Pages

Pages

jeudi 16 juillet 2015

36 nulles de salon au Théâtre du Rond Point






Voilà, ça y est, oui, maintenant c'est vrai. Ils sont arrivés à Paris. Au Rond-Point !
J'ai déjà écrit plusieurs articles sur ce spectacle :
un de mars 2014  et un autre de juin 2014  (à consulter dans les archives du blog)
Les critiques connus de magazines qui le sont encore plus vont découvrir et donner leur avis...
Relisez les miens qui datent un peu, mais sont toujours d'actualité.
Allez voir surtout.



jeudi 2 juillet 2015

Charleville à vomir

Une digression dans la nouvelle Sido. Vous la retrouverez dès samedi.
Je veux insérer dans ce blog une révolte d'une amie, révolte que je partage entièrement. A un moment aussi où les actes de malveillance gratuite se multiplient. Peut-être une forme de nostalgie d'une utopie poétique. La générosité partagée en tout et pas seulement dans les lectures, les danses et les chansons....
En clin d’œil aussi à des amis vrais Ardennais (des deux côtés) et dont le cœur est toujours ouvert.

Il y avait samedi l'inauguration du nouveau musée Rimbaud à Charleville- Mézières.
Des bénévoles avec la Boule Bleue avaient préparé des banderoles destinées à la déambulation dans la ville. Pour donner plus de poésie à ces longues bandes de tissus où l'on pouvait lire des citations d'Arthur Rimbaud, les organisateurs avaient eu l'idée de les soutenir par des ballons assez gros, blancs, gonflés à l'hélium. Aux extrémités, plus hauts que les autres, deux ballons transparents laissaient voir une fleur rouge. Les banderoles étaient portées par des adolescents qui dansaient, dans les rues piétonnes, sur la Place Ducale, à l'entrée de l'île du Moulin.... Et les banderoles et les ballons virevoltaient autant que les danseurs.
Les banderoles soutenues dans l'air par les ballons servaient ensuite de décors à l'estrade de l'île du vieux Moulin. Très beau, très poétique...
Jusqu'à ce que le public arrive. Les gens ont confondu installation poétique et saccage organisé. Très vite la grande foire à la destruction et au vol a commencé. Hommes et femmes tiraient sur les liens qui retenaient les ballons, déchiraient les banderoles pour récupérer un ballon que, les trois quarts du temps, ils laissaient échapper.
Je voudrais m'adresser à trois d'entre eux.
Monsieur, vous avez arraché un ballon pour votre petite fille. Puis-je vous arracher un testicule ? C'est pour ma petite fille, elle ne sait pas comment c'est. Je ne peux tout de même pas lui laisser tripoter ceux de son père. Vous avez volé un ballon à Rimbaud, je peux avoir un testicule. Ce n'était qu'un ballon parmi d'autres... Vous garderez un testicule...C'est bien assez
Madame, vous avez arraché un ballon avec une fleur pour votre petit garçon, sans honte, sous le regard offusqué des spectateurs du concert. Fière même de votre geste pour votre petit garçon qui gueulait sa tyrannie. Madame, je voudrais vous couper une oreille. C'est pour une œuvre d'art. Je vais tapisser un mur d'oreilles humaines « Les murs ont des oreilles ». Laissez la boucle d'oreille qui la pare ! Elle vous permettra de la reconnaître. Donnez-la moi ou je vais gueuler aussi que t'es pas belle et que tu m'aimes pas.
Jeunes gens, je voudrais vous monter sur le ventre pour vous arracher un bras ou une jambe. Vous avez grimpé sur une des banderoles pas par révolte contre une institution mais pour arracher les ballons que vous creviez ou que vous perdiez dans l'azur tant vous les teniez mal...

Arthur Rimbaud a raison, les Carolos sont de grande laideur intime. Heureusement, il y avait sur l'estrade beaucoup d'artistes qui ne venaient pas de Rimbaudville. Pardon, Arthur, vous en méritez pas qu'on associe votre nom à cette ville. Qui ne venaient pas de Charlestown, l'horrible Charlestown.

samedi 20 juin 2015

36 géniales de salon

Un tout petit article pour annoncer une nouvelle qui, elle, est très grande :
L'enregistrement de la pièce "36 nulles de Salon" vient de recevoir une distinction de l'Académie Charles Cros. 
http://www.charlescros.org/coupsdecoeur/
Une belle nouvelle et une belle récompense. 
Pour ceux qui n'auraient pas suivi toute l'affaire je vous renvoie à deux articles de 2014, publiés sur ce blog et consultables dans les archives. 
Vous n'êtes pas allés voir le spectacle, parce que vous avez cru  les loups qui hurlaient ? 
Il ne vous reste plus qu'à acheter l'enregistrement... Il vous manquera une dimension ou un sens (la vue).

