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vendredi 28 mars 2014

Critique : 36 nulles de salon


J'attendais avec impatience les 36 nulles de salon de Daniel Cabanis. J'avais entendu le texte lors d'une lecture au Rond-Point, il y a presque 2 ans. La distribution a été conservée : Olivier Saladin et Jacques Bonnaffé. Étrangement je reconnais, dans une autre ordre, les textes entendus (ils sont normalement 36 – mais impossible de les compter, tant on est pris dans leur enchaînement). Je retrouve les phrases au moment où les comédiens les échangent. (Dire que je suis incapable de retenir un texte et que je me souviens du moment exact où la phrase a été prononcée au Rond-Point, il y a 2 ans). Il ne va pas être facile dans ces conditions de demeurer dans l'objectivité.

Je suis en Terra cognita et cela me dispense de la découverte. La galéjade, la craque qu'était la première lecture a pris du corps, de l'épaisseur. Nous étions à la limite des brèves de comptoir, nous voici dans un huis clos, drôle et acide. La présence à la toute fin de textes autour de questions plus existentielles renvoient alors au monde de Beckett... Nous assistons à une fin de partie de vie des deux frères. Et le Godot qu'ils attendent s'appelle officiellement la mort.

Une répartition différente des voix permet aux deux jumeaux de se différencier et de former des personnages à part entière, des personnages plus complexes. Des jumeaux, Mario et Mario ? Ou un dédoublement comme le triste enfant vêtu de noir qui vient visiter Musset une nuit de décembre ? Deux personnages qui dans leur petitesse et la fierté qu'ils en tirent, se permettent de rire des autres, de façon parfois très cruelle, à la limite de l'épigramme, forçant le spectateur à rire de leur cruauté. Ils leur arrivent aussi -malgré eux ? - de faire des jeux de mots ou des associations très fines.

Sur le plan de la mise en scène, une alternance se fait entre les temps de jeu et les temps d'action qui donnent au texte une place différente, et rythment le spectacle. Le jeu se fait autour d'une intention et la scène vire parfois à l'exploitation au second degré d'un stéréotype (le film policier., un couple regardant un film..). L'action consiste à intervenir sur la scénographie. Le plateau gris est occupé par une structure de bandes élastiques tendues que les comédiens/les personnages construisent et déconstruisent systématiquement, quand elle ne le fait pas d'elle-même. La structure devient œuvre d'art, tonnelle au soleil, prison, labyrinthe, cage, animal, univers onirique, instrument de musique, voisin... On comprend très vite que c'est « le grand oeuvre » que  les deux frères cherchent à réaliser pour parvenir enfin à exister. La lumière souligne ses métamorphoses.

Comme toujours dans les mises en scène de Jacques Bonnaffé, la musique et la danse ne sont jamais loin. Comme souvent aussi, les personnages prennent à certains moment le pouvoir sur le texte pour se commenter ou commenter leur action de personnage, associant le public.

La jauge est moyenne. En rapprochant le spectateur de la scène, elle renforce l'impression d'enfermement des personnages sur eux-mêmes. Les moments d'affection comme ceux de haine s'amplifient et prennent les spectateurs à témoin moins qu'ils ne cherchent à les gagner à la cause de l'un ou de l'autre des 2 Mario. La sympathie passe d'un jumeau à l'autre au fil des scènes.

L'interprétation est très riche. Le texte offre à chacun des deux comédiens une superbe palette à explorer et à exploiter. Le risque aurait été grand de caricaturer (ce qui se produisait un peu pendant la lecture au Rond-Point). Il y a dans cette version scénique de la retenue et des nuances fouillées, plus chez Jacques Bonnaffé* que chez Olivier Saladin.

