sensation de douleur. Malaise.
Entravé, couché.
Bouger, un effort insurmontable.
Conscience d'être, mais d'une existence différente, toute de lourdeur. Impression de peser, d'avoir un poids. Oui, souffrance de la pesanteur.
Quelque chose m'ancre.
Blanc, lumière blanche, cercle éblouissant, juste au dessus de moi. Artificiel.
Premier mouvement étonné. J'ai un corps, je suis dans un corps. Au bout de mon bras encore gourd, la vie agite des doigts, mes doigts. Je tente un mouvement. Repli sur le ventre. Ma main s'ose plus bas, exploratrice, glisse sur la peau. Aucun obstacle. Un creux entre les jambes mortes. Femme. On m'a faite femme. Qui on ? La main remonte. Deux boursouflures tièdes.
Oui, femme. Je suis dans un corps de femme. Comment suis-je arrivée ici ?
Un corps de femme sort de son engourdissement de femme. Presque simultanément un homme et deux autres femmes explosent dans la phosphorescence laiteuse qui règne dans la pièce et dans mon âme.

Qui je suis ? Comment je m'appelle ? D'où je viens ?

Est-ce une façon d'accueillir un bernard-l'ermite nouvellement installé dans sa coquille ?

Ce que je suis ? je suis, j'étais une épine. Une minuscule épine, à son cœur, à ses lèvres, à ses yeux, à son sexe... une minuscule épine, qui, quand elle s'accrochait, lui donnait envie d'aimer, de rire, d'embrasser, d'écrire, de...

vendredi 2 octobre 2015

La vie obscure

La vie obscure est un livre qui n'a été tiré qu'à un petit nombre d'exemplaires, autant vous dire qu'il faut vous dépêcher si vous voulez profiter de sa lecture.
Cet ouvrage me semble un des plus intéressants de ces dernières années, par son écriture et par son contenu.
Joseph Danan, son auteur, est homme de théâtre, penseur du théâtre contemporain, dramaturge.. Il est aussi poète et a écrit pour le roman.
Il s'intéresse beaucoup à la place du texte au théâtre, à la modification du drame dans le spectacle d'aujourd'hui, voire à sa disparition au profit d'une autre proposition. Il s'est interrogé récemment dans un ouvrage intitulé Entre théâtre et performance : la question du texte sur la suprématie prise par l'agir ou l'être là.
Il a publié presque en même temps 2 ouvrages : Le théâtre des Papas (une pièce de théâtre destinée aux enfants ) et La vie obscure qui est déclaré « roman » .
On suit durant une grande partie de sa vie un personnage, dont on ne sait à la fois rien et tout. Rien parce qu'il n'a pas de véritable identité (comme nombre de personnages du théâtre contemporain). On pourrait presque le croire s'il avait été conçu il y a quelques décennies comme un personnage du « nouveau roman ». Et tout parce que les moindres détails de sa vie quotidienne, de sa psychologie, de son statut social sont évoqués, travaillés, repris, reconstruits. On ne sait rien de lui mais sa psychologie est aussi fouillée qu'après une longue analyse auprès d'un thérapeute.
Obscur par son nom, le personnage l'est aussi par sa vie, faite de reculades, d'hésitations, de prises de résolutions tardives, de semi-succès, de réussites à micro-échelle, et en même temps d'acharnement, d'entêtement, d'obstination face à l'écriture d'un roman, sa seule raison de vivre : Le vie obscure. Une existence diaphane que nous découvrons par « tranches de vie », n'oublions pas que Joseph Danan est spécialiste de théâtre.
« Il », le personnage de La vie obscure, est le double de quantité de gens croisés dans les milieux de l'écriture (de théâtre ou romanesque), de gens qu'on reconnaît indubitablement...
Joseph Danan en profite pour établir un regard tantôt attendri, tantôt très ironique, voire sarcastique sur cet anti-héros qu'il a dû côtoyé ou avec lequel il a peut-être parfois eu quelque similitude, sans que le personnage soit un double autobiographique.
Ce qui double l'intérêt de cet ouvrage est l'écriture qui renvoie la période proustienne à la catégorie « jeu de collégien ». Commencer la lecture vous conduit à une plongée en apnée. Très vite, l’œil, le regard, l'oreille se perdent dans les longues phrases qui constituent le roman et pour lesquelles le Français n'a pas l'habitude de l'allemand ou des langues anciennes. Prodiges de grammaire et de complexité, elles ne se livrent aux lecteurs qu'après une lutte acharnée. Lutte acharnée mais lutte amoureuse où l'esprit finit pas triompher. On s'accoutume vite à ces circonvolutions, digressions, retours en arrière, ou projections et c'est avec plaisir qu'on se lance face à la vague, impatient de la déferlante qui laissera par intermittences la lecture dans une forme de doute.