http://caminoverde.com/spectacles/bonnaffe-saladin-salon.php

Avec une salutation particulière à mon pote Dédé Englué, mon pote de toujours, qu'on a gardé les cochons ensemble et qu'on se tape sur le bide pour se saluer... 
Félicitations à l'auteur et aux interprètes et un clin d'oeil complice  à ceux qui ont aimé la pièce et le travail des comédiens. 
Bonne écoute à tous et à toutes

jeudi 18 juin 2015

le vainqueur de Waterloo

La Belgique commémore la bataille de Waterloo. 
Waterloo, morne plaine de Hugo ou souvenir décevant de ce pauvre Fabrice Del Dongo...
L'état français a boudé les cérémonies, une vague présence dans la cohorte  des officiels.
Il paraît qu'il ne faut pas parler de cette bataille, un peu comme Alésia dans le village gaulois d'Astérix. 
En France, on ne célèbre que la gloire, en prenant soin d'inviter les autres, pour montrer la générosité d'un grand peuple : Mme Merkel est régulièrement conviée... Et autrefois Helmut Kohl venait souffler  amicalement sur le flamme du soldat inconnu. 
Etes-vous déjà allé à Waterloo ? Moi, oui. 
Un jour il y a très longtemps, dont il ne faut pas parler (raisons familiales). 
Depuis, de façon plus conventionnelle. 
Waterloo, c'est une route qui se couvre vite de pavés (ah, le nord ! ) au milieu des champs. On ne voit rien, puis on découvre un hameau formé de restaurants et de boutiques à souvenirs. On y mange bien aujourd'hui. On grimpe sur un monticule qui permet de voir au loin qu'on ne voit pas plus que d'en bas les champs. Il y a un musée sur le principe des panoramas à la mode au début du XIX ème siècle. Il paraît qu'on a créé un nouveau musée. 
Alors parce qu'on n'est tout de même pas venu à Waterloo pour voir des champs à perte de vue, et que la culture intensive des céréales et des betteraves n'apporte pas de sentiment historique, on entre dans les boutiques  pour touristes.  Et là, le choc ... Il y a bien des quantités de livres dans lesquels des gens instruits ont écrit bien installé devant un ordinateur comment Napoléon a perdu la face et le pouvoir devant une armée d'Européens royalistes et mercantiles. Mais ce que vous verrez le plus ce sont des gadgets autour du personnage de Napoléon  et de l'armée française. Tout est un hymne à la grandeur que l'empereur a perdue, dit-on, ce jour-là...Alors quoi, merde (c'est une citation de circonstance, M. Cambronne) c'est qui le vrai vainqueur de Waterloo, celui dont on cause là-haut aujourd'hui (le nord est en haut toujours par rapport au sud) ? Les Anglais ont des places et des gares qui portent des noms de défaites : Trafalgar par exemple. 
La France, elle, grâce à la Belgique, a gagné au XXème siècle la bataille de Waterloo. On pouvait aller les remercier, non ? 
Si vous avez peur de vous ennuyer entre les champs et les magasins de souvenir (je maintiens : les restaurants ont des spécialités belges intéressantes), je vous conseille un écart poétique : la fondation Folon, dans le parc du château de la Hulpe. Ce n'est pas très loin. 
Une entrée dans le musée qui vous transporte dans l'univers onirique de ce grand créateur. Un vol en apesanteur comme celui des personnages qu'il aimait tant. Des aquarelles devenues sculptures et qui vous accompagnent. 
A la fin, vous achèterez sans aucun doute ce crayon de couleurs qui écrit en arc-en-ciel, pour croire que vous aussi vous êtes tombé du ciel en pluie 

mercredi 27 mai 2015

un poète belge


Peu de temps en ce moment pour écrire dans ce blog. Ici c'est le Printemps des Poètes. Alors je ne sais plus où donner de la vie...
Une provision de textes et de souvenirs que je vais bientôt mettre en ligne.
Juste une petite intervention sur le blog pour vous parler d'un poète extraordinaire, découvert dans la voix d'un comédien incomparable.
Vous pouvez lire quelques uns de ces textes sur le site du Printemps des Poètes
www.printempsdespoetes.com - en allant sur l'onglet Poètes
vous pouvez aussi écouter des enregistrements sur le site
www.compagnie-faisan.org  - en allant sur la partie podcast
Bonne découverte
Ah oui, le nom du poète Jean-Pierre Verheggen


