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dimanche 27 novembre 2016

l'âge des héros mythiques

Je travaille en ce moment sur les grands mythes et leur remise en écoute pour le public d'aujourd'hui. 
L'un des plus gros problèmes que nous rencontrons est l'âge que nous donnons aux personnages. On ne fait pas parler ou agir de la même façon un jeune homme et un homme mûr ... La situation est encore plus criante quand il s'agit d'un personnage féminin. 
J'en discutais avec un comédien qui interprétait Thésée en Avignon cet été. Le problème s'est à nouveau posé de façon plus directe pendant le festival du conte. Quel âge doit-on donné aux héros des grands mythes de l'antiquité. 
Pour les personnages de l'Odyssée, Homère a devancé la question. Il est assez précis sur l'âge de ses personnages : Ulysse part à 20 ans environ et revient à 40...
Mais Phèdre ou Œdipe ? 
Nous nous sommes accoutumés à voir les grands rôles interprétés par des comédiens de renom, des comédiens qui ont du métier et souvent de l'âge : Pavarotti chanta Roméo à une âge qui n'était plus celui du rôle ...Il faut "avoir de la bouteille" pour s'attaquer à un tel personnage. La Callas peut aussi dans cet esprit servir de modèle... 
Depardieu en Cyrano a du coffre et de l'expérience, mais est-il crédible au-delà ? 

Cette habitude a changé notre vision des personnages et a changé les personnages eux-mêmes. 
Phèdre amoureuse de son beau-fils... Mais quel âge a Phèdre ??? Je crois qu'elle n'est guère plus vieille qu’Hippolyte, peut-être même est-elle plus jeune... Thésée est parti en Crète pour tuer le Minotaure et délivrer la Grèce du tribu de chair fraîche qu'elle doit verser au roi de Crète. Ariane lui confie le fil qui lui permet de sortir du labyrinthe son exploit accompli. Elle doit fuir avec lui pour cette trahison, et s'embarque accompagnée de sa jeune sœur Phèdre. Thésée en  chemin, préférera la cadette et abandonnera l'aînée à Naxos. On ne peut pas imaginer que des princesses d'une quarantaine d'années n'aient trouver ni l'une ni l'autre un mari ....Thésée laisse sa femme en Grèce et repart pour une mission aux Enfers. Il n'est pas parti aussi longtemps qu'Ulysse...Mais admettons qu'il soit parti quelques années. Cela ne semble toutefois guère possible car lorsque Phèdre entre dans Athènes au bras de Thésée "Athenes me montra mon superbe ennemi, je le vis, je rougis, je pâlis à sa vue". Elle ne peut pas avoir le coup de foudre pour un bambin dans les bras de sa nourrice. Quand Phèdre arrive à Athènes elle est très jeune et tombe amoureuse d'un jeune homme. Phèdre et Hippolyte ont le même âge.... Racine ne s'occupe pas d'une crise de la cinquantaine d'une aristocrate qui s'ennuie mais de deux jeunes gens ... 
Oedipe / Si l'on suit la règle générale qui veut qu'Oedipe ait 50 ans... Cela suppose que Jocaste a au minimum 66 ans (ce qui explique peut-être pourquoi elle n'apparaît souvent pas) Avoir 66 ans est un bel âge dans l'Antiquité grecque où l'espérance de vie est moins longue que de nos jours. Et à 66 ans, elle se pend dans sa chambre, elle est encore agile ... Les jumeaux ennemis ont donc pas loin de la trentaine, vous confondez avec le Prince Charles ou avec Tanguy... Et Antigone doit être une frêle jeune fille de 25 /28 ans... qui redoute son oncle... et qui n'a pas encore fait sa vie...  Cela paraît bien peu vraisemblable.. 

