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lundi 16 février 2015

critique : Guerre et paix à la Comédie de Reims

La Comédie de Reims organise actuellement un festival « guerre et paix ». La ville de Reims est en tête numériquement et artistiquement des manifestations liées à la commémoration de la Grande Guerre... Les spectateurs y frôlent l'overdose : « Heureusement, on n'en a que pour 4 ans... »
Ce week-end, j'y suis allée pour assister à un débat formidable d'inepties. Il y avait pourtant là un universitaire connu et reconnu....
Le débat s'intitulait « l'art et la guerre ». Mais au vu des invités, il était clair que ce serait plutôt « le théâtre et la guerre ». J'ai souvent eu l'occasion de dire à quel point je regrettais l'inculture (l'illettrisme serait sans doute un peu exagéré) de bon nombre d'acteurs et de metteurs en scène. Quand ils interviennent pour une interview, cette carence passe inaperçue, mais quand ils participent à un débat …. autorisez-moi un silence de bienséance.
Nous avons pu ainsi découvrir que la Grande Guerre était celle de Bosnie, que la seule guerre actuelle se déroulait dans et à proximité des stades de football, que la choralité était née du besoin de représenter la guerre.
M. Lagarde a expliqué le dilemme où il se trouvait à cause des attentats puisqu'il montait une pièce qu'il avait commandée sur le terrorisme et que les circonstances la rendaient injouable.
Je sais que les metteurs en scène se croient démiurges, je les imagine plus utopistes, mais ceux qui étaient présents sur le plateau étaient visiblement persuadés que le monde naissait de leur œuvre programmée au festival.
L'originalité de « représenter » la guerre ? Eschyle Les Perses : faire parler dans un théâtre athénien les vaincus d'une bataille toute proche, les montrer dans l'attente de l'issue d'un combat dont les spectateurs connaissait la réalité, en faire une tragédie, pleine de lamentations... Cela était fort et puissant.
Et tous ceux qui ont traité la guerre dès la Révolution française et les guerres napoléoniennes : Grabbe par exemple. Le théâtre de la guerre n'est pas né au XX ème siècle. Que dire d'Homère ? Ne faisait-il pas entrer la guerre dans les palais attiques, dans la forme minimale que prenait le théâtre de l'époque ? Et les gestes dans les châteaux médiévaux : Chanson de Roland ou Geste de Raoul de Cambrai … La première parole non utilitaire a peut-être été le récit d'un combat, d'une victoire....
Peut-on parler de théâtre de la guerre sans évoquer Hanoch Levin, Le Groupov, Hotel Modern...
Le terrorisme ? Camus et Sartre en faisant jouer respectivement Les justes et Les mains sales se posaient-ils la question de la bienséance ? N'y a-t-il plus dans le théâtre le besoin d'urgence qu'il y avait à l'époque d'Eschyle ? A-t-il perdu tout pouvoir de catharsis ?
Apporter le rire dans le récit de la guerre... Mais que faire alors de la somme théâtrale de Karl Kraus Les derniers jours de l'humanité ? Écrit pratiquement au jour le jour pendant la Grande Guerre, avec une regard d'une ironie et d'insolence que n'auraient pas reniées les plus engagés des journaux satiriques.
Quant à la choralité, il suffit de lire les ouvrages de Jean-Pierre Sarrazac, de Joseph Danan, de Jean-Pierre Ringaert, de Robert Abirached et de tant d'autres, pour y voir non la solidarité des combattants, mais une conséquence de la déliquescence du personnage de théâtre et elle ne s'applique pas qu'au théâtre de la guerre.
M. Banu fut autrefois mon professeur, je ne comprends pas comment il a pu cautionner de telles aberrances, à quel prix ?
Je ne suis pas allée voir les pièces proposées dans la suite de l'après-midi et de la soirée. Mieux vaut perdre de l'argent que de (à nouveau silence de bienséance)

Si vous avez eu la chance de ne pas avoir fait des kilomètres , de ne pas avoir assisté à ce pseudo-débat, je vous conseille, si le sujet vous intéresse, trois excellents ouvrages de David Lescot :

Dramaturgies de la guerre (Circé)
Une guerre qui n'en finit pas. (Complexes eds)
Les mises en scènes de la guerre (Nouveau Monde éditions)


Vous pouvez aussi lire ses pièces de théâtre. C'est un auteur à ne pas omettre....  

lundi 15 décembre 2014

Hotel modern : la grande guerre - critique


Hotel modern est une compagnie qui s'est spécialisée dans le théâtre d'objets. Elle a connu un succès mérité, il y a quelques années, avec « la grande guerre ».

De nombreuses traces persistaient sur Internet et j'avais étudié le pièce (à partir d'archives) avec David Lescot, spécialiste du théâtre de la guerre. Inutile donc de vous dire la joie que j'ai éprouvée, en avril quand j'ai appris que Hotel modern interviendrait pour deux représentations à Reims, dans le cadre des cérémonies de commémoration. Un collègue très branché « centenaires » m'a rejointe.



Enfin, voir en vrai ce que je ne connaissais que par photographies ou micro-enregistrement. Pas trop loin de la scène : je veux voir le résultat, mais je veux aussi comprendre les moyens. Surprise : le texte lu en direct est en français. Ils sont 4 sur le plateau. 3 qui se partagent la lecture et les manipulations, un 4ème qui assure les bruitages. Les textes ne diffèrent guère de ceux qu'on entend d'habitude. L'intérêt vient des moyens rudimentaires mis en œuvre pour recréer les tranchées, les villages en feu, les bombardements, les destructions, la mort, la boue, la putréfaction. Tout est filmé en direct par les manipulateurs et projeté sur un écran qui occupe le fond de scène. Les mains apparaissent parfois comme des personnages à par entière au milieu des figurines, sans créer un sentiment de gêne. La manipulation se fait « à vue ». La projection alterne couleurs et noir et blanc, pour donner un point de vue ou un autre. Je regarde à peu près autant l'écran que les objets ou les mouvements des interprètes. Le décalage entre ce qui est utilisé et ce qui est produit me fascine, rendant plus puissant l'effet obtenu. Cela fourmille d'imagination, de créativité, d'observation, de recherche. A la fin on nous invite à venir sur le plateau pour une meilleure prise de conscience du travail. On peut même parler avec les manipulateurs ou s'exercer à un mouvement des figurines.

Quand nous sortons, mon collègue me dit « je ne suis jamais rentré dans un spectacle au théâtre. »

Moi je n'y suis rentrée que dans la mesure où j'ai joué le jeu du « je sais que ce n'est pas vrai, mais faites comme si... Faites moi croire que vous croyez que je suis dupe... » J'ai regardé le travail d'artiste, mon collègue a regardé l'écran. IL n'a pas assisté à un théâtre d'objets, il a suivi un film d'animation. Nous avons vu deux représentations différentes. En tant que spectateur de cinéma (d'animation), il a été happé par l'image de l'écran, en tant que spectatrice consciente, je suis restée en partir extérieure. La présente de l'écran a créé une part de distanciation qui m'a mise en position critique. J'ai admiré le travail élaboré et mon esprit aiguisé par la nécessité d'aller au-delà m'a conduite à penser « ah oui, c'était cela. Ils ont bien retrouvé comment me le faire éprouver », sans me laisser piéger par l'image conventionnelle finalement, très apparentée à un documentaire comme on en voit beaucoup.

Qui de nous deux était sur le bon parcours ? Il reste vrai que ce spectacle qui ne se jouera très peu en France est à ne manquer sous aucun prétexte....