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dimanche 21 février 2016

Jean-Louis de Bois d'Eghien

Un texte écrit il y a un an ou deux. Je fréquentais régulièrement à ce moment-là des médecins de MSF. J'étais fascinée par leur dévouement, leur prise de risques. Un jour j'ai rencontré un des membres de l'association, un peu à l'écart des autres. j'ai vite compris pourquoi... Voici son portrait, sous un faux nom... de quoi se souvenir qu'on peut voir un film sur le scandale ZOE. 



Il s'appelle Jean-Louis. Il travaille à Bois d'Enghien. Il s'appelle Jean-Louis Bernard et il est infirmier à Bois d'Enghien. Il aurait voulu être docteur, professeur même, spécialiste en … peu importe, du moment qu'il était spécialiste. Sa famille est riche, il a toujours été habitué à être servi, écouté, obéi. Son argent ne vient pas de son activité. Il lui reste quelques terres sur lesquelles s'épuisent des fermiers et quelques appartements loués à ds gens au sommeil conciliant. Son salaire passe exclusivement en impôts. Il est comme Monsieur Prud'homme, pardon, il le double, il le cube. Il a découvert récemment l'humanitaire et le dévouement. Il part plusieurs mois par an dans des contrées plus caraïbes, plus édéniques que Bois d'Enghien. Là-as des voix défavorisées l'appellent docteur, et des ignorances pitoyables se courbent sur ses Méphisto.
Modestement, il demande, en tendant ses mains aux gratitudes, qu'on l'appelle simplement Docteur de Bois d'Enghien.  

vendredi 19 février 2016

le théâtre du texte en 2016

Les articles que j'ai postés sur ce blog récemment évoquent des spectacles assez anciens, pour certains très ancrés dans le contexte de la représentation théâtrale.
Aujourd'hui j'ai l'occasion de voir beaucoup de spectacles de ce type, parfois répondant aux critères que j'ai mis en évidence dans ma recherche, parfois totalement éloignés. Certains sont justes et trouvent leur public, d'autres restent confidentiels, d'autres encore n'osent pas abattre le quatrième mur pour s'ancrer dans la performance.
Je vous parlerai plus dans les temps à venir de Laurence Vielle, de David Gianonni, de Pierre Soletti, de Serge Pey, de Julien Blaine ... pour ne citer que ceux qui me semblent les plus intéressants.
J'ai déjà eu l'occasion d'aborder la lecture de Frédérick Houdaer...
Si vous avez l'occasion de pouvoir les voir "pour de vrai", c'est une expérience à ne pas manquer...

recherche le théâtre du texte (3)

Cet article est la suite de deux autres parus précédemment. Le propos est de voir dans quelle mesure un spectacle basé uniquement sur la transmission d'un texte non narratif, non dramatique peut constituer une forme de théâtre, dans quelle mesure,il relève de la théâtralité

Le quatrième spectacle est un  « juke-box » organisé par David Lescot, toujours pour un « samedi de la Comédie », en mai 2009, en parallèle à une série de représentations de L'Européenne. Les parcipants s'étaient répartis pour l'après-midi en deux groupes (comme pour le spectacle « les Yeux bandés »), l'un avait mis en jeu quelques passages de la pièce, l'autre avait écrit sous la conduite de David Lescot une scène de rencontre ou de rupture avec pour contrainte un décompte syllabique. Après la pause destinée à synchroniser les deux groupes autour d'une boisson et de petits gâteaux locaux, chacun s'était dirigé, tasse ou verre à la main, au milieu des conversations curieuses de ce que les autres avaient fait, vers le « BAR de la Comédie », un lieu légèrement en sous-sol. Fauteuils club, tables et chaises contemporaines à déplacer selon l'instinct de l'occupant, tabourets haut perchés devant le comptoir. Eclairage artificiel diffus et en fond un mur courbe, aux vitres donnant sur le jardin de l'Arboretum. David Lescot s'est installé à proximité de cette lumière naturelle, place imposée aussi par la présence de prises électriques pour une guitare également électrique. Les participants ne pouvaient le voir qu'à contre-jour. Il a exposé le principe de l'intervention qu'il allait faire. Une personne du public lançait un mot, une idée, un stimulus. David Lescot associait le mot à l'un des textes qu'il avait apportés, essentiellement son répertoire d'auteur. Il situait l'extrait, puis le lisait, demandait ensuite à l'ensemble du public s'il était satisfait de sa « réponse » et justifiait le choix qu'il avait fait. Il a ainsi lu des extraits de L'augmentation, Théâtre à la campagne, L'instrument à pression, et d'autres textes moins connus ou inédits, chanté une des chansons de Commission Centrale de l'Enfance, joué un air à la trompette, mais il a résolument évité, malgré les tentatives des quémandeurs, de donner à entendre un extrait de L'Européenne qui se jouait le soir-même.


