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vendredi 10 janvier 2014

l'âme des termites est flamande


Voilà des années que je rêvais de voir un spectacle de Josse de Pauw. Je ne vais qu'exceptionnellement au théâtre pour voir un comédien. Souvent c'est le metteur en scène ou l'auteur de la pièce qui guident mon choix. L'occasion était donc trop belle de voir ce spectacle qui finissait sa tournée à Reims où j'ai une amie.

Je ne vous ferai pas l'injure de vous demander si connaissez Josse de Pauw. C'est un metteur en scène et comédien belge.

On peut trouver le prétexte et l'argument de «l'âme des termites» sur de nombreux sites et cela n'est pas ce qui va focaliser ma réflexion. Disons qu'un entomologiste, passionné par les termites, a fait de ces insectes l'objet unique de ses recherches. Ce qu'il en dit progressivement laisse transparaître sa vie et les moments trop lourds pour être tus, une histoire d'amitié tragique, une histoire d'amour qui l'encombre et le détruit, une appartenance à un peuple qui se déchire et cultive une haine que dément la réalité quotidienne, l'obligation de se confronter à un univers plus cruel que la termitière.

Il paraît qu'à l'origine, il y aurait un texte de Maeterlinck et une communication scientifique...

Je ne m'occuperai que de la théâtralité, la dramaticité du spectacle.

Josse de Pauw est seul en scène avec deux musiciens qui semblent improviser une musique entre jazz et contemporain... Sur la gauche les musiciens, en diagonale une longue table comme les bureaux démesurés des amphis de fac. Dans le fond un écran qui affichera du texte et des images, des vidéos... A l'avant-scène droit, derrière le bureau, Josse de Pauw.

La pièce commence comme un cours magistral. Et les spectateurs se trouvent directement inscrits dans le dispositif scénique. Il n'y a pas de quatrième mur. Josse de Pauw est un professeur face à ses étudiants qu'il admoneste éventuellement, qu'ils raillent légèrement. C'est un prof débonnaire qui entretient une sympathie visible avec ses élèves.

Josse de Pauw est flamand et le spectacle est en néerlandais. L'écran va à la fois servir à afficher la traduction pour les Français que nous sommes, mais il sera aussi le power point de support du cours. Le professeur reprenant parfois les mots en français comme pour s'assurer que tous suivent bien, où soulignant la subtilité d'une expression en flamand ou en flamand. Il joue avec l'écran de traduction, le regardant, semblant le télécommander comme un vidéo projecteur de conférence. De Pauw sait que le public néerlandophone est trop peu nombreux pour lui assurer un succès notable. Il garde pourtant sa langue et joue sur le décalage linguistique avec le public. Sans cesse, les prétextes surgiront qui feront cohabiter les deux langues , traduction , besoin de se faire comprendre ou paroles rapportées...

Petit à petit, le personnage se fissure, les termites laissent place à des considérations ou des souvenirs personnels, la rivalité de deux universités l'une francophone et l'autre flamande et l'interdiction tacite à deux chercheurs de partager, mais une amitié qui s'entretient malgré tout. Le conférencier quitte sa veste, remonte ses manches. Et le public est piégé, comme quand on a lié une vague conversation dans un café avec un buveur, qui s'avine au fur à mesure de la soirée et désinhibé devient de plus en plus indécent dans ses confidences. On reste là entre compassion et sentiment d'impudeur. Dans le cas des termites, il n'y a plus d'adresse directe au public, mais ce public a été tant installé comme personnage silencieux de la pièce qu'on ne peut l'oublier. Si le spectateur en tant qu'individu ne sent pas directement concerné, il se sait en tant que membre de la communauté spectatrice deuxième interlocuteur de ce faux monologue. La musique l'accompagne dans ce sens. C'est très fort et l'on n'en sort pas indemne.



Et puis une réflexion sur cette place du néerlandais. Je suis souvent en Belgique pour des raisons familiales, professionnelles et touristiques. Comme tous les Wallons, je pense qu'il est anormal qu'une moitié d'une pays ne parle pas comme nous. Il y a la chicorée du Nord et la chicorée du Sud comme dirait Jacques Darras (dans Moi, j'aime la Belgique), qui sont chicorées égales. Mais bien sûr une des deux chicorées est beaucoup plus égale que l'autre... Je suis outrée que dans les villes flamandes on ne pratique pas le double affichage, mais que le double affichage n'existe pas en francophonie me semble normal. J'entends de mes collèges anversoises qu'elles s'adaptent... Ce spectacle m'a aussi conduite dans une remise en question : j'ai été bouleversée par un texte en flamand. Et je me suis souvenue de la chaleur des amis flamands autour de la bière fraîche les fins d'après-midi apatrides.

Et une vague envie a refait surface, qui avait déjà point un après-midi d'août à Gent (Gand) et si j'apprenais le flamand ?



Goedendag aan iedereen en mijn vriendschappen


mercredi 1 janvier 2014

empreintes : une performance des spectateurs


Une représentation étrange au Manège. L'ancien centre d'équitation a l'habitude de programmer des spectacles atypiques, c'est dans cette catégorie qu'il faut ranger « empreintes ». Spectacle d'avant les fêtes et consacré au chocolat. Une installation alimentaire ou une démonstration de design alimentaire.