Si j'ai un temps repensé au « nouveau roman » face à La vie obscure, je crois aujourd'hui que ce « roman » est la plus belle performance de texte écrite pour le théâtre depuis Ma Solange comment te dire mon désastre Alex Roux, de Noëlle Renaude.

mercredi 23 septembre 2015

La blessure d'une fleur Dominique Sampiero

Une nouvelle personne qui vient grossir la liste des gens que j'aime.
Dominique Sampiero

Il est romancier, scénariste, poète....
Il a des yeux bleus et clairs comme le ciel du Nord dont il est originaire, une sourire d'enfant, émerveillé ou mutin, une allure de poète d'autrefois. Les critiques le classent dans les « nouveaux lyriques ». C'est un peu le juger vite. On pourrait l'imaginer égaré dans un monde aseptisé, rimant sur un nuage, pourquoi pas une lyre dans la main...
La prestation qu'il a donnée à Douai lors d'une exposition qui lui était consacrée prouve le contraire.
Il y est allé de son corps, arborant sur le torse un tatouage éphémère « La détresse est un patrimoine aujourd’hui » (j'espère « éphémère »). Il a lu, non, il a investi un poème qu'il a composé sur un fait divers : une femme qui saute du 8ème étage avec ses enfants – un drame ordinaire qui faisait écho à un récit pour jeunesse paru chez Je bouquine). Face à des élèves de conservatoire figés par sa présence, sa lecture était d'une violence et d'une vie qui ne pouvait laisser indifférent et qui n'avait rien d'élégiaque.
Lyrique ? Oui, mais alors d'un lyrisme qui se nourrit d'une observation très pointilleuse du monde, des gens, de leurs sentiments les plus profonds. Le texte sur la femme défenestrée qui se termine par un inventaire des badauds accourus constitue un photographie universelle des grandes villes.
La poésie de Dominique Sampiero se nourrit de la terre, du monde végétal. C'est une poésie qui naît de l'humus et des arbres, des peurs primales et des amours enracinées dans nos gênes. C'est peut-être aussi cette parenté avec René Guy Cadou qui nous le montre comme lyrique.
J'ai beaucoup de mal à lire la poésie Dominique Sampiero. Très vite le beauté du texte, des associations, des métaphores, des alliances de termes me suffoque. Et ce que cette beauté réveille en moi peut devenir souffrance. J'ai beaucoup de souffrance à lire la poésie de Domique Sampiero. Nous en avons déjà parlé, entre deux reniflements.
Ce qui me bouleverse le plus dans son écriture, c'est le sens de l'image et l'impact qu'elle crée dans sa simplicité. Le vocabulaire n'est pas savant, mais il semble redécouvrir la langue à chaque vers. Et l'image, le sentiment affluent, déferlent, inondent, noient le lecteur.
Il y a une table, vers le milieu de l'exposition « La blessure d'une fleur ». Il a commenté le titre de ce livre d'artiste à partir de ses textes comme « une fleur est parfois si belle que c'est une blessure, et il nous faut la couper ». La poésie de Dominique Sampiero a cette beauté blessure qui s'insinue entre les mots, les sons. Les poèmes qu'on peut lire dans la vitrine vous confirmeront ce jugement, ils m'ont émue aux larmes...

Mais où les lire ? A la bibliothèque de Douai évidemment... Mais vite, il ne vous reste déjà plus beaucoup de temps : tempus fugit et La vie est chaude...

vous avez jusqu'au 4 octobre pour visiter l'exposition 


https://www.bm-douai.fr/doc/AGENDA/79

Dominique Sampiero ( les gens que j'aime)

Je m'aperçois que je ne vous ai pas donné une bibliographie de Dominique Sampiero


La voici donc

La fraîche évidence
une livre s'écrit tôt le matin
Ame soeur
L'idiot du voyage
Patience de la blessure
Carnet d'un buveur de ciel
La vie est chaude (dernier texte paru - aux éditions Bruno Doucet)
Sainte horreur du poème
La page blanche
La vie pauvre