Enfin le cinquième et dernier spectacle qui constituera mon corpus, est un « bal littéraire » qui a été donné place Saint-Sulpice, dans le cadre de la « Foire au Théâtre », en mai 2010. Il avait été organisé par le collectif qui s'était formé autour de Fabrice Melquiot à la Comédie de Reims, collectif qui a émigré au Théâtre de la Ville « La coopérative d'écriture ». Cinq auteurs - Fabrice Melquiot, Samuel Gallet, Rémi de Vos, Yves Nilly et Nathalie Fillion – y participaient. Ils avaient écrit dans l'après-midi dix passages scénarisés constituant l'introduction de dix chansons (la plupart en anglais) destinées à faire danser les participants. Les cinq auteurs devenus acteurs de leur texte se tenaient derrière des micros, sur une estrade, feuille à la main, lançant les parties chantées sur un ordinateur portable, tandis que le public se rassemblait sur une piste de danse ménagée devant, piste de danse qui s'avéra assez vite trop exiguë. Entre deux danses, on s'asseyait où l'on pouvait, souvent à même le sol, et les non-danseurs se trouvaient couverts de sacs et de manteaux dès qu'il fallait occuper en mouvement l'aire de danse. Le texte assez incohérent et confus mêlait les micro-événements survenus l'après-midi (le passage de Catherine Deneuve), les lieux (le chantier autour de l'église), le contexte (une troupe de théâtre amateur cherchait un texte contemporain), des personnages d’événements politiques lus dans un journal (une révolte en Thaïlande). Je n'avais pas choisi ce spectacle au départ de mes recherches. Mais les découvertes que j'y ai faites me semblant ouvrir des pistes autres et conforter certaines de mes spéculations, je l'ai préféré à un spectacle de Claude Guerre à la Maison de la Poésie (qui faisait un peu double emploi avec celui de Maxime Dejoux).
On pourra me reprocher de ne pas avoir consacré une partie de mes recherches aux banquets littéraires. J'en suis tout à fait consciente. J'ai assisté, il y a trop longtemps pour que je puisse m'y référer, à deux banquets, inspirés du Moyen Age organisés à la Comédie de Reims et dont je garde surtout des souvenirs gustatifs. J'ai eu l'occasion de faire un stage sur cet exercice difficile et j'ai participé, en tant que comédienne, à quelques banquets bien modestes, en milieu rural. Il me semble que je suis à la fois trop concernée et trop distante pour procéder à une analyse objective. Je crois cependant que des ressemblances existent avec les spectacles que j'évoque dans ce corpus. Il pourrait s'avérer intéressant de consacrer aux « banquets littéraires » une étude spécifique.


vendredi 12 février 2016

recherche le théâtre du texte (1)

Je publie aujourd'hui et avec son accord, les extraits d'une recherche d'une étudiante de master à la Sorbonne Nouvelle sur différentes formes de performance du texte. Il s'agit d'un travail très long, que je vous communiquerai tout au long de l'année, je pense, à période plus ou moins régulière. 



