Il a entrepris le chemin, comme il a
entrepris il y a déjà longtemps d'être patron. Patron d'une
entreprise de …. Patron, c'est le plus important pour lui. Il
aurait pu choisir mille autres domaines. Il lui fallait surtout avoir
des gens sous ses ordres. Aujourd'hui, il a entrepris le chemin. Pas
Saint-Jacques, trop long et trop encombré de pèlerins. Non , un
petit chemin de quinze jours entre montagne et mer. Il s'est donné
huit jours. Il ne peut pas partir plus longtemps, son entreprise
l'attend. Sa femme aussi. Laquelle des deux est la moins impatiente
de son retour ? Cette question il ne se la pose pas. Il est
indispensable et le sait, il voudrait vous en convaincre. Certains ne
peuvent s'empêcher d'imaginer le bonheur de sa femme préparant ses
bagages. « Surtout profite, mon chéri. » Elle, on ne la
voit pas, elle n'est jamais dans ces paroles. Quand il vous double,
il vous parle perspective et rentabilité. Son chemin aussi doit être
rentable, alors il ne se ménage pas. Il fait deux étapes en une,
claironne « hier, j'ai dormi à …. ».Vous y étiez deux
jours auparavant. Il souffle et court. Quand il arrive à une étape,
il fait venir en taxi un kiné qui se trouve à 100 km pour un
massage, remise en forme.... Il part à l'aube et ne s'arrête qu'à
la nuit. Il dort où il peut, à la dure. Il est là pour montrer
qu'il a du cran. C'est un battant, sur le chemin comme en affaires,
comme dans la vie. Pas de place pour les avortons. Le monde
appartient à ceux de sa trempe. Il ne se mêle guère aux autres
marcheurs. Il n'a pas le temps de s'arrêter pour partager avec eux,
les fruits, le pain, le saucisson, une fatigue commune, un mot
gentil, une promesse de se retrouver le soir au gîte. Il n'a pas le
temps de cueillir une framboise, une myrtille, de s'arrêter sur une
crête, de tremper les pieds dans la maigre rivière. Il fait le
chemin, en moins de temps que les autres. Il avale les montées et
les descentes avec la même voracité, sans se laisser distraire par
les paysages ou les rencontres. Cet hiver, dans les réceptions, il
parlera à un auditoire admiratif de SON chemin et de son record. Et
quand il évoquera avec suffisance l'inclinaison des sentiers qui
gravissent les cols, plus intimement, une autre montée se fera qu'il
sera seul à sentir, qu'il saluera d'un sourire supérieur et qui
sera sa vraie récompense.
samedi 31 janvier 2015
le marcheur
je vais participer au Printemps des Poètes de différentes façons cette année. Insurrection poétique ! Ce sera pour moi l'occasion de brosser quelques portraits de gens croisés. Remarque : oui, ils existent...Gens croisés dont la situation ou l'attitude me parurent choquantes... Une façon pour moi de les fustiger en prose poétique ...
mercredi 14 janvier 2015
la lumière et les lumières : la lumière et le corps humain
Lumière
et corps humain
Dès
l'époque latine le mot luminaria
(qui désigne normalement les moyens d'éclairage) apparaît dans la
langue poétique comme métaphore pour les yeux, sens que le mot
prend définitivement dès le bas latin. Molière reprendra la
formule de façon burlesque dans les
Précieuses ridicules
: les luminaires
sont
les yeux des belles. L'argot parisien du XIXème siècle va dans la
même sens en associant les quinquets
(lampes d'Argand perfectionnées par Quinquet) aux yeux.
C'est
peut-être dans cette ligne que naît l'expression poétique : la
lumière d'un regard
(la clarté, la beauté des yeux).
L'adjectif
lumineux
(qui
semble émettre de la lumière) se rencontre souvent associé à des
éléments du visage dans un sens positif, voire laudatif : un
regard lumineux, un sourire lumineux.
Les
précieuses et les petits marquis du XVII ème utilisaient le mot
lumière
pour parler de la vue, et par extension de la vie. L'expression
ouvrir
les yeux à la lumière
est synonyme de naître, de voir
le jour.
Le mot jour sert aussi dans cet
emploi, on le rencontre alors dans les expressions suivantes :
donner
le jour, voir le jour, devoir le jour à quelqu'un, respirer le jour
(expression
qui a disparu de la langue courante dans le courant du XIX ème
siècle), perdre
le jour.
La
lumière (ou plutôt le soleil) peut s'avérer néfaste pour notre
corps. La lucite
est ainsi une maladie de peau causée par une mauvaise ou trop longue
exposition au soleil.
Toute
comme elle peut s'avérer néfaste à la vue. Trop de lumière rend
aveugle. Elle nous éblouit
(à apparenter avec l'allemand blöde – aveugle), par son éclat
insoutenable. On n'y
voit plus que du feu,
tout le reste a disparu.
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