Mais
cette puissance peut avoir sa contre-partie, c'est la constatation
que fait Serge Rezvani : « Soit
on détend par l'oralité des textes faits pour la réflexion, le
silence et la recherche approfondie ; soit on endort, jusqu'à
l'hypnose profonde parfois, la pensée en produisant du pur bougé. »1
Quoiqu'il
en soit, le théâtre et plus spécialement les spectacles fondés
sur le texte et la parole « réalise[nt] cette opération dans
laquelle une communauté réunie accepte ce débordement et regarde
sa langue sans se résoudre à la solution facile du sens -autrement
dit, dans une entrée spirituelle qui n'est pas forcément d'ordre
confessionnel »2
Cette
dernière citation insiste en partie sur la « communauté
réunie » par l'acte de parole, proférée et écoutée. Il ne
faut pas négliger le rôle unificateur de cette parole, de ce verbe
autour du texte qui soude l'assemblée des participants. Denis
Guénoun constate : « Comme si, au théâtre, il n'y avait
finalement rien d'autre à entendre que l'écoute, comme si la voix
de l'acteur n'était en somme que le bruit produit par l'attention
des spectateurs, la musique de leur écoute. »3
Paul
Zumthor avait avancé une idée assez similaire à propos de la
poésie dite : « Le
son vocalisé va de l'intérieur à l'intérieur, lie sans autre
médiation deux existences »4
C'est aussi le cri global de la
meute qui marque son appartenance au groupe.
« Etre-ensemble
dans l'ambiance vocale constitue une sorte de partage . »5
« le partage phono-esthétique est affectif : la qualité de
l'ambiance vocale affecte les sujets ».6
1
Serge REZVANI, Théâtre:
dernier refuge de l'imprévisible poétique. Arles,
Actes Sud papiers, 2000, p. 123
2Christian
SCHIARETTI, « théâtre et poésie », in Etats
provisoires du poème N°10, Le
Chambon-sur-Lignon, TNP / Cheyne, 2010, p. 159
3
Daniel MESGUICH, L'éternel éphémère, Verdier,
2006 (2ème édition), p. 31
4
Paul ZUMTHOR,
Présence de la voix, introduction à la poésie sonore,
Paris, Le Seuil, 1983, p. 14
5Herman
PARRET, La voix et son temps, Bruxelles,
De Boeck Université, 2002, p. 143
6Herman
PARRET, La voix et son temps, Bruxelles,
De Boeck Université, 2002, p. 143