Pour parodier Orwell, je dirai que tous les Mario sont égaux, mais que l'un est plus égal que l'autre.


 voir les autres articles dans les archives (notamment en septembre, octobre et novembre)
Cet article a été enrichi de deux autres publiés en mai et en juin
 - critique de 36 nulles de salon suite
 - recoudre le théâtre




Vous hésitez : Si vous aimez les Diablogues de DUBILLARD, foncez, vous passerez un excellent moment. Si vous aimez le théâtre de l'absurde, foncez. Si vous êtes prêts à vous laisser aller, foncez....




dimanche 23 mars 2014

Bussang

Une petite remarque,
Oui j'ai oublié que tout le monde ne connaît pas Bussang.
Il s'agit en réalité du Théâtre du Peuple, fondé par Pottecher à Bussang, une petite ville des Vosges tout près du col du même nom, à la limite de l'Alsace.

Critique : un canard sauvage à Bussang


Retour de la Colline, Théâtre national. Sur mon bureau le programme de Canard sauvage. Un de ces merveilleux programmes, riche de textes autres, parallèles et d'offres de poursuite de lectures et pas seulement une bavasserie autogratifiante d'un metteur en scène ou d'un traducteur. Avec des photos du spectacle, des photos en couleurs...

Une remarque d'un curieux. « On dirait Bussang ».

Je reprends les photos. Un doute, un regard plus débarrassé de l'empathie du spectacle. Cette caisse en bois aux structures apparentes (que l'âge n'a pas encore brunies), cette déclivité du plateau (qui permet au spectateur de bien voir, mais qui casse les mollets des acteurs et transforme tout roulement en travail herculéen). Mêmes portes coulissantes de fond qui libèrent la vue sur un monde végétal (reconstitué artificiellement pour la Colline). Non, je n'ai pas pensé à Bussang pendant toute la représentation,malgré l'allusion et les similitudes. Parce que Bussang est autre que ce cliché.

Bussang s'attrape d'abord par le souffle, plus exactement par l'essoufflement. Vous avez laissé la voiture au grand parking près du village et de la Popote où acteurs et figurants se croisent entre les représentations. Ou pire, vous vous êtes garés , dans le village près des hôtels et des deux restaurants. Vous devez poursuivre le chemin escarpé à pied entre les demeures historiquement architecturées de la bourgeoisie vosgienne, les pensions cossues du début du siècle, quand Bussang était une ville thermale. Puis elles vous laissent au milieu de la campagne

Bussang s'attrape ensuite par la vue. Il vous faut des prairies émaillées de vaches noires à l'échine blanche, des chaumes au loin paresseuses sous le soleil ou pudibondes dans les nuages, des croupes de forêts et l'impression d'être arrivé là où cela ne se continue plus. Alors derrière une haie de buis vous entendez des discussions, des rires et des verres entrechoqués.

Bussang s'attrape alors pas l'oreille. Vous traversez ce qui vous semblait la haie infranchissable des contes de fées. Votre pied s'enfonce dans une allée de cailloux blancs qui se dérobent dans un friselis de pierres, rejoignant les cris d'autres cailloux malmenés. Vous ne regrettez pas d'avoir gardé des chaussures confortables. Quelques élégantes parisiennes vacillent au bras de beaux messieurs, avec des allures de quasimodo de carnaval. Les montagnards progressent dignement en godillots vers les portes de bois.

Bussang s'offre alors à vous dans la majesté de ses planches de bois noirci, avec sa grande croix blanche, ses escaliers de grange aux troncs mal équarris. Vous vous demandez ce que vous faites là et si c'est bien là la scène nationale qu'on vous avez annoncée, qui réussit le miracle d'accueillir en à peine deux mois plus de spectateurs que ses sœurs urbaines, sur dix mois. Bussang semble un ranch fortifié. Poussé par la foule, vous entrez.

Bussang s'attrape par l'odeur. La résine des bois rivalise avec la poussière centenaire. La rusticité du lieu est gage de son authenticité. Tout est en bois : le sol, le plafond, les sièges, la scène et son cadre. Tout est historique des bancs sur lequel on s'aligne sans hiérarchie aux devises du cadre de scène. Les projecteurs et autres engins modernes paraissent anachroniques. Puis il y aura tout à l'heure, promesse chaque saison renouvelée, l'odeur de la fôret, celle des grands arbres entrés dans la cage par l'ouverture du fond de scène ou celle de la terre mouillée.