Il s'agit de poésie (il faut savoir que Dominique Sampiero est très éclectique dans son écrire : je vous conseille un petit voyage aussi dans ses romans... et dans ses écrits pour la jeunesse)
Lisez par exemple : Celui qui dit des mots avec sa bouche

lundi 14 septembre 2015

l'écran du conteur ou du lecteur

Poursuite de ma rumination sur le texte et l'écran dans les contées et dans les performances, poétiques par exemple.
Un petit détour par le dictionnaire, avec l'amorce d'un commentaire lié à la rumination.
Une première question liée à l'étymologie : le mot viendrait d'un mot du haut allemand : qui signifie grille ou clôture. Si la grille permet de hasarder un regard, la clôture est une fermeture totale, une opacité, qui s'entoure de mystère.
L'écran, en français, est ce qui garantit de l'ardeur trop vive d'un foyer.
Mais c'est aussi le voile qu'utilisent les peintres pour atténuer un excès de lumière.
Peut-on prendre cette acception pour notre écran en contée et en poésie ? Un conteur, le comédien lecteur qui lirait avec un livre ou une feuille à la main créerait-il une barrière entre la trop grande chaleur ou la trop grande lumière du texte et l'assistance ?
L'écran est aussi tout objet interposé, pour dissimuler ou protéger. Dissimuler quoi ? Dissimuler qui ? Protéger quoi ? Protéger qui ?
Il est évident que cette définition nous invite à nous interroger sur le rapport entre le lecteur et son public.
L'écran est aussi la surface blanche qui reçoit une image projetée. Quelle image ? Là encore il faudra se questionner : l'image doit-elle être réelle ou peut-elle être virtuelle ?
Enfin sur les appareils informatiques, l'écran est la partie illuminée par l'arrière qui permet de voir l'image, mais qui aussi permet d'agir, d'avoir une action modificatrice sur elle (écran tactile.. )
Peut-on considérer comme écran, la privation de l'image, dans une émission radiophonique ou dans un enregistrement sur CD ? Seule une partie du lecteur ou du conteur nous est livrée, et encore trahie, car souvent elle est épurée par le jeu des filtres, privée de la corporalité ou de ce qui la manifeste.
Une postsynchronisation est-elle un écran ? La voix est bien présente, mais dans une ambiguïté de la corporalité : si la voix et ses adjacents comme la respiration, les silences habités,sont sensibles, l'image qui leur est associé est autre, phénomène très perturbant...

Il va falloir vraiment ruminer...

mercredi 2 septembre 2015

Alice aux mille mains (critique)

Mateja Bizjac-Petit en est l'auteur.
Mateja, rencontrée un jour à la suite d'amis invités par elle à un vernissage,
Mateja que je pressens plus que je la connais, à travers nos choix parallèles d'auteurs, de textes, à travers des silences ou des voiles qu'on espère tendus, qu'on croit opaques et qui sont écrans d'ombres chinoises.
Son dernier livre Alice aux mille mains est une réécriture d'un précédent recueil au tire identique et qui était une traduction d'une version en slovène, sa langue maternelle. Cette nouvelle version s'ancre davantage dans la maîtrise du vocabulaire français, dans sa subtilité, dans la richesse de la syntaxe et de ses ruptures et de l'éloquence qui naît de les malmener.
Chaque poème a une double entrée. Une forme brève, sobre comme un haïku (dont elle adopte l'image : 3 vers) et polysémique comme un oracle. Ces petites formes racontent au fil des pages une femme avec ses rêves, ses doutes, ses regrets, ses certitudes. Leur richesse et leur simplicité bouleversent comme autant d'aveux.
Puis, il y a ces masques, ces voiles qui accourent pour égarer l’œil et tromper l'oreille. Tous ces mots venant briser la ligne souple de la phrase essentielle, la travestissant par d'autres références, d'autres contextes. Des compléments deviennent sujets, des verbes s'entendent comme des adjectifs et les draperies poétiques écartèlent la phrase trop impudique comme si la confidence en se faisait qu'à peine.

Il faut prendre le temps de cette double lecture la fulguration de la phrase d'origine et le plaisir des fioritures Renaissance.  

