Spectacle à la Colline, une tournée
après une présentation en Avignon l'été dernier.
Une impression mitigée parce que
faussée par le souvenir encore vivace de la lecture faite par
Jacques Bonnaffé, il y a peu de mois.
Des choses merveilleuses : une
projection panoramique d'un étang en forêt au fil des saisons, avec
des images qui s'accélèrent et tournent à la folie, au subliminal.
Etang qui se superpose à celui évoqué par Thoreau. Un piano qui
devient autonome, joue seul et finit par se détruire au plus fort
d'un moment intense. Une projection d'avatars qui assument les
déplacements des comédiens demeurant statiques. Voix des comédiens
sur scène (par voix amplifiée) et bulles pour faire parler les
avatars. Des doutes qui naissent (est-ce l'avatar ou le comédien qui
bouge) quand les deux sont si étroitement en surimpression qu'on ne
peut les différencier.
Un moment très intéressant aussi :
la traduction informatique du texte de Thoreau en français et les
aberrations que génèrent ce type de traduction. Un texte devenu
totalement absurde que les comédiens après une première surprise
jouée, déclament comme s'il s'agissait d'un travail de qualité.
D'autres passages plus dérangeants,
parce qu'il vient se heurter au travail de Jacques Bonnaffé.
Jean,-François Peyret n'était pas dans la galerie, mais les deux
artistes ont si souvent travaillé ensemble et notamment sur des
lectures, qu'on peut aussi bien voir une imitation de l'un par
l'autre qu'une osmose si complète qu'ils se rejoignent dans leur
production.
Dès lors une comparaison se fait entre
les techniques utilisées, les méthodes, les trouvailles...
Les acteurs reprennent les phrases des
autres pour y ajouter ou y modifier un mot minuscule (parfois /
de temps en temps, …) comme une rectification sensée apportée un
nouvel éclairage ou pour au contraire rendre ridicule l'orthodoxie
de certains traducteurs ? Jacques Bonnaffé reprenait des
passages, pour déplacer une virgule, une respiration, pour ajouter
ou enlever une intention....Le texte peut ainsi être lu plusieurs
fois, chaque nouvelle lecture enrichissant ou déformant la
précédente, conduisant sur une pluralité de compréhension...
Les comédiens de Jean François Peyret
semble découvrir des citations dans des emballages de carambar.
Thoreau est-il un auteur de blagues de mauvaise qualité, ou cela
est-il destiné à souligner le décalage entre une pensée profonde
et l'usage qui en est fait. Les comédiens mâchent à la fois le
texte et les confiseries qu'ils déballent. La prononciation s'altère
autant que le propos. Intéressant.
Mais combien plus riche la proposition
faite par Jacques Bonnaffé. Les papiers chiffonnés comme
ressuscités après un premier abandon et retrouvant la force de
l'écriture, ou les phrases écrites sur des morceaux de cartes
routières, pour un auteur qui a abandonné la route et qui demande
plusieurs fois dans le livre où se trouve tel ou tel endroit. Une
carte... chiffonnée, comme son renoncement à un monde trop
balisé....
Je en parlerai pas du rapport au
public, il y a là trop concepts mis en jeu de chaque côté.
On ne peut pas comparer deux approches
aussi différentes et aussi cousines de l'oeuvre de Thoreau. Le tort
principal pour moi est d'être allé voir les deux spectacles dans un
intervalle aussi court.