J'ai choisi pour bâtir ma réflexion et pour alimenter d'exemples ce mémoire de master cinq spectacles, très différents les uns des autres. Ils s'échelonnent sur une dizaine d'années et se sont déroulés dans des conditions très disparates. Il serait facile de croire, si l'on voulait les comparer dans leur simple présentation, à une dispersion et un éparpillement. Je vais m'efforcer dans le développement de ce mémoire de démontrer combien ils sont parents et combien ils tendent tous dans une direction qui est la recherche ou l'exploitation d'une nouvelle théâtralité.
On remarquera que trois d'entre eux ont eu lieu à Reims, dans le cadre du Centre Dramatique Nationale « La Comédie de Reims » et qu'un quatrième, bien qu'ayant eu lieu à Paris, était animé par plusieurs membres du collectif artistique formé à Reims pour la création de ce type de spectacle.
Le passage de Christian Schiaretti et la résidence, à sa demande, du poète Jean Pierre Siméon à Reims semblent avoir créé dans la ville un besoin de ces formes atypiques, qui après avoir surpris, ont trouvé un public, avant de s'expatrier heureusement vers d'autres théâtres.
J'ai pris l'option de ne pas traiter de la lecture publique. D'une part parce que le thème a déjà été abordé dans d'assez nombreuses publications (un numéro de Théâtre(s) en Bretagne lui est exclusivement consacré) ; d'autre part, parce que les lectures se sont largement vulgarisées ces dernières années, devenant un phénomène de mode, reconnu officiellement comme un acte théâtral (je n'en citerai comme preuve que la lecture des Liaisons dangereuses de Chaderlos de Laclos - dans l'adaptation de Samuel Becket Quartet - par Jeanne Moreau et Samy Frey en Avignon en 2007, la lecture faite par Olivier Cadiot dans la cour d'honneur du Palais des Papes en 2010 d'un de ses textes joué parallèlement dans le festival In (un mage en été), ou encore le travail plus ancien de Antoine Vitez sur les Cloches de Bâle de Louis Aragon, Catherine. Des festivals entiers de littérature ou de théâtre accordent une part belle aux lectures, plus ou moins théâtralisées, « Paris en toutes lettres » par exemple ; enfin, parce que la « lecture » a aujourd'hui pris tant de formes différentes et touche un public si diversifié dans des conditions si hétérogènes qu'elle mériterait une étude spécifique, alliant littérature, histoire et sémiologie, remontant par exemple aux dimanches que lui consacrait Jacques Copeau au Vieux Colombier.
Venons en donc aux cinq représentation qui constitueront mon corpus.
Le premier spectacle choisi, intitulé, Les poètes du tango, marquait un des temps forts du festival « Reims à scène ouverte » de 2006. Sa mise en scène et en espace déjà très élaborée indiquait que Emmanuel Demarcy-Mota y voyait un spectacle digne de porter sa signature : jeux de lumières dans les clairs-obscurs, dominante de camaïeu de gris et de noir, lumières traitées en faisceaux... Malgré le respect du temps de montage limité, règle du jeu de ces rencontres autour de la poésie et de la langue, on voyait nettement que le travail avait fait l'objet d'une attention toute particulière. Je ne veux pourtant retenir de cette représentation que ce qui lui échappait finalement. Je laisserai de côté les alcôves ménagées où les comédiens récitaient leur texte, les chansons et les danses réalisées dans la grande salle finale, pour ne parler que des conditions strictes du spectacle.

Fin d'après-midi d'hiver, dans la nuit qui tombe, nous attendions sous la neige et dans le vent qu'un autocar du service municipal vienne nous prendre devant la porte du CDN. La vérification des billets avait lieu sur le parvis. L'attente et le froid déliaient les langues et soudaient les groupes d'anciens combattants des spectacles précédents. Nous nous sommes engouffrés finalement dans deux bus. Les véhicules ont parcouru un long trajet, dont nous ne pouvions rien deviner à cause de la buée et de la nuit. Les virages se succédaient malmenant les gens trop serrés. Nous sommes arrivés devant ce qui semblait un entrepôt en ruines. Pas de toit pour nous abriter et des murs écroulés qui ne nous protégeaient guère de la bise. Nous nous sommes dirigés vers des voix et des lumières aperçues un peu plus loin. Le public se déplaçait d'un point à un autre au fur et à mesure de la progression du spectacle. Nous étions transis. Soudain, une odeur de cannelle, d'orange et de vin. Dans la salle suivante, nous nous sommes précipités sur cette source de chaleur à prendre en soi, et nous avons siroté notre boisson pendant que les acteurs continuaient leur texte. Enfin nous sommes arrivés dans une salle digne d'un film sur la fin des temps : des tables et des chaises grises ou couvertes de linges blancs, des tissus blancs aussi sur les tas de gravats amoncelés sur les côtés, gradins de fortune. Un accordéon jouait. Les chants ont succédé aux récitations, certains acteurs dansaient, bientôt suivis par les plus téméraires des spectateurs (le tango ne s'improvise pas) pour un bal improbable alliant poésie et rythmes latins. Les autocars qui nous attendaient à la sortie nous ont ramenés très rapidement au CDN, beaucoup plus vite qu'à aller, ne se perdant plus dans des détours superflus. 