vendredi 28 août 2015

Plombières les Bains

Je prête aujourd'hui ce blog à une amie qui rentre de cure à Plombières les Bains, dans les Vosges. Je lui prêt ce blog et aussi un peu mon clavier.
Je vous garantie l'authenticité de ce qui va suivre.
Mon amie est prête à négocier les droits pour une adaptation cinématographique.
Elle est convoquée lundi à 10 h. on lui a dit au téléphone de venir un peu avant par précaution. Elle arrive donc à 9h 30 pour attendre son tour jusqu'à 10 h 25. Elle apprend au passage qu'elle vient de rater son premier soin qui était prévu à 10 h 15. Mais par faveur on va la faire passer. On la bouscule : vestiaire pour un peignoir, cabine pour le maillot de bain, escalier en courant parce que l'ascenseur est trop lent, course dans un couloir mouillé. Elle parvient essoufflée et à moitié cassée à la piscine où elle entre sans douche, parce qu'on n'a pas le temps. Enfin, un peu de calme et des mouvements très lents et très limités dans de l'eau chaude : il ne faut pas agresser les articulations : Plombières soigne les rhumatisants... Course contre la montre entre les différents soins. Elle se présente au dernier, avec le maillot du meilleur grimpeur (elle a gravi plusieurs fois et en un temps record les marches des différents étages : sous-sol,  premier, rez-de-chaussée, premier, sous-sol). Trop tard, les employés ont déjà tout nettoyé parce que le centre ferme à 13 h et qu'il est déjà 12 h 30. Elle réussit à avoir une ébauche de soin puis se hâte vers les cabines pour retrouver sa tenue de ville et sort de justesse....
Mardi, soucieuse de ne pas renouveler son exploit de la veille, elle arrive en avance et se présente au vestiaire 10 minutes plus tôt que prévu. L'employée qui attend dans la salle lui refuse son peignoir. Elle est prévue à 10h 10 pas à 10 h ! Elle doit donc faire la queue avec les gens qui s'amassent. Quand la pendule marque 10 h 10 et que la file attend une bonne vingtaine de personnes, l'employée commence la distribution des peignoirs. Nouvelle ruée vers les cabines déjà occupées par ceux qui sortent du centre.... Raté, elle est à nouveau en retard. Heureusement, elle n'est pas la seule. Aux bains hydromassants, il y a 40 minutes de retard. L'heure du soin qui suit est déjà passée, elle se lève pour partir. Hurlement de la responsable du secteur qui la somme de rester à sa place. Elle devra à nouveau supplié qu'on l'excuse d'un retard qui n'est pas le sien aux autres secteurs. La responsable, arpente l'allée entre les cabines, comme Bonaparte avant la bataille des Pyramides, et se prend pour le fils de Jean Le Bon « cabine à droite, cabine à gauche ». Une jeune esclave polonaise appelée... (il n'y a que dans les publicités que les grille-pain ont un nom) se précipite pour nettoyer, préparer, installer le patient pendant que la supérieure continue à faire les cents pas en aboyant les ordres de bataille. La jeune fille semble fragile, elle est triste, on la sent qui dégouline de l'intérieur, qu'elle a compris que sa difficulté à parler français, sa jeunesse, son statut de travailleuse étrangère l'ont condamnée à subir le despotisme.
Mercredi. Mon amie a mis au point une stratégie : elle va se mettre en maillot de bain dès son arrivée, range ses affaires dans le placard, puis va chercher son peignoir en retraversant tous les couloirs ? D'accord elle a froid et tout le monde peut voir ses articulation déformées, mais au moins elle ne sera pas en retard à la piscine pour les mouvements censés la soulager. Raté. Elle se présente à la piscine à 10 h 29 pour 10 h30. Elle est bien inscrite, mais il n'y a plus de place. La femme qui s'occupe ce jour-là des exercices a fait entrer dans l'eau un couple d'amis avec leurs jeunes enfants. Mon amie menace de scandale et finit par entrer dans la piscine. Les curistes font d'ailleurs un peu ce dont ils ont envie : l'animatrice s'occupe presque exclusivement du jeune garçon. C'est vrai y en a marre de ces vieux tordus et souffreteux qui viennent faire chier les gens à Plombières. Vive la jeunesse !
Jeudi. Rien à dire. Les soins ont été supprimés. Le problème apparu mercredi en fin de matinée ne s'était pas arrangé tout seul pendant la nuit , au contraire il s'était même aggravé. Et on ne parvenait pas à colmater le tuyau d'alimentation. Alors pensez, on a dû supprimer des soins. C'est vrai, il faut comprendre, c'est pas facile de faire fonctionner un établissement thermal sans eau.....
Vendredi. Mon amie reprend sa stratégie de vestiaire et parvient à être à l'heure. D'autant plus qu'elle se présente à n'importe quel moment aux soins, se fiant simplement à la longueur de la file d'attente. C'était ça le truc...

Samedi : Merveilleuse journée. Mon amie est allée, le vendredi soir, à une petite fête dans un village voisin Girmont de Val d'Ajol : marché paysan, animation, bonne bouffe, bonne boisson, des gens sympas … Elle a décidé de se promener dans la région, de bien manger, de bien boire, avec modération. Ah la cure à Plombières a finalement un bon côté... quand on ne fréquente pas les Thermes Napoléon...  

mercredi 26 août 2015

le texte et l'écran

Je commence aujourd'hui une rumination qui va durer certainement une grande partie de l'automne. 

A l'origine, je pensais faire un texte de réflexion. il a été commencé puis abandonné puis repris et modifié. Il est à un stade assez avancé, mais lourd, compliqué, pleins de contradictions ou d'exceptions, de nuances... Bref, vous l'avez compris illisible comme tel. 