Bussang s'attrape enfin par le corps. Il vous faut le souvenir du soleil, qu'on devine à travers les bardeaux mal jointifs, sa chaleur qui vous rejoint dans la salle. Il a les embruns des jours d'orage ou de brouillard, qui se répandent dans la salle, par les mêmes interstices entre les bardeaux, ces embruns qui vous humidifient et vous glacent. Il vous faut l'inconfort des sièges malgré les coussins à l'effigie du spectacle, et les trois heures avant de pouvoir à nouveau étendre ses membres. Les yeux dans le rêve et le corps au pilori.

C'est pour retrouver tout cela que vous revenez, comme tous les autres, tous les ans, au Théâtre du Peuple. Vous venez revivre la grande utopie d'un théâtre plus que centenaire, toujours vivante et renouvelée., dévoreuse d'hommes et d'énergie (mais de cela je parlerai un autre jour).

Non. Il n'y avait rien de commun entre Bussang et la représentation de la Colline. Le scénographe y avait-il songé d'ailleurs ? Bussang n' a pas bonne presse auprès des grands créateurs, avec ses effets faciles, convenus., et ses milliers de spectateurs, qui parfois ne vont au théâtre qu'un jour en été.



mercredi 19 février 2014

Critique : RE : Walden




Spectacle à la Colline, une tournée après une présentation en Avignon l'été dernier.

Une impression mitigée parce que faussée par le souvenir encore vivace de la lecture faite par Jacques Bonnaffé, il y a peu de mois.

Des choses merveilleuses : une projection panoramique d'un étang en forêt au fil des saisons, avec des images qui s'accélèrent et tournent à la folie, au subliminal. Etang qui se superpose à celui évoqué par Thoreau. Un piano qui devient autonome, joue seul et finit par se détruire au plus fort d'un moment intense. Une projection d'avatars qui assument les déplacements des comédiens demeurant statiques. Voix des comédiens sur scène (par voix amplifiée) et bulles pour faire parler les avatars. Des doutes qui naissent (est-ce l'avatar ou le comédien qui bouge) quand les deux sont si étroitement en surimpression qu'on ne peut les différencier.

Un moment très intéressant aussi : la traduction informatique du texte de Thoreau en français et les aberrations que génèrent ce type de traduction. Un texte devenu totalement absurde que les comédiens après une première surprise jouée, déclament comme s'il s'agissait d'un travail de qualité.

D'autres passages plus dérangeants, parce qu'il vient se heurter au travail de Jacques Bonnaffé. Jean,-François Peyret n'était pas dans la galerie, mais les deux artistes ont si souvent travaillé ensemble et notamment sur des lectures, qu'on peut aussi bien voir une imitation de l'un par l'autre qu'une osmose si complète qu'ils se rejoignent dans leur production.

Dès lors une comparaison se fait entre les techniques utilisées, les méthodes, les trouvailles...

Les acteurs reprennent les phrases des autres pour y ajouter ou y modifier un mot minuscule (parfois / de temps en temps, …) comme une rectification sensée apportée un nouvel éclairage ou pour au contraire rendre ridicule l'orthodoxie de certains traducteurs ? Jacques Bonnaffé reprenait des passages, pour déplacer une virgule, une respiration, pour ajouter ou enlever une intention....Le texte peut ainsi être lu plusieurs fois, chaque nouvelle lecture enrichissant ou déformant la précédente, conduisant sur une pluralité de compréhension...

Les comédiens de Jean François Peyret semble découvrir des citations dans des emballages de carambar. Thoreau est-il un auteur de blagues de mauvaise qualité, ou cela est-il destiné à souligner le décalage entre une pensée profonde et l'usage qui en est fait. Les comédiens mâchent à la fois le texte et les confiseries qu'ils déballent. La prononciation s'altère autant que le propos. Intéressant.

