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lundi 17 octobre 2016

Un aède aujourd'hui

Une fin d'après-midi ou un début de soirée autour d'un conteur, autour d'un mythe.... et quelque chose d'ancestral, d'atemporel qui se met en place.
Comme tous les ans, l'annonce du Festival Oralia de Rethel se fait à Reims sous forme d'un spectacle en avant première.
Cette année, le conteur ardennais Philippe Vaillant offrait le mythe d'Oedipe.
Le public était venu nombreux (compte tenu de l'heure, du lieu et du propos) « se durcir l'oreille, coude à coude venu(s) se la faire confirmer l'histoire du tout premier estropié chutant dans le noir pour avoir osé la souillure suprême. » comme le dit Joël Jouanneau.
Le mythe d'Oedipe est peut-être le plus célèbre mythe venu de l'Antiquité, le seul à être universellement connu et universellement exploité encore de nos jours. Peut-être parce qu'il parle de l'homme, de ses amours et de l'incapacité à lutter contre le destin.
Philippe Vaillant improvisait, accompagné d'un guitariste (Franck Ladouce), lui aussi en improvisation. Si les refrains du conteur étaient de toute évidence rédigés et étudiés, le reste du texte se formait au fur et à mesure de l'avancée dans le mythe. Une narration toute en lenteur, revenant, reculant, précédant sans risque étant donné la célébrité de l'histoire, une narration qui laissait une large place au suspendu, au silence. Pas de temps mort pourtant, mais l'alliance lu repos de la parole et de la musique conduisait les spectateurs vers une émotion que renforçait la suite de l'histoire. Il était étonnant de voir à quel point le public était en attente et en communion avec le mythe, pourtant usé. Il semblait que chacun le découvrait dans son tragique et son déchirement. Un public uni dans une communion d'empathie ou un public replié individuellement sur les vibrations intérieures que le mythe et la musique suscitaient. Je crois qu'il y avait autant de communion spectateur/conteur que de personnes dans le public. Ce fut un moment d'une grande richesse émotionnelle...et pour moi, la découverte à des millénaires d'écart de ce qu'était un aède et du pouvoir qu'il exerçait sur une assemblée. Pourquoi écouter un mythe aussi connu s'il n'y avait pas la notion du carmen, du chant, du charme ?
Alors performance du texte ? Un mythe est un texte fondateur, pourtant je n'ai le sentiment d'avoir assisté à une performance du texte.
Il faudra approfondir cela, en s'aidant des recherches de mon amie que je publie de temps en temps. (voir les articles antérieurs).

Il y avait peut-être aussi trop de magie dans cette soirée pour que la notion de performance y trouve sa place.