Le point de départ de ma rumination est une conférence sur le conte et le conteur à laquelle j'ai assisté, il y a maintenant deux ou trois ans. Un comédien- conteur avec lequel je travaille très régulièrement intervenait. Au cours du débat, il s'est écrié :
 "pas de texte pour le conteur, le texte est un écran !". 

Sur l'instant, cette assertion, dans sa véhémence, m'a semblé une évidence. Je ne m'imagine pas quand je conte tenir un livre ou une feuille dans les mains. 
Et pourtant je me souviens d'un conteur, lors d'une promenade contée dans la forêt de Joux (Jura français) , qui avait avec lui le livre de contes qu'il avait écrits et dans lequel il puisait les histoires qu'il proposait à notre écoute. Le livre n'était pas consulté, mais il était présent physiquement et à la fin de l'après-midi, nous avons pu le prendre en main, le consulter. Il était référence et prouvait que nous n'avions découvert qu'une partie des contes possibles. Le statut de ce conteur se révélait un peu complexe, puisqu'il oralisait les contes, mais se déclarait aussi auteur publié des contes qu'il nous offrait. 
Depuis, je me pose souvent la question, dans mon activité de conteuse, de la notion d'écran lors des racontées. Ecran voulu, écran imposé, écran imposé, écran recherché, écran inhibiteur ou écran générateur d'imaginaire. 
Ma question s'élargit aussi à la présence du texte en tant qu'écran (et de quelle substance) lors des lectures performances... 
Vous le voyez la question est vaste.... 
A creuser.... 

jeudi 16 juillet 2015

36 nulles de salon au Théâtre du Rond Point






Voilà, ça y est, oui, maintenant c'est vrai. Ils sont arrivés à Paris. Au Rond-Point !
J'ai déjà écrit plusieurs articles sur ce spectacle :
un de mars 2014  et un autre de juin 2014  (à consulter dans les archives du blog)
Les critiques connus de magazines qui le sont encore plus vont découvrir et donner leur avis...
Relisez les miens qui datent un peu, mais sont toujours d'actualité.
Allez voir surtout.



jeudi 2 juillet 2015

Charleville à vomir

Une digression dans la nouvelle Sido. Vous la retrouverez dès samedi.
Je veux insérer dans ce blog une révolte d'une amie, révolte que je partage entièrement. A un moment aussi où les actes de malveillance gratuite se multiplient. Peut-être une forme de nostalgie d'une utopie poétique. La générosité partagée en tout et pas seulement dans les lectures, les danses et les chansons....
En clin d’œil aussi à des amis vrais Ardennais (des deux côtés) et dont le cœur est toujours ouvert.

Il y avait samedi l'inauguration du nouveau musée Rimbaud à Charleville- Mézières.
Des bénévoles avec la Boule Bleue avaient préparé des banderoles destinées à la déambulation dans la ville. Pour donner plus de poésie à ces longues bandes de tissus où l'on pouvait lire des citations d'Arthur Rimbaud, les organisateurs avaient eu l'idée de les soutenir par des ballons assez gros, blancs, gonflés à l'hélium. Aux extrémités, plus hauts que les autres, deux ballons transparents laissaient voir une fleur rouge. Les banderoles étaient portées par des adolescents qui dansaient, dans les rues piétonnes, sur la Place Ducale, à l'entrée de l'île du Moulin.... Et les banderoles et les ballons virevoltaient autant que les danseurs.
Les banderoles soutenues dans l'air par les ballons servaient ensuite de décors à l'estrade de l'île du vieux Moulin. Très beau, très poétique...
Jusqu'à ce que le public arrive. Les gens ont confondu installation poétique et saccage organisé. Très vite la grande foire à la destruction et au vol a commencé. Hommes et femmes tiraient sur les liens qui retenaient les ballons, déchiraient les banderoles pour récupérer un ballon que, les trois quarts du temps, ils laissaient échapper.
Je voudrais m'adresser à trois d'entre eux.
Monsieur, vous avez arraché un ballon pour votre petite fille. Puis-je vous arracher un testicule ? C'est pour ma petite fille, elle ne sait pas comment c'est. Je ne peux tout de même pas lui laisser tripoter ceux de son père. Vous avez volé un ballon à Rimbaud, je peux avoir un testicule. Ce n'était qu'un ballon parmi d'autres... Vous garderez un testicule...C'est bien assez
Madame, vous avez arraché un ballon avec une fleur pour votre petit garçon, sans honte, sous le regard offusqué des spectateurs du concert. Fière même de votre geste pour votre petit garçon qui gueulait sa tyrannie. Madame, je voudrais vous couper une oreille. C'est pour une œuvre d'art. Je vais tapisser un mur d'oreilles humaines « Les murs ont des oreilles ». Laissez la boucle d'oreille qui la pare ! Elle vous permettra de la reconnaître. Donnez-la moi ou je vais gueuler aussi que t'es pas belle et que tu m'aimes pas.
Jeunes gens, je voudrais vous monter sur le ventre pour vous arracher un bras ou une jambe. Vous avez grimpé sur une des banderoles pas par révolte contre une institution mais pour arracher les ballons que vous creviez ou que vous perdiez dans l'azur tant vous les teniez mal...