Mais combien plus riche la proposition faite par Jacques Bonnaffé. Les papiers chiffonnés comme ressuscités après un premier abandon et retrouvant la force de l'écriture, ou les phrases écrites sur des morceaux de cartes routières, pour un auteur qui a abandonné la route et qui demande plusieurs fois dans le livre où se trouve tel ou tel endroit. Une carte... chiffonnée, comme son renoncement à un monde trop balisé....

Je en parlerai pas du rapport au public, il y a là trop concepts mis en jeu de chaque côté.

On ne peut pas comparer deux approches aussi différentes et aussi cousines de l'oeuvre de Thoreau. Le tort principal pour moi est d'être allé voir les deux spectacles dans un intervalle aussi court.


vendredi 10 janvier 2014

l'âme des termites est flamande


Voilà des années que je rêvais de voir un spectacle de Josse de Pauw. Je ne vais qu'exceptionnellement au théâtre pour voir un comédien. Souvent c'est le metteur en scène ou l'auteur de la pièce qui guident mon choix. L'occasion était donc trop belle de voir ce spectacle qui finissait sa tournée à Reims où j'ai une amie.

Je ne vous ferai pas l'injure de vous demander si connaissez Josse de Pauw. C'est un metteur en scène et comédien belge.

On peut trouver le prétexte et l'argument de «l'âme des termites» sur de nombreux sites et cela n'est pas ce qui va focaliser ma réflexion. Disons qu'un entomologiste, passionné par les termites, a fait de ces insectes l'objet unique de ses recherches. Ce qu'il en dit progressivement laisse transparaître sa vie et les moments trop lourds pour être tus, une histoire d'amitié tragique, une histoire d'amour qui l'encombre et le détruit, une appartenance à un peuple qui se déchire et cultive une haine que dément la réalité quotidienne, l'obligation de se confronter à un univers plus cruel que la termitière.

Il paraît qu'à l'origine, il y aurait un texte de Maeterlinck et une communication scientifique...

Je ne m'occuperai que de la théâtralité, la dramaticité du spectacle.

Josse de Pauw est seul en scène avec deux musiciens qui semblent improviser une musique entre jazz et contemporain... Sur la gauche les musiciens, en diagonale une longue table comme les bureaux démesurés des amphis de fac. Dans le fond un écran qui affichera du texte et des images, des vidéos... A l'avant-scène droit, derrière le bureau, Josse de Pauw.

La pièce commence comme un cours magistral. Et les spectateurs se trouvent directement inscrits dans le dispositif scénique. Il n'y a pas de quatrième mur. Josse de Pauw est un professeur face à ses étudiants qu'il admoneste éventuellement, qu'ils raillent légèrement. C'est un prof débonnaire qui entretient une sympathie visible avec ses élèves.

Josse de Pauw est flamand et le spectacle est en néerlandais. L'écran va à la fois servir à afficher la traduction pour les Français que nous sommes, mais il sera aussi le power point de support du cours. Le professeur reprenant parfois les mots en français comme pour s'assurer que tous suivent bien, où soulignant la subtilité d'une expression en flamand ou en flamand. Il joue avec l'écran de traduction, le regardant, semblant le télécommander comme un vidéo projecteur de conférence. De Pauw sait que le public néerlandophone est trop peu nombreux pour lui assurer un succès notable. Il garde pourtant sa langue et joue sur le décalage linguistique avec le public. Sans cesse, les prétextes surgiront qui feront cohabiter les deux langues , traduction , besoin de se faire comprendre ou paroles rapportées...

Petit à petit, le personnage se fissure, les termites laissent place à des considérations ou des souvenirs personnels, la rivalité de deux universités l'une francophone et l'autre flamande et l'interdiction tacite à deux chercheurs de partager, mais une amitié qui s'entretient malgré tout. Le conférencier quitte sa veste, remonte ses manches. Et le public est piégé, comme quand on a lié une vague conversation dans un café avec un buveur, qui s'avine au fur à mesure de la soirée et désinhibé devient de plus en plus indécent dans ses confidences. On reste là entre compassion et sentiment d'impudeur. Dans le cas des termites, il n'y a plus d'adresse directe au public, mais ce public a été tant installé comme personnage silencieux de la pièce qu'on ne peut l'oublier. Si le spectateur en tant qu'individu ne sent pas directement concerné, il se sait en tant que membre de la communauté spectatrice deuxième interlocuteur de ce faux monologue. La musique l'accompagne dans ce sens. C'est très fort et l'on n'en sort pas indemne.