Nous arrivons par la porte latérale, directement sur le plateau. Des pans de plastiques semblables à celles qui séparent les piscines intérieures et extérieures dans les centres aquatiques entre lesquels il faut se faufiler. L'entrée est une effraction. Le site est protégé, peut-être dangereux. Immédiatement, des personnages en tenue blanche fluorescent filtrent le passage dans une atmosphère noire. Il faut quitter les manteaux ou doudounes, prendre une pochette qui contient des gants et une charlotte avec visière. Une voix numérisée et impersonnelle enjoint de s'équiper avant d'entrer dans la salle de l'expérience. La pochette contient également une carte illisible dans la semi-obscurité et une cuillère en plastique. On parvient enfin derrière un nouveau mur noir (tentures ou décor en carton pâte ? ) dans la salle proprement dite. Le rideau de fer est descendu et dans le sens inhabituel de la scène un dispositif : un tapis roulant que parsèment des pastilles blanches. Quelques chaises placées de part et d'autre invitent le public à une installation bifrontale. Il n'y aura pas assez de chaises pour tout le monde. Nous décidons de rester debout pour laisser les tabourets à des personnes âgées, relativement nombreuses, ce choix s'avérera judicieux.

Pendant l'entrée des spectateurs, des faisceaux lumineux circulent sur le tapis et viennent se fixer sur les pastilles qu'ils transforment en étoiles d'une galaxie à l'envers.

Une fois le public en place, quatre « comédiens » revêtus de combinaisons type centrale atomique en décontamination se tiennent debout à chaque extrémité de la table. Les effets lumineux se poursuivent pour éclairer chaque pastille (elles sont plusieurs centaines). La voix numérisée égrène des mots étranges qui renvoient à un monde de manipulation de laboratoire futuriste. Les étapes de la transformation plasturgique se succèdent. Il s'agit en réalité de projections vidéo sur les pastilles, parfois réalistes, parfois étonnantes (des rayures ou des carreaux). A la fin de chaque étape, les spectateurs deviennent des personnages de cette immense mécaniques. Ils ont invités à agir sur les éléments qui ont reçu les vidéos pour en tester la qualité, et comme il s'agit de chocolat blanc, il faut le manger. Il y a alors une vague bousculade autour de la table, un peu de convivialité parfois, les spectateurs des premiers rangs tendent aux autres les produits à analyser gustativement. Puis le tapis roulant redémarre, emportant vers une caisse les restes non dévorés. Les comédiens de l'extrémité replacent alors de nouveaux produits à transformer. On déguste ainsi après les projections des pastilles de chocolat blanc, de la crème de chocolat blanc, des coques de chocolat blanc. Survient alors une catastrophe industrielle avec fumée, sirène et odeur inquiétante. Tout le monde est invité à passer dans la zone de décontamination derrière des rideaux. On traverse à nouveau des pendrillons de plastique et l'on se retrouve devant un étalage de verre de liquide fluorescent dans lequel un comédien verse des granulés qui produisent une effervescence. Du citrate de bétaine ...Quel bonheur après cette ingurgitation de chocolat. Le processus de décontamination terminé, on regagne le tapis roulant ou la phase définitive du produit est installée : des moulages de demi-fruits en chocolat blanc rempli de crèmes (la fiche cartonnée explique la composition de chaque fruit : ganache de chocolat noir, crème basilic, pignon de pin, sablé... par exemple. IL faut maintenant à chaque spectateur achever le travail de décoration à l'aide de bombes ou de poudre de colorants alimentaires, puis l'empaquetage. Certains repartent avec la praline dans une petite boîte qui porte le logo du spectacle, d'autres remis en appétit par la boisson dévorent sur le plateau...

Le propos est amusant, original et créatif. Ce qui m'intéresse le plus dans cette performance, c'est le statut du public. Il est l’élément moteur et le principal acteur de cette soirée. Il est celui qui a le plus de déplacements et le plus d'impact sur la table. Les objets qu'il ne mange pas sont conduits par le déroulement du tapis vers un gouffre où ils disparaissent irrémédiablement. Il est le seul dans la partie éclairée du plateau. Il est réduit à des yeux, des papilles et un estomac (qui peut d'ailleurs être trop chargé). Il prend en charge une partie de la performance, puisque les comédiens ne sont que les fournisseurs du tapis roulant, anonymes dans leur combinaison, silencieux, aussi blanc que le chocolat. Il est le seul à être humainement reconnaissable donc. La charlotte et les gants ne couvrent d'une minuscule partie des corps. Pourtant, je suis incapable de reconnaître les gens avec qui j'ai partagé cette expérience. L'individualisme, voire l’égoïsme, ont atteint un paroxysme à la fin. Chacun se précipitant sur le fruit à emporter, ou même le dévorant sur place pour être sûr de ne pas être lésé... L'originalité de cette performance aura été pour moi le rôle dévolu au public et l'image qu'elle en a fait surgir....






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