La
maison de Matriona est une
nouvelle de Soljenitsyne assez neuve en France, mais qui semble faire
partie des textes les plus lus en Russie. Une amie de
Saint-Pétersbourg, installée en France depuis longtemps (elle a
quitté Pétrograd) m'a sidérée en discutant avec moi de la nouvelle
qu'elle connaissait apparemment par cœur.
Toujours
est-il que les Français vont avoir l'occasion de la découvrir,
puisqu'une jeune metteure en scène, Alicya
Karsenty est en train de la monter après en avoir commandé une
nouvelle traduction.
Je
ne peux présager de ce que donnera le travail final. J'ai eu la
chance d'assister à la présentation d'une étape intermédiaire à
l'issue d'une résidence.
J'ai
énormément apprécié cette restitution.
Ils
étaient 4 autour d'une table : trois de face et 1 de profil,
texte devant eux, parfois soulevé, parfois laissé sur la table. Les
feuillets tournaient comme un défilement de l'histoire et du temps
de la l'action comme de la représentation. Ce texte a-t-il fait
« écran » (voir les ruminations) par sa présence
matérielle sur le plateau ? Je ne pense pas, parce que le
contact visuel était toujours maintenu grâce au nombre des
lecteurs. Une accordéoniste, un peu ne retrait, complétait la
distribution.
Si
le texte au début semblait se répartir de façon aléatoire, très
vite des figures et des rôles se formaient. On distinguait des
autres l'instituteur et Matriona, plus assumés qu'incarnés, même
s'ils prenaient aussi en charge des parts de descriptions ou de
commentaires, apportant une distanciation indispensable dans cette
nouvelle. Le sordide était pourtant exploité (avec un jeu plus
extériorisé à la limite du « grand guignol ») dans un
passage proche de la fin de la nouvelle.
Des
chants traditionnels surgissent parfois d'un mot, d'une situation,
d'un sentiment, naissant presque derrière l'écoute, pour l'emplir
totalement, aidés par l'accordéoniste. Un ancrage dans le folklore
russe qui n'est pas anecdotique, ni artificiel, mais rappel que le
texte de Soljenitsyne ne saurait être lu aseptisé, arraché à la
culture russe.
Il
me reste de cette lecture l'image puissante d'un quatuor. A cause du
nombre des interprètes certes, à cause de leur position en
demi-cercle aussi, à cause de leur tessiture (soprano, alto, ténor,
basse) surtout, à cause enfin de l'alternance entre soli, duos et
moments choraux.
Une
seule question m'était restée : la distance entre le début de
la lecture et la fin.Soljenitsyne a voulu, je ne l'ai compris que
bien plus tard, après mon retour chez moi, faire un effet que la
longueur du texte (environ une heure) dilue et désamorce... Que
faut-il en faire ?
Manon Choserot, Heléne Juren, Fred Pougeard, Frédéric Révérend, Ludivine Thomas. mise en scène Alicya Karsenty. Cie Les Forêts.
Manon Choserot, Heléne Juren, Fred Pougeard, Frédéric Révérend, Ludivine Thomas. mise en scène Alicya Karsenty. Cie Les Forêts.