Pages

Pages

mercredi 23 septembre 2015

La blessure d'une fleur Dominique Sampiero

Une nouvelle personne qui vient grossir la liste des gens que j'aime.
Dominique Sampiero

Il est romancier, scénariste, poète....
Il a des yeux bleus et clairs comme le ciel du Nord dont il est originaire, une sourire d'enfant, émerveillé ou mutin, une allure de poète d'autrefois. Les critiques le classent dans les « nouveaux lyriques ». C'est un peu le juger vite. On pourrait l'imaginer égaré dans un monde aseptisé, rimant sur un nuage, pourquoi pas une lyre dans la main...
La prestation qu'il a donnée à Douai lors d'une exposition qui lui était consacrée prouve le contraire.
Il y est allé de son corps, arborant sur le torse un tatouage éphémère « La détresse est un patrimoine aujourd’hui » (j'espère « éphémère »). Il a lu, non, il a investi un poème qu'il a composé sur un fait divers : une femme qui saute du 8ème étage avec ses enfants – un drame ordinaire qui faisait écho à un récit pour jeunesse paru chez Je bouquine). Face à des élèves de conservatoire figés par sa présence, sa lecture était d'une violence et d'une vie qui ne pouvait laisser indifférent et qui n'avait rien d'élégiaque.
Lyrique ? Oui, mais alors d'un lyrisme qui se nourrit d'une observation très pointilleuse du monde, des gens, de leurs sentiments les plus profonds. Le texte sur la femme défenestrée qui se termine par un inventaire des badauds accourus constitue un photographie universelle des grandes villes.
La poésie de Dominique Sampiero se nourrit de la terre, du monde végétal. C'est une poésie qui naît de l'humus et des arbres, des peurs primales et des amours enracinées dans nos gênes. C'est peut-être aussi cette parenté avec René Guy Cadou qui nous le montre comme lyrique.
J'ai beaucoup de mal à lire la poésie Dominique Sampiero. Très vite le beauté du texte, des associations, des métaphores, des alliances de termes me suffoque. Et ce que cette beauté réveille en moi peut devenir souffrance. J'ai beaucoup de souffrance à lire la poésie de Domique Sampiero. Nous en avons déjà parlé, entre deux reniflements.
Ce qui me bouleverse le plus dans son écriture, c'est le sens de l'image et l'impact qu'elle crée dans sa simplicité. Le vocabulaire n'est pas savant, mais il semble redécouvrir la langue à chaque vers. Et l'image, le sentiment affluent, déferlent, inondent, noient le lecteur.
Il y a une table, vers le milieu de l'exposition « La blessure d'une fleur ». Il a commenté le titre de ce livre d'artiste à partir de ses textes comme « une fleur est parfois si belle que c'est une blessure, et il nous faut la couper ». La poésie de Dominique Sampiero a cette beauté blessure qui s'insinue entre les mots, les sons. Les poèmes qu'on peut lire dans la vitrine vous confirmeront ce jugement, ils m'ont émue aux larmes...

Mais où les lire ? A la bibliothèque de Douai évidemment... Mais vite, il ne vous reste déjà plus beaucoup de temps : tempus fugit et La vie est chaude...

vous avez jusqu'au 4 octobre pour visiter l'exposition 


https://www.bm-douai.fr/doc/AGENDA/79

Dominique Sampiero ( les gens que j'aime)

Je m'aperçois que je ne vous ai pas donné une bibliographie de Dominique Sampiero


La voici donc

La fraîche évidence
une livre s'écrit tôt le matin
Ame soeur
L'idiot du voyage
Patience de la blessure
Carnet d'un buveur de ciel
La vie est chaude (dernier texte paru - aux éditions Bruno Doucet)
Sainte horreur du poème
La page blanche
La vie pauvre