Et puis une réflexion sur cette place du néerlandais. Je suis souvent en Belgique pour des raisons familiales, professionnelles et touristiques. Comme tous les Wallons, je pense qu'il est anormal qu'une moitié d'une pays ne parle pas comme nous. Il y a la chicorée du Nord et la chicorée du Sud comme dirait Jacques Darras (dans Moi, j'aime la Belgique), qui sont chicorées égales. Mais bien sûr une des deux chicorées est beaucoup plus égale que l'autre... Je suis outrée que dans les villes flamandes on ne pratique pas le double affichage, mais que le double affichage n'existe pas en francophonie me semble normal. J'entends de mes collèges anversoises qu'elles s'adaptent... Ce spectacle m'a aussi conduite dans une remise en question : j'ai été bouleversée par un texte en flamand. Et je me suis souvenue de la chaleur des amis flamands autour de la bière fraîche les fins d'après-midi apatrides.

Et une vague envie a refait surface, qui avait déjà point un après-midi d'août à Gent (Gand) et si j'apprenais le flamand ?



Goedendag aan iedereen en mijn vriendschappen


mercredi 1 janvier 2014

empreintes : une performance des spectateurs


Une représentation étrange au Manège. L'ancien centre d'équitation a l'habitude de programmer des spectacles atypiques, c'est dans cette catégorie qu'il faut ranger « empreintes ». Spectacle d'avant les fêtes et consacré au chocolat. Une installation alimentaire ou une démonstration de design alimentaire.

Nous arrivons par la porte latérale, directement sur le plateau. Des pans de plastiques semblables à celles qui séparent les piscines intérieures et extérieures dans les centres aquatiques entre lesquels il faut se faufiler. L'entrée est une effraction. Le site est protégé, peut-être dangereux. Immédiatement, des personnages en tenue blanche fluorescent filtrent le passage dans une atmosphère noire. Il faut quitter les manteaux ou doudounes, prendre une pochette qui contient des gants et une charlotte avec visière. Une voix numérisée et impersonnelle enjoint de s'équiper avant d'entrer dans la salle de l'expérience. La pochette contient également une carte illisible dans la semi-obscurité et une cuillère en plastique. On parvient enfin derrière un nouveau mur noir (tentures ou décor en carton pâte ? ) dans la salle proprement dite. Le rideau de fer est descendu et dans le sens inhabituel de la scène un dispositif : un tapis roulant que parsèment des pastilles blanches. Quelques chaises placées de part et d'autre invitent le public à une installation bifrontale. Il n'y aura pas assez de chaises pour tout le monde. Nous décidons de rester debout pour laisser les tabourets à des personnes âgées, relativement nombreuses, ce choix s'avérera judicieux.

Pendant l'entrée des spectateurs, des faisceaux lumineux circulent sur le tapis et viennent se fixer sur les pastilles qu'ils transforment en étoiles d'une galaxie à l'envers.

