Après-midi d'été.
Bretagne... Pas la mer. Non, la forêt.... Elle a vu hier Tristan et
Iseult dans les ruines d'un château...son et lumière, de l'autre
côté des douves ... sur les gradins. La mort des amants... Les
fusées multicolores zébrées d'orage. La pluie pour sortir trop
tôt... avant que la barque qui les emmène n'aie totalement disparue
derrière la tour ronde...Le tonnerre qui surpasse la musique de
Wagner et vole l'émotion. Il avait fallu courir quand elle voulait
marcher au pas de l'amour éternellement bref.
Elle n'a pas eu envie
d'aller à la plage malgré le ciel redevenu serein... Sur un tract
de l'office de tourisme, un parcours.... parcours souvenir, hommage,
pèlerinage... Pas la plage, non, la forêt... Celle de Brocéliande
et de ses sites qui parlent à l'imagination : fontaines, étangs
, chemins, tout rappelle la légende arthurienne. Il y aurait même
un arbre d'or.... Elle ne connaît pas grand chose de la légende...
un peu par le Film Excalibur.... chevauchées, musique celtique et
paysages d'Irlande...Quelques connaissances en surface, surtout
issues de films anciens, à la magie simple mais efficace. Merlin,
Lancelot, Galaad qui a vu le Graal et en est mort parce que les dieux
n'aiment pas qui cherche à les égaler... et que la mort récompense
ceux qui touchent à l'immortalité.
Elle arrive au milieu de
nulle part... Un amas de pierres.... Des milliers de papier à
l'écriture malhabile volent partout. Un côté favella ou rue de
d'après-carnaval....Elle en prend un et le déchiffre : un vœu
d'enfant, aussi beau qu'impossible. Une classe a dû venir là... Un
autre attire sa main, plus grand, plus coloré, avec un crayonnage de
couleurs. « Merlin, je voudrais devenir princesse ». …
Un jeune homme est à côté d'elle... Un jeune homme qu'elle n'a pas
entendu arriver.. un jeune homme si frêle qu'un souffle de vent
l'époussetterait... jeune... si jeune qu'il ne doit guère être
plus vieux que ceux qui ont écrit les papillotes... blond comme on
ne l'est pas... avec des yeux de lumière... Un jeune homme en même
temps si quelconque qu'elle ne pourrait le décrire...
Sacrilège... il prend le
papier, le lit, rit, un rire d'enfant, de cascade d'hiver, de vent
dans un attrape-rêve, un rire qui appartient aux souvenirs de nos
tout premiers temps. Il prend le dessin et s'en va...Elle n'a pas
bougé. Un coup de vent malmène les vœux enfantins... Le ciel a
pris des tons de nuit. Elle se souvient d'une légende lue sur un
panneau quelques sentiers avant. Le Val sans retour où Morgane
emprisonnait les chevaliers égarés. Elle n'est pas un chevalier et
Morgane ne la poursuivrait pas, mais elle a déjà subi l'orage
hier... Alors elle se presse, son plan délavé et détrempé ne peut
plus la guider. Elle se fie aux pancartes et regagne plus vite
qu'elle ne pensait sa voiture...reprend la route, arrive à un
château, celui de la Dame Blanche...la pluie drue l'oblige à
s'arrêter. Prendre le temps d'une visite.
Des personnages en
costumes l'accueillent. On faisait des photos dans le parc, pour des
cartes postales...l'ambiance est au Moyen Age... Des panneaux sur les
murs des couloirs ou de la salle évoquent la légende arthurienne.
Merlin, avec son bon visage de vieillard chenu et espiègle, lui
sourit. Elle s'attarde sur le panneau. Un petit encadré :
« Merlin, selon certains ouvrages, peut apparaître également
sous la forme d'un jeune homme blond. ». Elle se rapproche des
responsables de l'exposition. Ils ne semblent pas connaître cette
version. Le texte a été écrit par un groupe de chercheurs de
plusieurs pays concernés par la légende... On s'aperçoit alors
qu'elle est trempée. On va chercher une serviette au poste de
maquillage, on lui propose une boisson chaude, un siège... Elle
raconte qu'elle a été surprise par l'orage dans la forêt à...
au.... près de..... Elle décrit les pierres, la clairière, les
papillotes. Tout de suite on la rassure. Elle n'était pas perdue.
Elle était au tombeau de Merlin....