Il s'agit de poésie (il faut savoir que Dominique Sampiero est très éclectique dans son écrire : je vous conseille un petit voyage aussi dans ses romans... et dans ses écrits pour la jeunesse)
Lisez par exemple : Celui qui dit des mots avec sa bouche

lundi 14 septembre 2015

l'écran du conteur ou du lecteur

Poursuite de ma rumination sur le texte et l'écran dans les contées et dans les performances, poétiques par exemple.
Un petit détour par le dictionnaire, avec l'amorce d'un commentaire lié à la rumination.
Une première question liée à l'étymologie : le mot viendrait d'un mot du haut allemand : qui signifie grille ou clôture. Si la grille permet de hasarder un regard, la clôture est une fermeture totale, une opacité, qui s'entoure de mystère.
L'écran, en français, est ce qui garantit de l'ardeur trop vive d'un foyer.
Mais c'est aussi le voile qu'utilisent les peintres pour atténuer un excès de lumière.
Peut-on prendre cette acception pour notre écran en contée et en poésie ? Un conteur, le comédien lecteur qui lirait avec un livre ou une feuille à la main créerait-il une barrière entre la trop grande chaleur ou la trop grande lumière du texte et l'assistance ?
L'écran est aussi tout objet interposé, pour dissimuler ou protéger. Dissimuler quoi ? Dissimuler qui ? Protéger quoi ? Protéger qui ?
Il est évident que cette définition nous invite à nous interroger sur le rapport entre le lecteur et son public.
L'écran est aussi la surface blanche qui reçoit une image projetée. Quelle image ? Là encore il faudra se questionner : l'image doit-elle être réelle ou peut-elle être virtuelle ?
Enfin sur les appareils informatiques, l'écran est la partie illuminée par l'arrière qui permet de voir l'image, mais qui aussi permet d'agir, d'avoir une action modificatrice sur elle (écran tactile.. )
Peut-on considérer comme écran, la privation de l'image, dans une émission radiophonique ou dans un enregistrement sur CD ? Seule une partie du lecteur ou du conteur nous est livrée, et encore trahie, car souvent elle est épurée par le jeu des filtres, privée de la corporalité ou de ce qui la manifeste.
Une postsynchronisation est-elle un écran ? La voix est bien présente, mais dans une ambiguïté de la corporalité : si la voix et ses adjacents comme la respiration, les silences habités,sont sensibles, l'image qui leur est associé est autre, phénomène très perturbant...

Il va falloir vraiment ruminer...

mercredi 2 septembre 2015

Alice aux mille mains (critique)

Mateja Bizjac-Petit en est l'auteur.
Mateja, rencontrée un jour à la suite d'amis invités par elle à un vernissage,
Mateja que je pressens plus que je la connais, à travers nos choix parallèles d'auteurs, de textes, à travers des silences ou des voiles qu'on espère tendus, qu'on croit opaques et qui sont écrans d'ombres chinoises.
Son dernier livre Alice aux mille mains est une réécriture d'un précédent recueil au tire identique et qui était une traduction d'une version en slovène, sa langue maternelle. Cette nouvelle version s'ancre davantage dans la maîtrise du vocabulaire français, dans sa subtilité, dans la richesse de la syntaxe et de ses ruptures et de l'éloquence qui naît de les malmener.
Chaque poème a une double entrée. Une forme brève, sobre comme un haïku (dont elle adopte l'image : 3 vers) et polysémique comme un oracle. Ces petites formes racontent au fil des pages une femme avec ses rêves, ses doutes, ses regrets, ses certitudes. Leur richesse et leur simplicité bouleversent comme autant d'aveux.
Puis, il y a ces masques, ces voiles qui accourent pour égarer l’œil et tromper l'oreille. Tous ces mots venant briser la ligne souple de la phrase essentielle, la travestissant par d'autres références, d'autres contextes. Des compléments deviennent sujets, des verbes s'entendent comme des adjectifs et les draperies poétiques écartèlent la phrase trop impudique comme si la confidence en se faisait qu'à peine.

Il faut prendre le temps de cette double lecture la fulguration de la phrase d'origine et le plaisir des fioritures Renaissance.