Nous sommes quelques uns,
les premiers arrivés sous le chapiteau devant la médiathèque de
Cornimont. Un rando- poésie est organisée dans le cadre du festival
des Arts Mélangés.
Le soleil brille et
éclaire l'effilochement de vagues nuages. C'est le premier bonheur
de cette après-midi. La météo avait prévu un temps mitigé.
Les autres participants
arrivent, trouvent pour les derniers encore de la place. On se
poussera, on se serra, on a le cœur grand et les jambes qui
s'impatientent.. Nous serons pas loin de 70 à prendre le départ, il
y a même une dame qui marche mal en Joëlette.
La rando commence par une
montée un peu raide, on l'a annoncée comme telle. Mais finalement
l'enthousiasme la dévore ; Deuxième bonheur de la journée.
Nous arrivons presque en avance à la première station de poésie,
surprenant Laurence Vielle et Camille Perrin qui en sont encore aux
mises au point. Ils ne se connaissent que depuis quelques heures.
A l'arrière de la Croix
des Missions une pente douce accueille les spectateurs. Nous serons
assis à l'ombre, face à la vallée et aux sommets de l'autre côté.
Troisième bonheur de la journée.
Montée sur le socle sur
lequel s'appuie la croix, Laurence Vielle commence la lecture d'un
poème extrait de OUF, et de DOMO DI POEZZIA . Sur
le côté, Camille Perrin commence à faire chanter sa contrebasse.
Quatrième bonheur de la journée ? Non, celui-là n'est pas du
même ordre, il est de ces bonheurs qui relativisent les autres. Au
bord du vide, une comédienne à la voix si particulière nous
entraîne dans le tourbillon de la Terre, qui tourne autant que le
poème fait de retours sur lui-même, de reprises, de progressions et
de rebroussements. Juste à côté, une contrebasse danse en
martelant son rythme ou en prolongeant le vers d'une longue période.
Le texte suivant nous mène au bord du gouffre pareil à celui qui se
creuse de l'autre côté de Croix des Missions. Un homme au 22ème
étage regarde le vide, comme nous regardons le vide de la vallée et
les hauteurs qui la délimitent … Même vertige et même
aspiration. On se laisse porter par la voix qui anesthésie
l'inconfort de l'assise ou la fatigue des jambes. Quelques slogans de
mai 68 pour une chanson en chœur. Nous voilà prêts à repartir.
Pour continuer la magie. Mais c'est seuls que les deux artistes
quittent la station.
Pour
leur laisser le temps de s'installer plus loin, un guide local fait
une lecture de paysage, les monts qui servaient de décors prennent
un nom, une histoire.
Puis
la marche reprend, plus active parce qu'elle n'est que la transition
vers une nouvelle lecture, un nouveau temps de partage. Laurence
Vielle accueille les arrivants, les accompagne d'un petit texte qui
se prolonge pour le groupe suivant. Plus loin la contrebasse de
Camille Perrin rassemble les marcheurs autour de quelques arbres. On
s'assied à nouveau, sage troupeau parvenu à la source. Les textes
sont extraits cette fois de ISSINAKIMOURUPAÇAVÉKU
et de POESIE ART DE L'INSURRECTION. La magie opère à nouveau entre
les artistes, entre les artistes et le public. Nous sommes hors du
temps, et pourtant si présents dans la nature, dans l'écoute, dans
la communion et le partage. La voix et la contrebasse parlent et
dansent et nous nous abandonnons. Le dernier poème est une remise en
route, au fur et à mesure du texte les marcheurs se redressent et
reprennent le mouvement quittant le texte qui s'effiloche dans le
lointain. On parle désormais de ce qu'on a entendu, de ce qu'on a
ressenti, de ce qu'on va entendre. La marche n'est plus qu'attente,
mouvement vers le futur rassemblement. Une descente un peu raide, une
route à traverser à 70 en même temps, pas de problème, le groupe
est soudé par ce qu'il vient de vivre. C'est aussi cela la magie. 70
personnes qui ne se connaissent pas unis et solidaires en si peu de
temps.
La
troisième station se trouve dans la vallée, presque déjà dans la
ville. La lecture porte sur le dernier livre de Laurence Vielle
ANCETRES. Toujours
cette même magie et cette prodigieuse entente entre le musicien et
l'actrice, entre le voix et l'instrument qui se soutiennent, se
prolongent, se complètent, se précèdent.
Une
dernière marche pour le dernier rassemblement sous le chapiteau. La
boucle est finie. Le temps est maintenant aux échanges, au dédicaces
(un dessin et une petite phrase) dans la modestie et la générosité,
un besoin de se revoir....