Arthur Rimbaud a raison, les Carolos sont de grande laideur intime. Heureusement, il y avait sur l'estrade beaucoup d'artistes qui ne venaient pas de Rimbaudville. Pardon, Arthur, vous en méritez pas qu'on associe votre nom à cette ville. Qui ne venaient pas de Charlestown, l'horrible Charlestown.

samedi 20 juin 2015

36 géniales de salon

Un tout petit article pour annoncer une nouvelle qui, elle, est très grande :
L'enregistrement de la pièce "36 nulles de Salon" vient de recevoir une distinction de l'Académie Charles Cros. 
http://www.charlescros.org/coupsdecoeur/
Une belle nouvelle et une belle récompense. 
Pour ceux qui n'auraient pas suivi toute l'affaire je vous renvoie à deux articles de 2014, publiés sur ce blog et consultables dans les archives. 
Vous n'êtes pas allés voir le spectacle, parce que vous avez cru  les loups qui hurlaient ? 
Il ne vous reste plus qu'à acheter l'enregistrement... Il vous manquera une dimension ou un sens (la vue).

http://caminoverde.com/spectacles/bonnaffe-saladin-salon.php

Avec une salutation particulière à mon pote Dédé Englué, mon pote de toujours, qu'on a gardé les cochons ensemble et qu'on se tape sur le bide pour se saluer... 
Félicitations à l'auteur et aux interprètes et un clin d'oeil complice  à ceux qui ont aimé la pièce et le travail des comédiens. 
Bonne écoute à tous et à toutes

jeudi 18 juin 2015

le vainqueur de Waterloo

La Belgique commémore la bataille de Waterloo. 
Waterloo, morne plaine de Hugo ou souvenir décevant de ce pauvre Fabrice Del Dongo...
L'état français a boudé les cérémonies, une vague présence dans la cohorte  des officiels.
Il paraît qu'il ne faut pas parler de cette bataille, un peu comme Alésia dans le village gaulois d'Astérix. 
En France, on ne célèbre que la gloire, en prenant soin d'inviter les autres, pour montrer la générosité d'un grand peuple : Mme Merkel est régulièrement conviée... Et autrefois Helmut Kohl venait souffler  amicalement sur le flamme du soldat inconnu. 
Etes-vous déjà allé à Waterloo ? Moi, oui. 
Un jour il y a très longtemps, dont il ne faut pas parler (raisons familiales). 
Depuis, de façon plus conventionnelle. 
Waterloo, c'est une route qui se couvre vite de pavés (ah, le nord ! ) au milieu des champs. On ne voit rien, puis on découvre un hameau formé de restaurants et de boutiques à souvenirs. On y mange bien aujourd'hui. On grimpe sur un monticule qui permet de voir au loin qu'on ne voit pas plus que d'en bas les champs. Il y a un musée sur le principe des panoramas à la mode au début du XIX ème siècle. Il paraît qu'on a créé un nouveau musée. 
Alors parce qu'on n'est tout de même pas venu à Waterloo pour voir des champs à perte de vue, et que la culture intensive des céréales et des betteraves n'apporte pas de sentiment historique, on entre dans les boutiques  pour touristes.  Et là, le choc ... Il y a bien des quantités de livres dans lesquels des gens instruits ont écrit bien installé devant un ordinateur comment Napoléon a perdu la face et le pouvoir devant une armée d'Européens royalistes et mercantiles. Mais ce que vous verrez le plus ce sont des gadgets autour du personnage de Napoléon  et de l'armée française. Tout est un hymne à la grandeur que l'empereur a perdue, dit-on, ce jour-là...Alors quoi, merde (c'est une citation de circonstance, M. Cambronne) c'est qui le vrai vainqueur de Waterloo, celui dont on cause là-haut aujourd'hui (le nord est en haut toujours par rapport au sud) ? Les Anglais ont des places et des gares qui portent des noms de défaites : Trafalgar par exemple. 
La France, elle, grâce à la Belgique, a gagné au XXème siècle la bataille de Waterloo. On pouvait aller les remercier, non ? 
Si vous avez peur de vous ennuyer entre les champs et les magasins de souvenir (je maintiens : les restaurants ont des spécialités belges intéressantes), je vous conseille un écart poétique : la fondation Folon, dans le parc du château de la Hulpe. Ce n'est pas très loin. 
Une entrée dans le musée qui vous transporte dans l'univers onirique de ce grand créateur. Un vol en apesanteur comme celui des personnages qu'il aimait tant. Des aquarelles devenues sculptures et qui vous accompagnent. 
A la fin, vous achèterez sans aucun doute ce crayon de couleurs qui écrit en arc-en-ciel, pour croire que vous aussi vous êtes tombé du ciel en pluie 

