Pages

Pages

lundi 18 mars 2019

Où vont les robes la nuit ? (Dominique Sampiero)


Le silence de la nuit qui commence . Lecture du soir. Rendez-vous avec l'écriture. Une pile de livres : les obligés, les coups de cœur, les arrivés là on ne sait pas comment ni pourquoi. Deux gagnent la bataille et sur la ligne finale n'arrivent pas à se départager. Parier sur leur envie de s'affronter.
L'anthologie Beauté éphéméride pour chanter la vie préparée par Bruno Doucey et Thierry Renard
Où vont les robes la nuit ? De Dominique Sampiero
Le premier est une somme, l'autre un de ces opuscules qu'il faut dénicher dans les rayons des libraires que ne savent le classer : roman, nouvelle, poésie ou récit de vie .
S'attaquer d'abord à la somme, y picorer. Des pages pleines d'une écriture dense, parfois une rupture qui veut donner la photographie d'une poésie. Des auteurs que je connais, d'autres dont j'ai déjà lu des textes... Pas de souffle, pas de rythme. C'est un travail colossal, impressionnant. Le livre me tombe des mains, énorme et pléthorique. Les textes à ne savoir que faire, des textes à ne savoir qu'en faire.. Les lire ? À haute voix ? Pour soi ? Pour les autres ? Les piller pour tromper l'appétit de l'ogre poésie qui gronde depuis qu'il a vu la pile de livres. Abandon.
Je prends le livre de Dominique Sampiero. Livre fragile et quasi impondérable comme l'écriture qu'il enlace. De petits textes, justifiés, qui occupent le milieu de la page sur quelques lignes. Un, puis l'autre, et le livre me tombe des mains. Fulgurance de la poésie. Elle est là, dans les mots, les réticences, les images, les rythmes. Est-elle forme ou contenu ? Forme, je crois, forme (forma en latin désigne la Beauté) Elle dévore et explose, vous dérange. Plus en 3 lignes qu'en un long texte. Cette poésie, sans s'en donner l'air, vous foudroie. La beauté d'une fleur, la blessure d'une fleur. La beauté a-t-elle résolument fui les parcours officiel, balisé, labellisé ? Elle est là insolente d'ingénuité, de simplicité, d'humilité, de pudeur. Sa voix sort de l'écriture, la double, la remplace. Le thème est noir, triste, même s'il ne s'avoue pas directement, se faufile, se confie autant qu'il se défie. Mais l'écriture est lumineuse. Elle s'installe en vous, vous appelle d'une page à l'autre. Je repose sur la pile l'anthologie colossale qui a réussi à canaliser et à définir la Beauté. L'autre livre, où vont les robes la nuit ?, m'accapare, je le lis, le relis, à l'endroit, à rebours. Je vis ma nuit en parallèle de la nuit félonne de 14 février qu'il transcrit. Abîme. La poésie est abîme qui nous conduit au secret de nous-mêmes.