Pourtant quand on veut rendre la jeunesse qui est la leur aux personnages, on se fait traître d'iconoclaste... Où est l'erreur ?? 




samedi 5 novembre 2016

l'art de la comédie (critique)

L'art de la comédie. Le titre est alléchant. Eduardo de Filippo, l'auteur ajoute au plaisir qu'on se promet en allant voir la pièce. Le théâtre qui parle de lui même n'est pas rare, mais il est tout de même moins fréquent que la poésie qui parle d'elle-même.
Voyons le sujet : un directeur de troupe dont le théâtre a été détruit par un incendie se rend chez un préfet pour lui demander son soutien : assister à une représentation qu'il veut donner au théâtre municipal. Devant le refus du préfet, le directeur lui laisse entendre qu'au place des solliciteurs qu'il doit recevoir, il verra défiler les comédiens de sa troupe qui lui donneront la comédie de la vie. Que croire alors ? Et comment répondre aux demandes ridicules ou horribles ?
Oui une bonne soirée en perspective.
La pièce dure 1 h 50. C'est long.
La première partie entre le préfet et le directeur de théâtre est un catalogue de clichés et d'idées reçues, assénées sans autre forme de conviction qu'un jeu un peu forcé et qui part facilement dans la vocifération : le pouvoir doit crier pour se faire entendre, la vérité aussi. On attend avec impatience le moment où ce débat cent fois entendu va enfin se coltiner avec la réalité ou la fiction.
C'est tout le propos de la seconde partie. Les personnages viennent en tant que personnages ou en tant que personnages-comédiens jouant des personnages. (C'est une construction en abyme comme les aime le théâtre qui se regarde le nombril).
Le préfet doute : réalité ou fable ? Il a tort. Les vociférations et le sur-jeux des comédiens ne laissent aucun doute. Le doute du préfet se manifeste alors par de nouvelles vociférations. Bref ça crie beaucoup. Les comédiens ne se limitent pas à crier, ils jouent avec une frénésie qui achèvent de faire disparaître les subtilités du texte. Là où Eduardo de Filippo voulait montrer dans une forme populaire le tutoiement du théâtre avec la ligne de la vérité pure, Patrick Pineau (le metteur en scène) demandent aux interprètes d'offrir des fantoches auxquels on ne croit pas et qui n'attirent aucune sympathie. La farce devient bourgeoise et intellectuelle... et échappe à son écriture.
La scénographie renforce encore le sentiment de malaise qu'on éprouve pendant le spectacle. Le plateau est vide hors des grilles ou claustra de fer qui délimitent des espaces et un gril qui surplombe tout le plateau que les acteurs arpentent avec force de résonances métalliques qui parviennent à couvrir les voix …. On perd encore un peu du texte ….
Et le public dans tout cela ? Vous connaissez mes dadas.... Le public est public. Il ne serait pas là que cela ne gênerait en rien la représentation. Nous ne sommes même pas en présence d'un quatrième mur. Les comédiens sont si occupés à se donner la comédie à eux-mêmes individuellement et réciproquement, que la présence de gens pour les regarder est totalement superflue.

Une belle preuve que l'attente au théâtre peut être déçue. « Bon, on peut se dire que la prochaine pièce ne pourra pas être pire » disait un spectateur optimiste en me tenant la porte à la sortie de la salle.  

jeudi 3 novembre 2016

le public du conte (rumination)

J'ai à nouveau assisté à une contée il y a quelques jours. Beaucoup de contes et de conteurs/conteuses que j'avais déjà entendus. Le public était très disparate : les parents et les grands-parents amènent leurs enfants, petits-enfants et restent (le prétexte est très gros, mais il semble qu'il y ait encore chez certaines personnes une « honte » à venir écouter des contes).
Terminons sur cette « honte », (j'ai connu cela à Lyon où une dame charmante de l'office de tourisme m'expliquait que je ne pouvais pas en tant qu'adulte assister à un spectacle de Guignol... ). Le conte a été faussement associé à l'image de la petite enfance. J'ai à mon répertoire quelques contes qui ne s'adressent pas à toutes les oreilles (contes grivois ou contes d'horreur).
Revenons maintenant à la contée, avec une question déjà soulevée dans un précédent article : un aède d'aujourd'hui : le conte peut-il être considéré comme une « performance du texte » ?
Il me semble que la réponse est négative.
J'ai le sentiment que les spectateurs ne viennent pas écouter un texte (qu'il connaisse d'ailleurs souvent où dont ils tirent vite les ficelles), mais qu'il viennent écouter un conteur (c'est à dire l'instrument par lequel le conte est leur est transmis). Ils sont un peu comme ces mélomanes qui viennent écouter un concerto qu'ils ont déjà entendu des dizaines de fois, mais qui n'ont jamais entendu les vibrations qu'un autre interprète peut faire naître, vibrations de l'interprétation mais aussi vibrations du récepteur qu'ils forment. Le contenu importe moins que le contenant.
Il s'établit par conséquent une relation entre le conteur et l'auditeur une relation particulière, individuelle, mais multiple, et aussi variée qu'il y a de spectateurs présents. La mélopée, la force des images nourrit cette relation et en fait un temps d'exception.
Les enfants n'hésitent pas à s'approprier le conteur et l'histoire en intervenant par des gestes, des prises de parole. Les adultes ont plus de mal à devenir actifs du conte qui leur est offert. Ils sont plus passifs, plus en attente. Ils peuvent réagir, mais encouragés et rassurés du fait qu'ils ne modifieront pas trop leur état d'auditeur. Leur voyage est intérieur et isolé, dans leur imaginaire profond, dans le fondement de leur rapport au monde. Ils sont en osmose avec le récit, pas avec la conteur. A la limite on est plus en présence de spectateurs «de cinéma » qu'en présence de spectateurs « de théâtre ». Il y a individuation. Un phénomène à la fois physique et intellectuel qui s'accompagne d'un empathie totale avec le conteur.
J'ai, l'autre jour, en tant qu'être humain, fait une incursion dans le conte que je donnais, j'ai senti un agacement du public que je dérangeais ; Je n'avais pas le droit à une existence autre que celle de « proférant du récit ».