mercredi 27 mai 2015

un poète belge


Peu de temps en ce moment pour écrire dans ce blog. Ici c'est le Printemps des Poètes. Alors je ne sais plus où donner de la vie...
Une provision de textes et de souvenirs que je vais bientôt mettre en ligne.
Juste une petite intervention sur le blog pour vous parler d'un poète extraordinaire, découvert dans la voix d'un comédien incomparable.
Vous pouvez lire quelques uns de ces textes sur le site du Printemps des Poètes
www.printempsdespoetes.com - en allant sur l'onglet Poètes
vous pouvez aussi écouter des enregistrements sur le site
www.compagnie-faisan.org  - en allant sur la partie podcast
Bonne découverte
Ah oui, le nom du poète Jean-Pierre Verheggen


Jean-Pierre Verheggen

Pourquoi voulais-je parler de ce poète sur ce blog ?
Parce qu'il est lié à de nombreux événements de ma vie, parce qu'il a involontairement et inconsciemment contribué à ce qu'elle dure encore.
J'ai découvert Jean-Pierre Verheggen dans la voix de Jacques Bonnaffé, il y a bientôt dix ans. Une lecture dans un festival dédié aux mots. Entre plaisir et réticence. La langue ne s'interdit rien et je me demandais comment l'on pouvait se dire poète et utiliser des vocables aussi triviaux. Cette réaction je l'ai retrouvée plus tard dans un stage. Une des femmes présentes a poussé un hurlement de pudeur offusquée à la lecture du texte : « Je vous trouve infiniment vulgaire ». Cachez ce mot que je en saurais voir...C'est peut-être cette réaction qui m'a permis de comprendre vraiment la poésie de Jean-Pierre Verheggen.
Oui, la langue joue volontiers de la trivialité, de la verdeur... C'est en cela qu'elle est révolte, révolte de la vie contre tout ce qui la muselle, la cloître et la légalise, tout ce qui la dévitalise et la sclérose.
Jean-Pierre Verheggen parle de tout en se donnant le droit d'en rire. La première victime de cette dérision : lui-même. Les autres victimes : tous les grands mots inventés pour faire croire à une véracité du langage et tous les sonne-creux de tous bords. La langue se moque de ceux qu'on nous présente comme modèles.
Chez Jean-Pierre Verheggen tous les mots ont permis de séjour, les plus archaïques comme les inventions phonétiques gourmandes, dignes de Rabelais. Les associations se font par sonorités, calembours, jeux de mots, pirouettes sonores. Et en cela cette poésie donne vite envie de la lire, de la crier, de la passer par le gueuloir. Elle se perd en logorrhées fabuleuses où l'on quitte le sens pour se laisser porter par la jouissance d'un vertige sonore.
Mais que cela ne cache pas l'autre aspect de son écriture : une immense érudition. Les citations en latins et en grec foisonnent, les allusions à la littérature, à la peinture, à la bande dessinée (il n'est pas Belge pour rien), à l'histoire, la géographie, les coutumes de tous les pays du monde sont si fines et si précises qu'elles peuvent passer inaperçues. Il faut reprendre et reprendre ses textes pour en mesurer toute la subtilité, tous les clins d’œil malicieux. On n'a jamais fini de lire ou d'entendre un texte de Verheggen., tant les poèmes ont des niveaux superposés.
Quand on accepte de se laisser aller, la jubilation n'est jamais bien loin...

Un palmarès très personnel (et qui peut varier un peu selon mes humeurs)
Poète bin qu'oui, poète bin qu'non ?
Du même auteur chez le même éditeur
On n'est pas sérieux quand on a 117 ans : zuteries
Sodome et Grammaire
Ridiculum vitæ précédé de Artaud Rimbur
Un jour, je serai Prix Nobelge
L'Idiot du Vieil-Âge : (Excentries)
Le Degré Zorro de l'écriture

A paraître en mai !: CA N'LANGAGE QUE MOI (Gallimard)

J'ai entendu quelques passages : de la truculence en perspective....



samedi 23 mai 2015

un métier idéal : exhibitionniste

Un métier idéal est en réalité le titre d'un spectacle que tourne actuellement Nicolas Bouchaud. C'est un acteur prestigieux au palmarès époustouflant, aux rôles impressionnants, Il s'attaque pour ce spectacle à une oeuvre de John Berger, l'écrivain anglais. Si vous n'avez jamais lu un livre de lui, quittez ce que vous êtes en train de faire et précipitez-vous chez un libraire ou dans une médiathèque... 

