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samedi 5 novembre 2016

l'art de la comédie (critique)

L'art de la comédie. Le titre est alléchant. Eduardo de Filippo, l'auteur ajoute au plaisir qu'on se promet en allant voir la pièce. Le théâtre qui parle de lui même n'est pas rare, mais il est tout de même moins fréquent que la poésie qui parle d'elle-même.
Voyons le sujet : un directeur de troupe dont le théâtre a été détruit par un incendie se rend chez un préfet pour lui demander son soutien : assister à une représentation qu'il veut donner au théâtre municipal. Devant le refus du préfet, le directeur lui laisse entendre qu'au place des solliciteurs qu'il doit recevoir, il verra défiler les comédiens de sa troupe qui lui donneront la comédie de la vie. Que croire alors ? Et comment répondre aux demandes ridicules ou horribles ?
Oui une bonne soirée en perspective.
La pièce dure 1 h 50. C'est long.
La première partie entre le préfet et le directeur de théâtre est un catalogue de clichés et d'idées reçues, assénées sans autre forme de conviction qu'un jeu un peu forcé et qui part facilement dans la vocifération : le pouvoir doit crier pour se faire entendre, la vérité aussi. On attend avec impatience le moment où ce débat cent fois entendu va enfin se coltiner avec la réalité ou la fiction.
C'est tout le propos de la seconde partie. Les personnages viennent en tant que personnages ou en tant que personnages-comédiens jouant des personnages. (C'est une construction en abyme comme les aime le théâtre qui se regarde le nombril).
Le préfet doute : réalité ou fable ? Il a tort. Les vociférations et le sur-jeux des comédiens ne laissent aucun doute. Le doute du préfet se manifeste alors par de nouvelles vociférations. Bref ça crie beaucoup. Les comédiens ne se limitent pas à crier, ils jouent avec une frénésie qui achèvent de faire disparaître les subtilités du texte. Là où Eduardo de Filippo voulait montrer dans une forme populaire le tutoiement du théâtre avec la ligne de la vérité pure, Patrick Pineau (le metteur en scène) demandent aux interprètes d'offrir des fantoches auxquels on ne croit pas et qui n'attirent aucune sympathie. La farce devient bourgeoise et intellectuelle... et échappe à son écriture.
La scénographie renforce encore le sentiment de malaise qu'on éprouve pendant le spectacle. Le plateau est vide hors des grilles ou claustra de fer qui délimitent des espaces et un gril qui surplombe tout le plateau que les acteurs arpentent avec force de résonances métalliques qui parviennent à couvrir les voix …. On perd encore un peu du texte ….
Et le public dans tout cela ? Vous connaissez mes dadas.... Le public est public. Il ne serait pas là que cela ne gênerait en rien la représentation. Nous ne sommes même pas en présence d'un quatrième mur. Les comédiens sont si occupés à se donner la comédie à eux-mêmes individuellement et réciproquement, que la présence de gens pour les regarder est totalement superflue.

Une belle preuve que l'attente au théâtre peut être déçue. « Bon, on peut se dire que la prochaine pièce ne pourra pas être pire » disait un spectateur optimiste en me tenant la porte à la sortie de la salle.