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lundi 15 décembre 2014

Hotel modern : la grande guerre - critique


Hotel modern est une compagnie qui s'est spécialisée dans le théâtre d'objets. Elle a connu un succès mérité, il y a quelques années, avec « la grande guerre ».

De nombreuses traces persistaient sur Internet et j'avais étudié le pièce (à partir d'archives) avec David Lescot, spécialiste du théâtre de la guerre. Inutile donc de vous dire la joie que j'ai éprouvée, en avril quand j'ai appris que Hotel modern interviendrait pour deux représentations à Reims, dans le cadre des cérémonies de commémoration. Un collègue très branché « centenaires » m'a rejointe.



Enfin, voir en vrai ce que je ne connaissais que par photographies ou micro-enregistrement. Pas trop loin de la scène : je veux voir le résultat, mais je veux aussi comprendre les moyens. Surprise : le texte lu en direct est en français. Ils sont 4 sur le plateau. 3 qui se partagent la lecture et les manipulations, un 4ème qui assure les bruitages. Les textes ne diffèrent guère de ceux qu'on entend d'habitude. L'intérêt vient des moyens rudimentaires mis en œuvre pour recréer les tranchées, les villages en feu, les bombardements, les destructions, la mort, la boue, la putréfaction. Tout est filmé en direct par les manipulateurs et projeté sur un écran qui occupe le fond de scène. Les mains apparaissent parfois comme des personnages à par entière au milieu des figurines, sans créer un sentiment de gêne. La manipulation se fait « à vue ». La projection alterne couleurs et noir et blanc, pour donner un point de vue ou un autre. Je regarde à peu près autant l'écran que les objets ou les mouvements des interprètes. Le décalage entre ce qui est utilisé et ce qui est produit me fascine, rendant plus puissant l'effet obtenu. Cela fourmille d'imagination, de créativité, d'observation, de recherche. A la fin on nous invite à venir sur le plateau pour une meilleure prise de conscience du travail. On peut même parler avec les manipulateurs ou s'exercer à un mouvement des figurines.

Quand nous sortons, mon collègue me dit « je ne suis jamais rentré dans un spectacle au théâtre. »

Moi je n'y suis rentrée que dans la mesure où j'ai joué le jeu du « je sais que ce n'est pas vrai, mais faites comme si... Faites moi croire que vous croyez que je suis dupe... » J'ai regardé le travail d'artiste, mon collègue a regardé l'écran. IL n'a pas assisté à un théâtre d'objets, il a suivi un film d'animation. Nous avons vu deux représentations différentes. En tant que spectateur de cinéma (d'animation), il a été happé par l'image de l'écran, en tant que spectatrice consciente, je suis restée en partir extérieure. La présente de l'écran a créé une part de distanciation qui m'a mise en position critique. J'ai admiré le travail élaboré et mon esprit aiguisé par la nécessité d'aller au-delà m'a conduite à penser « ah oui, c'était cela. Ils ont bien retrouvé comment me le faire éprouver », sans me laisser piéger par l'image conventionnelle finalement, très apparentée à un documentaire comme on en voit beaucoup.

Qui de nous deux était sur le bon parcours ? Il reste vrai que ce spectacle qui ne se jouera très peu en France est à ne manquer sous aucun prétexte....