John Berger utilise une langue magnifique qui parle. Il n'y a rien à faire que se laisser porter. Une langue merveilleuse de simplicité et de fluidité. Vous l'avez compris : bonne lecture... Cela vous semblera moins long que l'heure et demie pendant laquelle Nicolas Bouchaud glousse le texte. 

John  Sassal, le héros de Berger, est médecin, dans une campagne abandonnée. Il est au plus près des pauvres, des déshérités, de la misère profonde, même sociale. Bien loin de l’exhibitionnisme auquel nous confronte le plateau. 
Tout commence par un clin d’œil (énorme) à la salle. Le comédien appelle quelques personnes qui doivent lever la main. Il leur accorde quelques mots (on ne sait s'il s'agit d'un enseignant ou d'un médecin, ou si le comédien retrouve de vieilles connaissances). Rires diffus, gêne. Le comédien se montre. Il est bienveillant, jovial de façon forcée. Tout cela est très artificiel et n'annonce rien de bon. Souvenir d'un metteur en scène breton croisé dans le Nord : "se souvenir de l'humilité". Nicolas Bouchaud ne doit pas le connaître. 
La suite est à l'avenant de l'amorce du spectacle : on parade, on fait le roue... Le texte est gigantesque, le travail énorme. Quand on ne fait que des effets, on se fatigue beaucoup plus que quand on joue en profondeur. Le comédien met et retire une blouse blanche... Il s'adresse parfois directement au public avec des questions qui pourraient être celles d'un médecin, mais qui frappent les spectateurs dans leur intimité la plus profonde : "y a-t-il des choses dont vous avez honte". Là encore Nicolas Bouchard ne se sent pas concerné. Veut-il acquérir le public ? Attend-il une esquisse de réponse ? Le considère-t-il comme un interlocuteur ? Question rhétorique ? Vérifie-t-il que les spectateurs ne sont pas assoupis, anesthésiés ? ou au contraire teste-t-il les vertus soporifiques de son jeu ? 
On passe par moment à des souvenirs de répétitions. Le roi Lear (souvenez-vous que vous avez devant vous un comédien exceptionnel : Moâ ... ) 
Que devient le texte de John Berger ? 
Bouchaud fait monter sur scène une spectatrice du premier rang.  (je la connais de visage, déjà vue dans ne autre représentation ? sur scène ? ) Elle doit lire quelques vers d'une autre scène du Roi Lear. On n'entend rien. Il la corrige avec bienveillance, lui faire relire deux ou trois fois le texte en lui donnant des consignes précises. Il semble heureux des progrès réalisés. Il est un professeur d'exception et se masturbe l'ego. On n'a rien entendu. Il reprend avec une sorte de délectation existentielle les vers. Quelle chance nous avons de pouvoir l'écouter.. et quelle chance a cette "spectatrice" si innocente (elle ne sait pas porter sa voie) d'être l'élue. 
Une femme ne semble pas d'accord. Elle profite d'un moment de jouissance silencieuse sur le plateau, pour s'éclipser. A-t-elle atteint le point de nausée ou a-t-elle un réel malaise ? Sur scène le comédien abandonne immédiatement le personnage (l'avait-il vraiment endossé) pour s'adresser à elle. L'essentiel n'est pas la continuité du spectacle ou les 599 autres spectateurs. Il n'y a plus qu'elle, elle qui ose se soustraire à son pouvoir de séduction, qui ose ne plus le regarder, ne plus l'admirer. Alors les autres doivent être les témoins du crime de lèse-majesté. A moins qu'il ne s'agisse encore d'une comparse.... Tout semble imaginable dans ce fatras d'effets. 
Quel beau travail d'exhibitionniste... C'est rare d'attendre de degré pendant aussi longtemps.  
Etre exhibitionniste c'est une douleur. Imaginez-vous l'hiver nu avec juste un par-dessus, ou en été à devoir supporter l'inconfort d'un par-dessus malgré la chaleur. Etre exhibitionniste sur scène est encore plus difficile... et plus difficile encore pour les spectateurs : car on est prisonnier de son siège. Quelle chance vous avez eue Madame, d'être placée près de la porte de sortie.