Hotel modern est une compagnie qui
s'est spécialisée dans le théâtre d'objets. Elle a connu un
succès mérité, il y a quelques années, avec « la grande
guerre ».
De nombreuses traces persistaient sur
Internet et j'avais étudié le pièce (à partir d'archives) avec
David Lescot, spécialiste du théâtre de la guerre. Inutile donc de
vous dire la joie que j'ai éprouvée, en avril quand j'ai appris que
Hotel modern interviendrait pour deux représentations à Reims, dans
le cadre des cérémonies de commémoration. Un collègue très
branché « centenaires » m'a rejointe.
Enfin, voir en vrai ce que je ne
connaissais que par photographies ou micro-enregistrement. Pas trop
loin de la scène : je veux voir le résultat, mais je veux
aussi comprendre les moyens. Surprise : le texte lu en direct
est en français. Ils sont 4 sur le plateau. 3 qui se partagent la
lecture et les manipulations, un 4ème qui assure les bruitages. Les
textes ne diffèrent guère de ceux qu'on entend d'habitude.
L'intérêt vient des moyens rudimentaires mis en œuvre pour recréer
les tranchées, les villages en feu, les bombardements, les
destructions, la mort, la boue, la putréfaction. Tout est filmé en
direct par les manipulateurs et projeté sur un écran qui occupe le
fond de scène. Les mains apparaissent parfois comme des personnages
à par entière au milieu des figurines, sans créer un sentiment de
gêne. La manipulation se fait « à vue ». La projection
alterne couleurs et noir et blanc, pour donner un point de vue ou un
autre. Je regarde à peu près autant l'écran que les objets ou les
mouvements des interprètes. Le décalage entre ce qui est utilisé
et ce qui est produit me fascine, rendant plus puissant l'effet
obtenu. Cela fourmille d'imagination, de créativité, d'observation,
de recherche. A la fin on nous invite à venir sur le plateau pour
une meilleure prise de conscience du travail. On peut même parler
avec les manipulateurs ou s'exercer à un mouvement des figurines.
Quand nous sortons, mon collègue me
dit « je ne suis jamais rentré dans un spectacle au théâtre. »
Moi je n'y suis rentrée que dans la
mesure où j'ai joué le jeu du « je sais que ce n'est pas
vrai, mais faites comme si... Faites moi croire que vous croyez que
je suis dupe... » J'ai regardé le travail d'artiste, mon
collègue a regardé l'écran. IL n'a pas assisté à un théâtre
d'objets, il a suivi un film d'animation. Nous avons vu deux
représentations différentes. En tant que spectateur de cinéma
(d'animation), il a été happé par l'image de l'écran, en tant que
spectatrice consciente, je suis restée en partir extérieure. La
présente de l'écran a créé une part de distanciation qui m'a mise
en position critique. J'ai admiré le travail élaboré et mon esprit
aiguisé par la nécessité d'aller au-delà m'a conduite à penser
« ah oui, c'était cela. Ils ont bien retrouvé comment me le
faire éprouver », sans me laisser piéger par l'image
conventionnelle finalement, très apparentée à un documentaire
comme on en voit beaucoup.
Qui de nous deux était sur le bon
parcours ? Il reste vrai que ce spectacle qui ne se jouera très
peu en France est à ne manquer sous aucun prétexte....