L'art de la comédie. Le
titre est alléchant. Eduardo de Filippo, l'auteur ajoute au plaisir
qu'on se promet en allant voir la pièce. Le théâtre qui parle de
lui même n'est pas rare, mais il est tout de même moins fréquent
que la poésie qui parle d'elle-même.
Voyons le sujet : un
directeur de troupe dont le théâtre a été détruit par un
incendie se rend chez un préfet pour lui demander son soutien :
assister à une représentation qu'il veut donner au théâtre
municipal. Devant le refus du préfet, le directeur lui laisse
entendre qu'au place des solliciteurs qu'il doit recevoir, il verra
défiler les comédiens de sa troupe qui lui donneront la comédie de
la vie. Que croire alors ? Et comment répondre aux demandes
ridicules ou horribles ?
Oui une bonne soirée en
perspective.
La pièce dure 1 h 50.
C'est long.
La première partie entre
le préfet et le directeur de théâtre est un catalogue de clichés
et d'idées reçues, assénées sans autre forme de conviction qu'un
jeu un peu forcé et qui part facilement dans la vocifération :
le pouvoir doit crier pour se faire entendre, la vérité aussi. On
attend avec impatience le moment où ce débat cent fois entendu va
enfin se coltiner avec la réalité ou la fiction.
C'est tout le propos de
la seconde partie. Les personnages viennent en tant que personnages
ou en tant que personnages-comédiens jouant des personnages. (C'est
une construction en abyme comme les aime le théâtre qui se regarde
le nombril).
Le préfet doute :
réalité ou fable ? Il a tort. Les vociférations et le
sur-jeux des comédiens ne laissent aucun doute. Le doute du préfet
se manifeste alors par de nouvelles vociférations. Bref ça crie
beaucoup. Les comédiens ne se limitent pas à crier, ils jouent avec
une frénésie qui achèvent de faire disparaître les subtilités du
texte. Là où Eduardo de Filippo voulait montrer dans une forme
populaire le tutoiement du théâtre avec la ligne de la vérité
pure, Patrick Pineau (le metteur en scène) demandent aux interprètes
d'offrir des fantoches auxquels on ne croit pas et qui n'attirent
aucune sympathie. La farce devient bourgeoise et intellectuelle... et
échappe à son écriture.
La scénographie renforce
encore le sentiment de malaise qu'on éprouve pendant le spectacle.
Le plateau est vide hors des grilles ou claustra de fer qui
délimitent des espaces et un gril qui surplombe tout le plateau que
les acteurs arpentent avec force de résonances métalliques qui
parviennent à couvrir les voix …. On perd encore un peu du texte
….
Et le public dans tout
cela ? Vous connaissez mes dadas.... Le public est public. Il ne
serait pas là que cela ne gênerait en rien la représentation. Nous
ne sommes même pas en présence d'un quatrième mur. Les comédiens
sont si occupés à se donner la comédie à eux-mêmes
individuellement et réciproquement, que la présence de gens pour
les regarder est totalement superflue.
Une belle preuve que
l'attente au théâtre peut être déçue. « Bon, on peut se
dire que la prochaine pièce ne pourra pas être pire » disait
un spectateur optimiste en me tenant la porte à la sortie de la
salle.