Une fois le public en place, quatre « comédiens » revêtus de combinaisons type centrale atomique en décontamination se tiennent debout à chaque extrémité de la table. Les effets lumineux se poursuivent pour éclairer chaque pastille (elles sont plusieurs centaines). La voix numérisée égrène des mots étranges qui renvoient à un monde de manipulation de laboratoire futuriste. Les étapes de la transformation plasturgique se succèdent. Il s'agit en réalité de projections vidéo sur les pastilles, parfois réalistes, parfois étonnantes (des rayures ou des carreaux). A la fin de chaque étape, les spectateurs deviennent des personnages de cette immense mécaniques. Ils ont invités à agir sur les éléments qui ont reçu les vidéos pour en tester la qualité, et comme il s'agit de chocolat blanc, il faut le manger. Il y a alors une vague bousculade autour de la table, un peu de convivialité parfois, les spectateurs des premiers rangs tendent aux autres les produits à analyser gustativement. Puis le tapis roulant redémarre, emportant vers une caisse les restes non dévorés. Les comédiens de l'extrémité replacent alors de nouveaux produits à transformer. On déguste ainsi après les projections des pastilles de chocolat blanc, de la crème de chocolat blanc, des coques de chocolat blanc. Survient alors une catastrophe industrielle avec fumée, sirène et odeur inquiétante. Tout le monde est invité à passer dans la zone de décontamination derrière des rideaux. On traverse à nouveau des pendrillons de plastique et l'on se retrouve devant un étalage de verre de liquide fluorescent dans lequel un comédien verse des granulés qui produisent une effervescence. Du citrate de bétaine ...Quel bonheur après cette ingurgitation de chocolat. Le processus de décontamination terminé, on regagne le tapis roulant ou la phase définitive du produit est installée : des moulages de demi-fruits en chocolat blanc rempli de crèmes (la fiche cartonnée explique la composition de chaque fruit : ganache de chocolat noir, crème basilic, pignon de pin, sablé... par exemple. IL faut maintenant à chaque spectateur achever le travail de décoration à l'aide de bombes ou de poudre de colorants alimentaires, puis l'empaquetage. Certains repartent avec la praline dans une petite boîte qui porte le logo du spectacle, d'autres remis en appétit par la boisson dévorent sur le plateau...

Le propos est amusant, original et créatif. Ce qui m'intéresse le plus dans cette performance, c'est le statut du public. Il est l’élément moteur et le principal acteur de cette soirée. Il est celui qui a le plus de déplacements et le plus d'impact sur la table. Les objets qu'il ne mange pas sont conduits par le déroulement du tapis vers un gouffre où ils disparaissent irrémédiablement. Il est le seul dans la partie éclairée du plateau. Il est réduit à des yeux, des papilles et un estomac (qui peut d'ailleurs être trop chargé). Il prend en charge une partie de la performance, puisque les comédiens ne sont que les fournisseurs du tapis roulant, anonymes dans leur combinaison, silencieux, aussi blanc que le chocolat. Il est le seul à être humainement reconnaissable donc. La charlotte et les gants ne couvrent d'une minuscule partie des corps. Pourtant, je suis incapable de reconnaître les gens avec qui j'ai partagé cette expérience. L'individualisme, voire l’égoïsme, ont atteint un paroxysme à la fin. Chacun se précipitant sur le fruit à emporter, ou même le dévorant sur place pour être sûr de ne pas être lésé... L'originalité de cette performance aura été pour moi le rôle dévolu au public et l'image qu'elle en a fait surgir....






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jeudi 28 novembre 2013

Martin Crimp : play house et la ville


Je suis allée dernièrement en province pour voir d affilé deux pièces de Martin Crimp. C4est un auteur encore peu joué en France. Je l'ai découvert au cours de Jean Pierre Ryngaert. Ce professeur passionnant et enthousiaste avait parlé de Crimp et nous avait faits lire des extraits. J'ai été un peu déçue par la première pièce qui ressemblait trop à du théâtre de boulevard, avec de grands cris et des rires forcés. La deuxième, le lendemain, m'a paru plus intéressante. Est-ce que la mise en scène était plus travaillée ou est-ce que le texte était plus original ? Je ne sais pas. Mais, mais comme ce qu'avait expliqué Jean Pierre Ryngaert dans ses cours à propos de la décomposition du personnage ou la perte de valeur d'information du dialogue, on sentait bien que les personnages n'en étaient pas vraiment et qu'ils semblaient douter de leur histoire et que finalement ils n'existaient pas vraiment. En plus, c'était très bien joué. Une bonne représentation qui prouve qu'on peut voir du bon théâtre ailleurs qu'à Paris.



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