jeudi 11 février 2016

Bingo - spectacle Blaise Cendrars - critique




Bingo se joue tous les jours à la caserne des Pompiers à Avignon, festival OFF. C'est à 11h 45.... La pièce a beaucoup évolué depuis ce que j'en écrivais en novembre. C'est beaucoup plus souple, plus jouissif.. un  vrai régal....



 
Vendredi, j'étais à Rethel pour l'ouverture du festival du conte, en l'occurrence avec Bingo, le nouveau spectacle de Pascal Thétard du Collectif Eutectic. La mise en scène a été assurée par Raynal Flory.
Le spectacle est conçu autour du recueil de contes de Blaise Cendrars "anthologie nègre", qui a été édité sous divers titres, et du recueil de poésie "Du monde entier" "au cœur du monde" . 
Pascal Thétard est un conteur de talent et un lecteur reconnu et apprécié. Il propose ici une alliance de ses deux passions : le conte et la poésie. 
Pourtant Bingo n'a rien de commun ni avec une racontée traditionnelle, ni avec un récital de poésie. 
Dans un univers coloré, composé exclusivement de lumières et de projections d'effets en noir et blanc en fond de scène, un personnage dont on ne sait qui il est, médiateur ou auteur, montreur ou protagoniste de l'histoire, évolue dans un décor vide. Vide, non, ce décor est saturé des images que le texte ou le corps du comédien suggère. 
Brusquement apparu sur le plateau comme on tombe des cieux, le conteur, vêtu d'un très élégant et très classique costume (dans un camaïeu de roses)  enchaîne et enchâsse contes et poésies. Histoires d'amour entre une femme et un fils de dieu, un dieu et une mortelle, une mère et son fils (pardon deux mères et leur fils), histoire d'un dieu fatigué des demandes des hommes et les abandonnant ou rejetant un fils qui prend trop de place dans son couple. Comme une grande variation autour de "quand tu aimes, il faut partir" (le poème fait partie des textes dits au cours du spectacle). 
Le public, placé derrière le quatrième mur par le jeu des lumières, trouve vite sa place et s'amuse des gestes et des chansons ou des jeux de rythme, d'alternance d'humour et de dramatique. 
A la fin le propos se fait plus grave, sans perdre de sa qualité et de son pouvoir d'évocation. 
Bingo est conseillé à partir de 14 ans, je crois en effet qu'il faut avoir acquis un certain recul et un certain esprit critique pour pouvoir accéder à ces contes au second degré. Les adultes présents dans la salle ont tous apprécié une version un peu déconcertante du travail de Pascal Thétard. Comme quoi le conte parle aujourd'hui aussi aux adultes... 
A voir (attention il y a peu de dates prévues..., dommage) 
























mercredi 10 février 2016

recherche le théâtre du texte (2)

Cet article fait suite à celui publié il  y a quelques  jours. Il s'agit de la présentation des spectacles sur lesquels a porté la recherche. 

