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samedi 30 juin 2018

Rando poésie Laurence Vielle Camille Perrin


Nous sommes quelques uns, les premiers arrivés sous le chapiteau devant la médiathèque de Cornimont. Un rando- poésie est organisée dans le cadre du festival des Arts Mélangés.
Le soleil brille et éclaire l'effilochement de vagues nuages. C'est le premier bonheur de cette après-midi. La météo avait prévu un temps mitigé.
Les autres participants arrivent, trouvent pour les derniers encore de la place. On se poussera, on se serra, on a le cœur grand et les jambes qui s'impatientent.. Nous serons pas loin de 70 à prendre le départ, il y a même une dame qui marche mal en Joëlette.
La rando commence par une montée un peu raide, on l'a annoncée comme telle. Mais finalement l'enthousiasme la dévore ; Deuxième bonheur de la journée. Nous arrivons presque en avance à la première station de poésie, surprenant Laurence Vielle et Camille Perrin qui en sont encore aux mises au point. Ils ne se connaissent que depuis quelques heures.
A l'arrière de la Croix des Missions une pente douce accueille les spectateurs. Nous serons assis à l'ombre, face à la vallée et aux sommets de l'autre côté. Troisième bonheur de la journée.
Montée sur le socle sur lequel s'appuie la croix, Laurence Vielle commence la lecture d'un poème extrait de OUF, et de DOMO DI POEZZIA . Sur le côté, Camille Perrin commence à faire chanter sa contrebasse. Quatrième bonheur de la journée ? Non, celui-là n'est pas du même ordre, il est de ces bonheurs qui relativisent les autres. Au bord du vide, une comédienne à la voix si particulière nous entraîne dans le tourbillon de la Terre, qui tourne autant que le poème fait de retours sur lui-même, de reprises, de progressions et de rebroussements. Juste à côté, une contrebasse danse en martelant son rythme ou en prolongeant le vers d'une longue période. Le texte suivant nous mène au bord du gouffre pareil à celui qui se creuse de l'autre côté de Croix des Missions. Un homme au 22ème étage regarde le vide, comme nous regardons le vide de la vallée et les hauteurs qui la délimitent … Même vertige et même aspiration. On se laisse porter par la voix qui anesthésie l'inconfort de l'assise ou la fatigue des jambes. Quelques slogans de mai 68 pour une chanson en chœur. Nous voilà prêts à repartir. Pour continuer la magie. Mais c'est seuls que les deux artistes quittent la station.
Pour leur laisser le temps de s'installer plus loin, un guide local fait une lecture de paysage, les monts qui servaient de décors prennent un nom, une histoire.
Puis la marche reprend, plus active parce qu'elle n'est que la transition vers une nouvelle lecture, un nouveau temps de partage. Laurence Vielle accueille les arrivants, les accompagne d'un petit texte qui se prolonge pour le groupe suivant. Plus loin la contrebasse de Camille Perrin rassemble les marcheurs autour de quelques arbres. On s'assied à nouveau, sage troupeau parvenu à la source. Les textes sont extraits cette fois de ISSINAKIMOURUPAÇAVÉKU et de POESIE ART DE L'INSURRECTION. La magie opère à nouveau entre les artistes, entre les artistes et le public. Nous sommes hors du temps, et pourtant si présents dans la nature, dans l'écoute, dans la communion et le partage. La voix et la contrebasse parlent et dansent et nous nous abandonnons. Le dernier poème est une remise en route, au fur et à mesure du texte les marcheurs se redressent et reprennent le mouvement quittant le texte qui s'effiloche dans le lointain. On parle désormais de ce qu'on a entendu, de ce qu'on a ressenti, de ce qu'on va entendre. La marche n'est plus qu'attente, mouvement vers le futur rassemblement. Une descente un peu raide, une route à traverser à 70 en même temps, pas de problème, le groupe est soudé par ce qu'il vient de vivre. C'est aussi cela la magie. 70 personnes qui ne se connaissent pas unis et solidaires en si peu de temps.
La troisième station se trouve dans la vallée, presque déjà dans la ville. La lecture porte sur le dernier livre de Laurence Vielle ANCETRES. Toujours cette même magie et cette prodigieuse entente entre le musicien et l'actrice, entre le voix et l'instrument qui se soutiennent, se prolongent, se complètent, se précèdent.
Une dernière marche pour le dernier rassemblement sous le chapiteau. La boucle est finie. Le temps est maintenant aux échanges, au dédicaces (un dessin et une petite phrase) dans la modestie et la générosité, un besoin de se revoir....

lundi 11 juin 2018

Avignon pour toujours ?

Avignon est fini, les rues sont balayées, les affiches ont été enlevées des grilles et des poteaux et les ruelles ne connaissent plus que la nonchalance des touristes. Les marchands de salles comptent leur argent derrière les portes refermées.

Mais vous, tous, vous mâchez de la cendre.
Parce que vous n'y étiez pas, parce que vous y étiez, parce que vous y étiez mais pas là où vous l'auriez voulu, parce que vous voudriez encore y être ou parce que vous regrettez d'y être allés.

Pour qui Avignon est-il encore une fête ? Pour quelques fous qui ont l'ingénuité de se laisser aller aux rencontres fortuites, aux confidences au coin de deux rues étroites, confidences à d'autres rêveurs de Théâtre qui disparaîtront dans la foule. Pour tous les autres, pour vous, Avignon est un dieu carthaginois qui exige les sacrifices humains, qui dévore corps et âme dans son ventre de feu.
Je disais un jour à metteur en scène connu qu' Avignon changeait en chiens rugissants même les êtres les plus doux. Il m'a répondu : « Avignon, c'est le business, c'est dur et c'est cruel. Il ne faut pas être là à ce moment-là. »

Vous allez à Avignon comme des paralytiques vont à Lourdes et vous vous étonnez de ne pas revenir en courant, les béquilles dressées en ex voto à l'entrée de la grotte. Et si vous n'y allez pas, vous restez persuadés que le miracle aurait eu lieu...


Voici le texte que j'avais écrit au mois d'août à mes amis. Il était complété de phrases plus personnelles adressées aux uns ou aux autres.
Fin décembre, un comédien l'a lu dans une réunion à laquelle je participais , mais le débat ne s'est pas engagé. Le comédien comptait sur le texte pour éluder les questions qu'il savait dans tous les esprits.
Retour pour moi sur une interrogation lourde, profonde qui m'avait agité l'esprit pendant tout l'été.
Pourquoi aller à Avignon, pour qui ? Pour quelle consécration ? Pour quel esthétisme ? Quelle foi dans le théâtre et dans quel théâtre ?
Plusieurs soirs cette interrogation m'avait arrêtée au hasard d'une rue auprès d'un comédien, d'un metteur en scène. Jamais auprès d'un spectateur (les spectateurs n'ont pas le temps au festival... Est-ce dire aussi qu'il n'ont pas de recul et de questionnement par rapport à ce qu'ils voient ? )
Cette interrogation a trouvé un écho quelques jours plus tard quand on m'a demandé de parler de la mise en scène dans les troupes de théâtre amateurs, et des amateurs (acteurs ou spectateurs).

Les articles qui vont suivre tourneront beaucoup autour de cette rumination...

J'essaierai de maintenir en janvier quelques pauses poétiques et une nouvelle (en cours d'écriture) pour vous satisfaire tous...

Bonne lecture
Bonnes lectures

Bonne année...