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mardi 31 mai 2016

la maison de Matriona (Alexandre Soljenitsyne / Alicya Karsenty)

La maison de Matriona est une nouvelle de Soljenitsyne assez neuve en France, mais qui semble faire partie des textes les plus lus en Russie. Une amie de Saint-Pétersbourg, installée en France depuis longtemps (elle a quitté Pétrograd) m'a sidérée en discutant avec moi de la nouvelle qu'elle connaissait apparemment par cœur.
Toujours est-il que les Français vont avoir l'occasion de la découvrir, puisqu'une jeune metteure en scène, Alicya Karsenty est en train de la monter après en avoir commandé une nouvelle traduction.
Je ne peux présager de ce que donnera le travail final. J'ai eu la chance d'assister à la présentation d'une étape intermédiaire à l'issue d'une résidence.
J'ai énormément apprécié cette restitution.
Ils étaient 4 autour d'une table : trois de face et 1 de profil, texte devant eux, parfois soulevé, parfois laissé sur la table. Les feuillets tournaient comme un défilement de l'histoire et du temps de la l'action comme de la représentation. Ce texte a-t-il fait « écran » (voir les ruminations) par sa présence matérielle sur le plateau ? Je ne pense pas, parce que le contact visuel était toujours maintenu grâce au nombre des lecteurs. Une accordéoniste, un peu ne retrait, complétait la distribution.
Si le texte au début semblait se répartir de façon aléatoire, très vite des figures et des rôles se formaient. On distinguait des autres l'instituteur et Matriona, plus assumés qu'incarnés, même s'ils prenaient aussi en charge des parts de descriptions ou de commentaires, apportant une distanciation indispensable dans cette nouvelle. Le sordide était pourtant exploité (avec un jeu plus extériorisé à la limite du « grand guignol ») dans un passage proche de la fin de la nouvelle.
Des chants traditionnels surgissent parfois d'un mot, d'une situation, d'un sentiment, naissant presque derrière l'écoute, pour l'emplir totalement, aidés par l'accordéoniste. Un ancrage dans le folklore russe qui n'est pas anecdotique, ni artificiel, mais rappel que le texte de Soljenitsyne ne saurait être lu aseptisé, arraché à la culture russe.
Il me reste de cette lecture l'image puissante d'un quatuor. A cause du nombre des interprètes certes, à cause de leur position en demi-cercle aussi, à cause de leur tessiture (soprano, alto, ténor, basse) surtout, à cause enfin de l'alternance entre soli, duos et moments choraux.
Une seule question m'était restée : la distance entre le début de la lecture et la fin.Soljenitsyne a voulu, je ne l'ai compris que bien plus tard, après mon retour chez moi, faire un effet que la longueur du texte (environ une heure) dilue et désamorce... Que faut-il en faire ? 


Manon Choserot, Heléne Juren, Fred Pougeard, Frédéric Révérend, Ludivine Thomas. mise en scène Alicya Karsenty. Cie Les Forêts.