Le deuxième est un spectacle donné par Maxime Dejoux dans le cadre du Festival Off d'Avignon en juillet 2009, intitulé Ta peau ici. Il s'agissait d'un montage de textes écrits pour la circonstance (le spectacle avait déjà eu lieu dans une médiathèque), des textes essentiellement poétiques, en vers libres, parfois proches de la prose rythmée, auxquels se mêlaient des chants en français et en d'autres langues, ainsi que de grandes psalmodies en arabe. Le comédien avait investi une petite placette à l'arrière du Palais des Papes. Les badauds s'arrêtaient, intrigués d'abord par la vue de ce jeune homme accroché dans un évidement de la muraille, puis plus tard dans le cours de la représentation par la voix et l'investissement de l'acteur. Un comparse marchait le long de la ruelle portant un panneau « Silence, merci, spectacle en cours ». Les passants qui choisissaient de devenir public, s'installaient sur des murets, des bacs à plantes, ou directement sur le sol. Dès le deuxième jour, des tapis avaient été posés sur le macadam, matérialisant une zone d'écoute ou de regard, mais la majorité des gens ne l'occupait pas, préférant se garder l'issue d'un départ rapide. Maintenir un quota de spectateurs appartenait à la gageure. Pendant un peu plus d'une heure Maxime Dejoux apostrophait le public, l'exhortant à la poésie et à l'épicurisme, entre offrande du plaisir du texte et harangue. Il descendait assez vite de son encorbellement-perchoir pour se rapprocher du public, voire lui murmurer un texte, une phrase à l'oreille qui échappait aux autres et que l'on ne pouvait imaginer qu'au regard du spectateur élu. J'ai gardé ce spectacle dans mon corpus parce qu'il appartenait au festival off et qu'à ce titre il bénéficiait d'une estampille « théâtre », parce que le lieu et le concept correspondait à l'objet de ma recherche et parce qu'il apportait une preuve que ce type de représentation avait maintenant gagné une place également dans la rue.

Le troisième spectacle est un « les yeux bandés, l'oeil écoute », organisé à Reims, un samedi après-midi, dans le cadre des « Samedis de la Comédie », mis en place par Emmanuel Demarcy-Mota et Fabrice Melquiot. Il rassemblait pour « la cerise sur le gâteau », la récompense deux groupes de volontaires qui avaient travaillé les uns sur la mise en jeu de « Casimir et Caroline » et les autres sur la transposition d'un texte de Mallarmé au sein d'un atelier d'écriture. Le principe de ce spectacle a été conçu (c'est du moins ce qu'ils revendiquent) par Melquiot et Demarcy-Mota. Les spectateurs s'installent sur des chaises alignées sur le plateau. Les rangées sont doubles, un spectateur a des voisins à sa droite, à gauche, mais aussi derrière lui. Quelques privilégiés occupent les gradins (généralement les metteurs en jeu, des journalistes ou des comédiens qui ne participent pas au spectacle). Quand le public est assis, les comédiens l'invitent à se bander les yeux avec un tissu noir très épais qui se trouve sur le dossier de la chaise. Ils s'assurent rapidement que les spectateurs sont aveugles et le spectacle commence. Réduite à l'audition, la perception du spectateur est aiguisée, on suit le bruit des déplacements des comédiens autant que le texte qu'ils donnent. On s'accroche aux réactions des autres. Des « instrumentistes » qui ne jouent pas le texte provoquent des réactions par surprise, créant des odeurs, des sensations tactiles (eau, tissus de soie ou branches de sapin...). Le texte se déroule sans pause, les changements de décors, d'acte, les didascalies sont lues de façon neutre par un comédien, alors que le reste de la pièce est interprété, je dirais « invoqué » ou « emphoné » puisque le mot « incarné » ne convient pas ici. Il s'agissait d'une œuvre inachevée de Horvath. La fin de la représentation est indiquée par un comédien. Le public est invité à retirer le bandeau et à le reposer là où il l'avait trouvé. Les spectateurs confrontés à la lumière plein jour du plateau sont applaudis par les comédiens, avant que le rapport traditionnel ne se rétablisse. La distribution est alors donnée, les comédiens prononcent quelques mots (qui permettent de les reconnaître) et montrent les artifices dont ils se sont servis pour les sensations. 

lundi 8 février 2016

La vie (critique)

Beaucoup de temps sans écrire .
Du temps passé à rencontrer des amis, à en découvrir de nouveaux, des jours à me baigner dans le flot de la poésie et de la création...
Une foule de gens dont je rêve de vous parler.... depuis des semaines ou des heures...

