Soeurs,
de Wajdi Mouawad.
Pas de sœurs génétiques, mais des sœurs qui se reconnaissent
telles lors de leur brève rencontre.
La première est
conférencière en droit international, plus spécialisée sur les
négociations de guerre. Elle est canadienne, de souche, sa mère est
originaire d'une province du Nord du Canada. Bloquée à Montréal
après une conférence, elle passe la nuit dans un luxueux hôtel
international. Elle est seule sur scène et ne communique avec
l'extérieur que par téléphone : un téléphone fixe avec la
réception de l'hôtel, un téléphone portable avec sa famille, à
propos d'un voyage dans la province des ses origines. Dans l'univers
aseptisé de l'hôtel, régi par une domotique qui se dérègle
jusqu'à la folie, l'anglais est la seule langue possible pour ouvrir
une porte, allumer la télévision, avoir de l'eau, de la lumière...
Elle se révolte contre cette négation de son identité de
francophone, la négation de sa culture historique.
La seconde est d'origine
libanaise, intégrée dans la vie canadienne. Elle travaille comme
expert dans la compagnie d'assurance de l'hôtel. Elle doit rédiger
le constat qui servira de base pour l'indemnisation. Elle, non plus,
n'a pas de contact avec d'autres êtres vivants, sauf son père par
l'intermédiaire d'un portable et sa direction (sensée écoutée
plus tard l'enregistrement de son dictaphone). Elle se bat pour faire
reconnaître son identité de femme libanaise, exilée à cause d'une
guerre.
Elles vont toutes les
deux vivre un moment retranchées dans la chambre de l'hôtel...
On reconnaît les
préoccupations majeures de Mouawad, déjà abordées dans ses œuvres
précédentes.
L’originalité de
SOEURS est de se limiter à une seule interprète : Annick
Bergeron, pour presque 6 rôles. Des temps sont prévus, des
subterfuges pour tromper le spectateur, toujours en doute, car les
transformations de la comédienne sont extraordinaires et que
plusieurs systèmes de trucage permettent sa persistance sur le
plateau alors qu'elle l'a déjà quitté.
L'écriture est belle,
poétique et drôle. La mise en scène intelligente, inventive.
Mais surtout
l'interprétation d' Annick Bergeron est exceptionnelle. Elle passe
d'une émotion, d'une intention à une autre avec une rapidité et
une pertinence qui laissent pantois. Elle compose les différents
personnages avec une justesse magnifique.
Vraiment un spectacle à
voir.