Dans la performance, le public attend davantage une égalité donneur/receveur face au texte, ou tout au moins un partage.  

jeudi 20 octobre 2016

critique : la nuit sera calme

Spectacle lecture : Jacques Gambelin lit Romain Gary.
La soirée s'annonce belle. La nuit sera calme (c'est le titre du spectacle). Il a été crée en 2007 à Manosque. Cela veut dire qu'il tourne depuis près de 10 ans...
Le livre qui sert de base est un entretien fictif publié en 1976. Romain Gary imagine qu'il se confie au journaliste François Bondy, un ami d'enfance.
La langue est belle, pleine d'images, d'ironie, de raccourcis, de rappels et d'échos. Les idées n'ont pas vieilli et trouvent un écho dans les grands questions d'aujourd'hui. La truculence de certaines phrases provoque des gloussements faussement outrés à ma voisine, gloussement qui doivent parvenir sur scène car ils sont suivis d'un agacement imperceptible sur scène.
Pourtant tout est fait pour aseptiser la lecture ou du moins pour concentrer sur le texte.
Mise en scène réduite au minimum. Jacques Gambelin reste assis à un bureau pendant l'heure et demi que dure le spectacle. L'éclairage bleu ne laisse en couleur chaude que le rectangle occupé par le comédien qui est un « tronc » qui bouge un peu les bras, qui boit un verre d'eau (très lentement et à plusieurs reprises). Il répond aux questions d'un personnage invisible concentré dans un magnétophone placé sur scène et que le comédien manipule.
Le jeu est clair, sobre, tout en nuance, n'allant jamais dans le forte... ton de confidence très étudié...
Alors performance du texte : absolument pas.
Certes la lecture est visible : Jacques Gambelin tourne les pages d'un livre posé sur un pupitre de table. Mais la voix n'est pas celle de la lecture, elle ne rend pas la découverte du texte. On sent trsè vite que le texte est récité et que le livre n'est que le prétexte d'un jeu dont personne n'est dupe.
La voix est beaucoup trop travaillée, l'interprétation minutieusement calculée, en léger retrait...
Le public dans la première partie est placée en situation d'observation. Pendant très longtemps le dialogue se fait entre le comédien et le magnétophone : les deux voix sont clairement concentrées sur le plateau. Le public se trouve derrière le 4ème mur.
Dans la toute dernière partie, la voix du journaliste se trouve placée derrière le public, et le comédien lève davantage la tête pour aller vers elle. Il passe alors à travers le public et lui donne une consistance, mais très artificielle.

Non, il ne s'agit pas d'une performance du texte, ni d'une lecture. IL s'agit d'un très beau texte merveilleusement servi par un grand comédien. Un spectacle comme « Réparer les vivants » (voir article antérieur) mais sans l'investissement du corps.  

mercredi 19 octobre 2016

de l'air sur la route

Je publie sur ce blog aujourd'hui un billet d'humeur d'un ami qui a eu quelques déboires avec une entreprise de transport type navette. Peut-être exagéré mais qui porte une certaine dérision sur le côté exaspérant de certaines entreprises ou de certains employés ??? 

