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mercredi 30 mars 2016

10 mots pour la langue française 2

Quand le bus m'avait posé rue Berri, je m'étais retrouvé au milieu d'une telle poudrerie que mon moral était à peu près à la hauteur de mes chaussettes et aussi détrempé qu'elles. Un mur ! Un mur de neige ! On n'y voyait pas à 10 mètres. Et soudain l'espoir : une lumerotte dans la nuit. Une bonne étoile (décidément, je me retrouvais avec mes Rois mages... maudite neige, pour un peu je n'aurais pas été surpris d'être renversé par le traîneau du Père Noël...). Finalement ce n'était pas l'étoile des bergers, mais l'enseigne d'un dépanneur...Vite, un ristrette qui me rendrait un peu plus vigousse.

Aimable, le dépanneur m'avait servi un accent qui sentait le sirop d'érable, deux mots de compassion et une eau marron claire, dans un grand gobelet de carton. (il avait mis du lait..). C'était chaud, sucré, ça devait être du café... Ah, l'expresso, place saint Marc, au soleil, l'été dernier, avec Audrey ....

Il avait tout le temps le dépanneur, pour me parler : personne n'osait s'aventurer dans ce coin. La vie, elle était bien tapie à l'abri dans la ville souterraine...

Soudain, mon téléphone sonne...
-Allo, Jean-Rock ?

Il est coincé quelque part, je ne comprends pas où, mais je sens que c'est loin, surtout quand on a aux pieds des mocassins en simili cuir et un simple blouson sur le dos. Il me conseille de rester à l'aéroport. Ils sont équipés pour des cas comme ça. Ils vont certainement ouvrir une salle et donner des couvertures. On se verra demain, à la télé ils annoncent une accalmie.
Le dépanneur me sourit. Il me propose de me garder dans la boutique pour la nuit, il ne ferme jamais et se tait encore moins...
Il va falloir l'écouter des heures et boire son eau chaude.

Décidément, maintenant pour les reportages : uniquement les élections de miss et les salons du vin et pas plus loin que la Garenne-Colombe....

Et ne pas imaginer la tête d'Arnaud et des collègues....


10 mots pour la langue française 1

Fada ! J'étais complètement fada d'avoir accepté ce reportage à Montréal ! Quand, Arnaud, le directeur de l'info, avait balancé pendant la réunion :« Il me faudrait un dossier sur les français au Québec », j'avais levé la main comme un seul homme. J'étais le seul d'ailleurs et j'avais cru voir derrière la mine soudain chafouine de mes collègues le soulagement face à une corvée esquivée.

Il tombait, à mon arrivée à Roissy, une des plus belles draches de mon existence. Ma grand-mère disait toujours quand il drache à bouton, on en a pour trois jours. Vu la taille des boutons, on en avait bien pour la semaine. Finalement, j'étais content de ne pas devoir affronter cet épisode cévenol qui s'était trompé de région.
Il y avait eu du retard au décollage. Normal ! Quand il n'y a pas grève...

Content je l'étais beaucoup moins au moment où l'avion s'est posé à Pierre-Elliot Trudeau. Pas de boutons ici, mais une magnifique averse de neige, digne de figurer dans les guides touristiques. Montréal fêtait à sa façon l'arrivée d'un petit français. Mais d'autres semblaient plus mal lotis. Trois grands Africains attendaient à côté de moi au retour des valises. Qu'est-ce qu'ils faisaient ici ?... Je les aurais mieux imaginer guettant un tap-tap sur une route poudreuse écrasée de soleil. Ici on aurait pu les prendre pour les Rois Mages. Un peu en avance en novembre, mais le temps forçait la ressemblance. Leurs valises récupérées, l'un deux sortit un smartphone dernier modèle. Le mouvement avait dégagé son bras et m'avait montré une gourmette en or massif dont la revente m'aurait permis d'acheter un 4x4 avec sièges chauffants.... Il avait donné un ordre dans un anglais impeccable puis ils s'étaient dirigés vers un restaurant. Mais quelle idée j'avais eue de prendre ce reportage ! Il devait bien y avoir un autre sujet : une élection de miss, un salon du vin....


Je ne suis pas un champagné, donc pas de domestique obéissant au moindre appel. Direction la gare routière. Un SMS à mon contact, Jean-Rock, en attendant. Faire juste attention à ne pas se geler les doigts. Le bus heureusement était arrivé assez vite et il était chauffé. Où j'allais ? Jean-Rock m'avait donné rendez-vous au jardin botanique. Mais c'était dans une autre vie, où je n'arrivais ni la nuit, ni dans une tempête de neige. Sympa, le chauffeur m'avait rassuré, il y avait des correspondances et à cette heure il y aurait encore quelqu'un pour me renseigner.

lundi 7 mars 2016

Laurence Vielle (poétesse et performeuse)

Je voudrais aujourd'hui vous parler de Laurence Vielle. C'est une artiste complète : comédienne, chanteuse, diseuse, auteure, poétesse..... Elle est incontournable de la scène d'auteurs, de la scène de textes ….J'avais déjà évoqué son nom dans un précédent article.
Je vais lui consacrer un premier article (sur l'écrivain) un autre suivra dans les mois à venir sur la performeuse.
Laurence Vielle est Belge. Et ce n'est pas une maladie. J'ai l'impression que l'écriture la plus intéressante en ce moment s'ancre dans le Nord de la France et la Belgique. Il y a une véritable interrogation sur la langue, sur le sens premier des mots, une volonté de retrouver une identité linguistique chez les écrivains septentrionaux.
Les textes de Laurence Vielle se caractérisent surtout par leur fluidité, leur musicalité, leur rythme. On sent à tout moment un appel à la mise en voix, à la mise en jeu. Les histoires sont simples, faciles tout en atteignant souvent une profondeur tragique. Elle dit la solitude, l'étrangeté sous le regard des autres, la dérive de la société, des êtres, des choses. Un clochard, Gaston, qui change sans cesse de nom pour attirer le regard et le contact, des personnages sur le parvis d'une église, les animaux menacés, la solitude dans les grands ensembles, la violence de l'amour, la vie qui passe.
Laurence Vielle a souvent eu des résidences dans des quartiers excentrés et elle puise sa sensibilité dans le côtoiement des gens de la rue. Elle rend leur quotidien avec une langue qui est aussi simple et spontanée qu'eux. On a l'impression qu'elle pourrait donner une biographie exacte de chacun de ceux qu'elle met en lumière dans ses poèmes. Est-ce une impression ?
Tout cela pourrait être très noir … Justement non !
La musique de chaque poème peut brusquement déjouer le tragique pour vous atteindre plus sûrement. Comme l'histoire de ce clown qui avait un gros nez. Histoire de la différence , du droit au bonheur pour tous, de la nécessité de cacher la monstruosité pour subsister dans le monde.... Tragique, non pas vraiment. Une petite ritournelle vient vous faire croire que ce n'est qu'une chansonnette.
C'est peut-être là la caractéristique des textes de Laurence Vielle : le double jeu et le double langage. Jean qui rit et Jean qui pleure et les lecteurs qui peuvent cacher leur émotion dans un sourire, un rire protecteurs...
Je ne sais si je devais définir en peu de mots les qualités de la poésie de Laurence Vielle s'il faut parler de musique, de chanson, d'ingénuité - le mot est souvent hélas connoté péjorativement - ou de tendresse pour ses personnages. 


A lire :


Ouf (éditions Maelstrom)
Bonjour Gaston (éditions Maelstrom)
Récrétation du monde (éditions Maelstrom)


Cirque ! (éditions du Centre de Créations pour l'Enfance de Tinqueux)