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dimanche 22 septembre 2013

Hannibal de Grabbe avec J. Bonnaffé


HANNIBAL


 
Le théâtre de Gennevilliers propose actuellement une pièce d'un auteur allemand Grabbe ; mise en scène par B. Sobel avec J . Bonnaffé dans le rôle titre : Hannibal.
Étrange pièce que cette pièce, d'un auteur allemand du début du XIXème siècle, mais qui nous surprend à peine, nous les spectateurs du début du XXIème siècle. Le théâtre de la fin du siècle dernier nous a habitués aux raccourcis, aux ellipses. Nous pensons inévitablement à Brecht ou à Piscator. Les scènes se succèdent dans des lieux et dans des temps éloignés. Pas question de ces lourdes tragédies empesées qui avaient fait la gloire du XVIIème ou des opéras de marbre inspirés de l'Antique. Le texte est moderne et semble avoir été écrit il y quelques années à peine. Pas d'histoire suivie, mais des coups de projecteur sur des temps forts. Pas la guerre ou les textes traduits pendant une scolarité humaniste, mais des scènes de la vie quotidienne, ou des scènes que l'histoire a préféré oublier, parce qu'elles révèlent trop la faiblesse humaine. Une scène d'amour pour évoquer en filigrane la guerre qui commence en Italie, une répétition d'atelane, pour confronter Hannibal à la mort d'un proche et à la fourberie des Romains...
Une succession de scènes donc où chaque comédien trouve son morceau de bravoure, son instant de gloire.
La scénographie s'articule autour d'un immense escalier qui occupe tout le plateau. Les personnages en descendent vers le public, comme si venant de l'Histoire avec un H Majuscule, ils plongeaient vers leur intime, vers leur nature profonde, dans un tréfonds où tout peut être dit.
Les différents éléments qui complètent cet escalier sont disposés et retirés à vue, parfois avec un jeu.
Les personnages représentent une jolie palette de ce que la politique et l'univers rassemblent dans tous les temps et tous les pays. La plus surprenant est le personnage d'Hannibal. Nous sommes très éloignés du foudre de guerre des textes latins, celui qui faisaient trembler d'horreur les Romaines, un Hitler de version latine, que le Moyen Age n'a pourtant pas retenu au titre des preux. Nous sommes très loin aussi du héros glorieux des jardins de Versailles ou de celui du Louvre que Girardon faisait copier à ses élèves. C'est une des particularités des pièces de Grabbe. Il prend le parti de représenter des héros dans leur faiblesse, dans leur retour à l'humanité après la gloire, dans leur existence profonde, la seule véritable, ainsi le Napoléon des 100 jours, l'Hermann de la soumission à Rome ou Hannibal déjà perdu avant d'être parvenu à Rome. Il bouleverse la chronologie pour en extraire les temps où les héros se fissurent, où ils sont atteints dans leur chair, leur sentiments, leurs doutes, leurs espoirs.
J. Bonnaffé prête son corps de danseur autant que de comédien à Hannibal, lui conférant une humanité et une félinité de fauve africain qui manque au hiératique personnage de Girardon. Il est vraisemblablement le seul comédien actuel capable de dire sur le même souffle, la même respiration, une intention (je vole le mot à Rauck) et son contraire. Il y a de l'abandon dans sa force et une reprise d'autorité dans sa faiblesse. Sa main droite dans la dernière scène a une force d'expression qui vaut à elle seule d'assister à la représentation.