Pour l'instant un tout petit retour en arrière pour vous parler de LA VIE de François Morel.
Cela se passait à Châlons en Champagne.
Moment attendu, redouté. La dernière fois que Morel était venu à Châlons, il était accompagné de Cabu et de Charb....
Ne pas en parler, mais sans cacher leur présence pas sur scène mais dans le coeur et la pensée de chacun. Le spectacle en garde une trace en filigrane surtout quand le titre est "la vie (titre provisoire)".
Que dire de ce récital de François Morel concocté avec Juliette, et interprété avec Antoine Sahler (le seul pianiste capable de jouer en même temps de la trompette ou le seul trompettiste capable de jouer en même temps du piano... ), si ce n'est qu'on y retrouve ce qui a fait le succès de ses précédents récitals. Il faut dire pourtant que François Morel en reprend les grandes lignes, tout en créant du nouveau et en ne se laissant pas gagner par la facilité. La salle lui est acquise d'avance, dans une connivence basée sur de nombreuses soirées mémorables.
Tout se passe entre humour,  légèreté, dérision, décalage entre la musique et le texte, tendresse ou satire marquée.
Tout est prévu, calculé, orchestré  et le grand livre du spectacle qui trône sur une table a déjà tout prévu, y compris les dérapages ou les réactions du public.
On rit, on s'émeut, on se révolte. C'est ça un spectacle de François Morel. Lui qui si souvent dans les Deschiens n'avait accès qu'à une parole limitée ou était réduit au silence dans les spectacles théâtraux de Mackaiev et Deschamps, se trouve ici une parole chantée riche et qui touche le public.
Une particularité ici, une chanson interprétée a cappella par les musiciens "Dessine-moi..." qui était le titre du spectacle avec Cabu et Charb et puis tout à la fin, comme rappel (de qui) une chanson de Trénet dont Cabu était fan..
Sortie émue des deux côtés, dans une communion de souvenir pudique mais profonde...

lundi 1 février 2016

Frédérick Houdaer

Frédérick Houdaer est venu un jour lire quelques uns de ses textes lors d'une soirée. Il avait accepté au nom de vieilles attaches familiales, de souvenirs si anciens qu'ils relevaient de la tradition.
Je l'ai croisé une seconde fois dans un salon, plus longuement, moins anonymement. Nous avons devisé autour d'une bière », devant un plat préparé par des bénévoles, à son stand avant que le public ne soit à nouveau autorisé à rencontrer les auteurs.
Puis une troisième fois au Marché de la Poésie, nos stands s'affrontaient de chaque côté d'une allée encombrée de badauds. Nous communiquions par signes.
Que dire de Frédérick, si ce n'est que sa poésie me fait tire, rire et voir, rire et réfléchir.
Etrange parcours que celui de ce poète qui s'est d'abord fait un nom dans le polar.
Etrange ? Pas forcément, la cohabitation avec l'argot l'avait habitué aux formules imagées, aux raccourcis et aux périphrases.
Il a aussi garddé de son passé dans le roman policier, la maîtrise du suspens. Ce »s poèmes progressent comme des énigmes, avec de fausses pistes, des aveux et des rétractations qui conduisent à une chute.
Les poèmes de Frédérick Houdaer ressemblent à des nouvelles à chutes, écrite dans une langue qui fourmille d'images. La langue est belle, drôle, recherchée dans sa simplicité. Les textes sont eux d'un réalisme poussé au paroxysme. De cette incompatibilité théorique naissent des poèmes atypiques et déroutants, dont on rit pour déjouer le gouffre de vérités qu'ils révèlent.
Il faut avoir entendu lire Frédérick pour mesurer combien la réticence sous-tend son écriture. Il peut rester silencieux une minute entre deux vers, une minute à regarder le public, une minute dense et riche, devant un public en apnée.
On reconnaît toute l'humanité des faits divers, les pires ou les plus banaux. On peut passer d'un couple qui s'interroge sur le suicide à un homme qui ne capte pas internet, à un écrivain cherchant l'inspiration dans un bar ou à une rencontre entre la Terre et une météorite.
Frédérich Houdaer se paie le culot d'utiliser une langue où tout mot est pesé sur une balance de chimiste pour être iconoclaste au dernier degré.


À lire :
No parking, no Business

Engeances