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lundi 26 septembre 2016

critique de SOEURS de Wajdi Mouawad - critique

Soeurs
de Wajdi Mouawad. 
Pas de sœurs génétiques, mais des sœurs qui se reconnaissent telles lors de leur brève rencontre.
La première est conférencière en droit international, plus spécialisée sur les négociations de guerre. Elle est canadienne, de souche, sa mère est originaire d'une province du Nord du Canada. Bloquée à Montréal après une conférence, elle passe la nuit dans un luxueux hôtel international. Elle est seule sur scène et ne communique avec l'extérieur que par téléphone : un téléphone fixe avec la réception de l'hôtel, un téléphone portable avec sa famille, à propos d'un voyage dans la province des ses origines. Dans l'univers aseptisé de l'hôtel, régi par une domotique qui se dérègle jusqu'à la folie, l'anglais est la seule langue possible pour ouvrir une porte, allumer la télévision, avoir de l'eau, de la lumière... Elle se révolte contre cette négation de son identité de francophone, la négation de sa culture historique.
La seconde est d'origine libanaise, intégrée dans la vie canadienne. Elle travaille comme expert dans la compagnie d'assurance de l'hôtel. Elle doit rédiger le constat qui servira de base pour l'indemnisation. Elle, non plus, n'a pas de contact avec d'autres êtres vivants, sauf son père par l'intermédiaire d'un portable et sa direction (sensée écoutée plus tard l'enregistrement de son dictaphone). Elle se bat pour faire reconnaître son identité de femme libanaise, exilée à cause d'une guerre.
Elles vont toutes les deux vivre un moment retranchées dans la chambre de l'hôtel...
On reconnaît les préoccupations majeures de Mouawad, déjà abordées dans ses œuvres précédentes.
L’originalité de SOEURS est de se limiter à une seule interprète : Annick Bergeron, pour presque 6 rôles. Des temps sont prévus, des subterfuges pour tromper le spectateur, toujours en doute, car les transformations de la comédienne sont extraordinaires et que plusieurs systèmes de trucage permettent sa persistance sur le plateau alors qu'elle l'a déjà quitté.
L'écriture est belle, poétique et drôle. La mise en scène intelligente, inventive.
Mais surtout l'interprétation d' Annick Bergeron est exceptionnelle. Elle passe d'une émotion, d'une intention à une autre avec une rapidité et une pertinence qui laissent pantois. Elle compose les différents personnages avec une justesse magnifique.
Vraiment un spectacle à voir.