Réparer les vivants.
Non pas une réécriture
dramatique mais une adaptation théâtrale, partition pour 1 seul
interprète.
Inutile de présenter le
roman de Maylis de Kerangal, qui a connu un succès mérité et dont
une version cinématographique va sortir prochainement.
« Réparer les
vivants » fait allusion à une citation de Platonov de
Tchekhov, prononcée à la toute fin du spectacle, comme elle figure
dans le livre.
La version d'Emmanuel
Noblet respecte à la fois la chronologie du texte et la course
contre la montre pour la transplantation d'un organe d'un patient
décédé à un patient en attente.
Le spectacle respecte
aussi la foison de personnages et d'histoires individuelles qui
gravitent autour de la mort cérébrale de Simon Limbres.
Un seul comédien sur
scène, presque toujours en face à face avec le public. Pas
d'accessoire ni de décor, ou si peu... Deux chaises qui se
transforment ou qui ponctuent et rythment l'action.
L'écran de fond de scène
martèle l'avance du temps, ou proclame le non-dit : les textes
de lois, les mails, les dossiers...
Les personnages se
succèdent, différents par une attitude, un geste, un vêtement, un
accessoire, un jeu de lumière... dans une connivence partagée.
« je deviens maintenant X... » « Tiens l'acteur
nous montre maintenant X... et nous acceptons de le croire dans ce
changement.» Par de sur-interprétation, une phrase du roman apporte
le geste connoté ou les pensées qui animent le personnage. Il n'est
donc pas utile de les montrer dans le jeu.
La force de ce spectacle
tient surtout dans la volonté de restituer le roman dans son
écriture. De ne pas en faire du théâtre. La tentation est
présente : des voix off viennent dialoguer avec l'unique
interprète. Des scènes sont rejouées, le comédien assumant les
différents personnages (Juliette et Simon par exemple).
Non je le dis la force de
ce spectacle est de ne pas être « théâtral » dans le
mauvais sens du terme. Jamais, il n'est fait appel au pathétique,
aux sentiments de la passion. Tout est en retenu. Le récit jouxte le
dialogue, s'y mêle, sans dérouter le spectateur. On est presque à
la limite du conte.
La voix dit, raconte et
le corps vient la soutenir au besoin.
Le spectateur est posé
sur scène, à la limite de la scène, dans son statut de spectateur
et surtout dans son statut d'auditeur. Les personnages semblent
parfois faire partie de lui et il se trouve alors confronté (sans
avoir le droit d'oraliser son avis) aux choix, aux hésitations et
aux décisions...
Réparer les vivants,