 J'arrive derrière la cathédrale, un bus me dépose, nous dépose mon sac à dos et moi, après une longue journée. Il est tard, les bus de villes se font rares, les taxis ne fréquentent guère l'endroit trop peu  passant. 
On m'annonce qu'une navette a été affrétée pour reconduire chez eux les voyageurs les plus éloignés. Il faut dire que si les bus municipaux se font rares, les trains régionaux sont depuis longtemps endormis dans la gare déserte, tout comme les trains à plus grande distance : on ne part plus de la ville passé 21 heure... C'est la province. 
Ouf donc  une navette va me reconduire chez moi, Mon sac est un peu lourd, moins que mes jambes. Nous sommes 5 à attendre un couple qui habite à Dormans et deux dames de Mareuil. J'habite moi à Saint Remi. 
Le chauffeur de la navette arrive et m'invite à m'installer sur le siège du fond puisque je serai le dernier déposé. Etonnement : nous ne sommes qu'à deux ou trois kilomètres de chez moi. Il m'explique qu'il va d'abord passer par Dormans puis par Mareuil avant de revenir à Reims. 
J'ai depuis avec l'aide de Mappy fait le calcul : pour aller de la cathédrale de Reims à la Basilique Saint Remi, la navette met 1 heure 28. A pied, j'en ai pour un gros quart d'heure, voire 20 minutes. 
J'aime les voyages, mais à 22 heures et après une longue journée dans différents transports, je n'apprécie guère cette proposition, honnête ???? Et puis je ne vois pas l'intérêt de visiter le vignoble même s'il vient d'être classé par l'Unesco. Je voudrais dormir, s'il vous plaît. 
Le chauffeur cherche à me convaincre que c'est la solution la plus simple... 
Est-ce que son véhicule ne peut que tourner à droite ? ou à gauche ? Il faut alors c'est sûr faire un grand tour pour revenir au point de départ. 
Est-ce que son GPS comporte déjà des circuits pré-enregistrés  : Reims- Doramns/ Dormans- Mareuil/ Mareuil -Reims et qu'il ne sait pas programmer Reims- cathédrale - Reims Saint Rémi. Il y a pourtant un grand axe qui relie les deux bâtiments et qu'on appelle la Voie des Sacres... 
Je décide donc de partir à pied pour gagner un peu plus d'une heure sur le trajet. Je deviens écolo par logique. On devrait faire plus souvent appel à ce type d'entreprise pour le bien-être de la planète. 
Un ami que j'appelle pour raconter ma mésaventure (je n'ai pas été remboursé) me dit : "Il paraît qu'ils avaient mis en place un Lille-Paris mais qu'ils ont dût arrêter à cause du retard provoqué par les embouteillages de Toulouse." Il est mauvaise langue ... Non ? 

lundi 17 octobre 2016

Un aède aujourd'hui

Une fin d'après-midi ou un début de soirée autour d'un conteur, autour d'un mythe.... et quelque chose d'ancestral, d'atemporel qui se met en place.
Comme tous les ans, l'annonce du Festival Oralia de Rethel se fait à Reims sous forme d'un spectacle en avant première.
Cette année, le conteur ardennais Philippe Vaillant offrait le mythe d'Oedipe.
Le public était venu nombreux (compte tenu de l'heure, du lieu et du propos) « se durcir l'oreille, coude à coude venu(s) se la faire confirmer l'histoire du tout premier estropié chutant dans le noir pour avoir osé la souillure suprême. » comme le dit Joël Jouanneau.
Le mythe d'Oedipe est peut-être le plus célèbre mythe venu de l'Antiquité, le seul à être universellement connu et universellement exploité encore de nos jours. Peut-être parce qu'il parle de l'homme, de ses amours et de l'incapacité à lutter contre le destin.
Philippe Vaillant improvisait, accompagné d'un guitariste (Franck Ladouce), lui aussi en improvisation. Si les refrains du conteur étaient de toute évidence rédigés et étudiés, le reste du texte se formait au fur et à mesure de l'avancée dans le mythe. Une narration toute en lenteur, revenant, reculant, précédant sans risque étant donné la célébrité de l'histoire, une narration qui laissait une large place au suspendu, au silence. Pas de temps mort pourtant, mais l'alliance lu repos de la parole et de la musique conduisait les spectateurs vers une émotion que renforçait la suite de l'histoire. Il était étonnant de voir à quel point le public était en attente et en communion avec le mythe, pourtant usé. Il semblait que chacun le découvrait dans son tragique et son déchirement. Un public uni dans une communion d'empathie ou un public replié individuellement sur les vibrations intérieures que le mythe et la musique suscitaient. Je crois qu'il y avait autant de communion spectateur/conteur que de personnes dans le public. Ce fut un moment d'une grande richesse émotionnelle...et pour moi, la découverte à des millénaires d'écart de ce qu'était un aède et du pouvoir qu'il exerçait sur une assemblée. Pourquoi écouter un mythe aussi connu s'il n'y avait pas la notion du carmen, du chant, du charme ?
Alors performance du texte ? Un mythe est un texte fondateur, pourtant je n'ai le sentiment d'avoir assisté à une performance du texte.
Il faudra approfondir cela, en s'aidant des recherches de mon amie que je publie de temps en temps. (voir les articles antérieurs).

Il y avait peut-être aussi trop de magie dans cette soirée pour que la notion de performance y trouve sa place.   

jeudi 13 octobre 2016

le Collectif Eutectic

Un article concernant des « gens que j'aime ». : Le collectif Eutectic.

Cette compagnie créée il y a plus de 20 ans regroupe 3 comédiens/lecteurs/conteurs et une plasticienne. Devenus personnages, ils s'appellent Georges, Guy et Gabriel. Gaétane les rejoint parfois.
Ils travaillent ensemble, mais aussi séparément, proposant alors des spectacles essentiellement de poésie ou de contes.
Chacun a son propre répertoire, sa propre personnalité qui trouve sa place en complément des autres. Quelquefois, ils s'autorisent un regard extérieur, en assurant la mise en scène d'un autre, des autres.
Guy est plus dans le sourire, le côté patelin, la bonhomie épicurienne. Il use en priorité de la douceur et du calme parfois pour atteindre le féroce. Il faut presque tendre l'oreille à ses contes, il faut oser venir vers lui pour recevoir l'histoire comme une confidence. Son répertoire de poèmes allie la confidence, la chanson des mots, le musicalité, l'humour so british. Il a en poésie ce que Ludovic Janvier appelait l'éblouissement. Il semble autant émerveillé de ce qu'il raconte que le public qui le découvre.
Gabriel est plus digne, plus distant, plus dans la retenue. C'est lui qui vous susurrera des poèmes sentimentaux ou des poèmes militants profonds. Il peut passer aussi de la parole partagée en privé à une parole plus revendicative, apostrophant la foule des passants.
Georges est plus terrien, plus prosaïque dans ses poèmes comme dans ses contes. Il parle autant avec le corps qu'avec la voix, toujours à la limite entre le danseur et le diseur. Les mains, le torse, la tête, le visage sont toujours à la rescousse de la langue. Il vous offrira souvent une poésie née du quotidien, des contes qui par détour parlent du monde d'aujourd'hui, des paraboles sur le monde de tous les temps, tragiques même s'il est toujours dans l'attente du rire.
Des personnages très différents qui sont autant d'approches de la poésie et autant de portes ouvertes pour accéder à elle.
Ce qui m'intéresse le plus dans ce collectif, outre les personnages créés par les comédiens, c'est leur rapport au texte et au public.
Rapports aux textes plus précisément : il offre la part belle aux grands auteurs, mais ils aiment aussi appel à des auteurs locaux, obscurs ou connus. Ils n'hésitent pas à associer des poèmes d'enfants à un répertoire plus classique. Et leur « poésie » est plus vaste que celle des anthologies puisque qu'elle puise aussi dans la prose des romans ou des discours ou dans les mélodies des vieilles chansons.
Rapport au public, pris isolément sous un parapluie pour un partage des textes, pris dans sa globalité ameuté dans les interventions dans la rue.
Le Collectif Eutectic pratique assez souvent la performance, ce qui m'intéresse beaucoup. Il investit des lieux très divers : marchés, établissements scolaires, rues, promenades, jardins, parcs. Ils installent une caravane, quelques tables et chaises de jardin....

et en avant la poésie....