Jean-Pierre Verheggen

Pourquoi voulais-je parler de ce poète sur ce blog ?
Parce qu'il est lié à de nombreux événements de ma vie, parce qu'il a involontairement et inconsciemment contribué à ce qu'elle dure encore.
J'ai découvert Jean-Pierre Verheggen dans la voix de Jacques Bonnaffé, il y a bientôt dix ans. Une lecture dans un festival dédié aux mots. Entre plaisir et réticence. La langue ne s'interdit rien et je me demandais comment l'on pouvait se dire poète et utiliser des vocables aussi triviaux. Cette réaction je l'ai retrouvée plus tard dans un stage. Une des femmes présentes a poussé un hurlement de pudeur offusquée à la lecture du texte : « Je vous trouve infiniment vulgaire ». Cachez ce mot que je en saurais voir...C'est peut-être cette réaction qui m'a permis de comprendre vraiment la poésie de Jean-Pierre Verheggen.
Oui, la langue joue volontiers de la trivialité, de la verdeur... C'est en cela qu'elle est révolte, révolte de la vie contre tout ce qui la muselle, la cloître et la légalise, tout ce qui la dévitalise et la sclérose.
Jean-Pierre Verheggen parle de tout en se donnant le droit d'en rire. La première victime de cette dérision : lui-même. Les autres victimes : tous les grands mots inventés pour faire croire à une véracité du langage et tous les sonne-creux de tous bords. La langue se moque de ceux qu'on nous présente comme modèles.
Chez Jean-Pierre Verheggen tous les mots ont permis de séjour, les plus archaïques comme les inventions phonétiques gourmandes, dignes de Rabelais. Les associations se font par sonorités, calembours, jeux de mots, pirouettes sonores. Et en cela cette poésie donne vite envie de la lire, de la crier, de la passer par le gueuloir. Elle se perd en logorrhées fabuleuses où l'on quitte le sens pour se laisser porter par la jouissance d'un vertige sonore.
Mais que cela ne cache pas l'autre aspect de son écriture : une immense érudition. Les citations en latins et en grec foisonnent, les allusions à la littérature, à la peinture, à la bande dessinée (il n'est pas Belge pour rien), à l'histoire, la géographie, les coutumes de tous les pays du monde sont si fines et si précises qu'elles peuvent passer inaperçues. Il faut reprendre et reprendre ses textes pour en mesurer toute la subtilité, tous les clins d’œil malicieux. On n'a jamais fini de lire ou d'entendre un texte de Verheggen., tant les poèmes ont des niveaux superposés.
Quand on accepte de se laisser aller, la jubilation n'est jamais bien loin...

Un palmarès très personnel (et qui peut varier un peu selon mes humeurs)
Poète bin qu'oui, poète bin qu'non ?
Du même auteur chez le même éditeur
On n'est pas sérieux quand on a 117 ans : zuteries
Sodome et Grammaire
Ridiculum vitæ précédé de Artaud Rimbur
Un jour, je serai Prix Nobelge
L'Idiot du Vieil-Âge : (Excentries)
Le Degré Zorro de l'écriture

A paraître en mai !: CA N'LANGAGE QUE MOI (Gallimard)

J'ai entendu quelques passages : de la truculence en perspective....



samedi 23 mai 2015

un métier idéal : exhibitionniste

Un métier idéal est en réalité le titre d'un spectacle que tourne actuellement Nicolas Bouchaud. C'est un acteur prestigieux au palmarès époustouflant, aux rôles impressionnants, Il s'attaque pour ce spectacle à une oeuvre de John Berger, l'écrivain anglais. Si vous n'avez jamais lu un livre de lui, quittez ce que vous êtes en train de faire et précipitez-vous chez un libraire ou dans une médiathèque... 

John Berger utilise une langue magnifique qui parle. Il n'y a rien à faire que se laisser porter. Une langue merveilleuse de simplicité et de fluidité. Vous l'avez compris : bonne lecture... Cela vous semblera moins long que l'heure et demie pendant laquelle Nicolas Bouchaud glousse le texte. 

John  Sassal, le héros de Berger, est médecin, dans une campagne abandonnée. Il est au plus près des pauvres, des déshérités, de la misère profonde, même sociale. Bien loin de l’exhibitionnisme auquel nous confronte le plateau. 
Tout commence par un clin d’œil (énorme) à la salle. Le comédien appelle quelques personnes qui doivent lever la main. Il leur accorde quelques mots (on ne sait s'il s'agit d'un enseignant ou d'un médecin, ou si le comédien retrouve de vieilles connaissances). Rires diffus, gêne. Le comédien se montre. Il est bienveillant, jovial de façon forcée. Tout cela est très artificiel et n'annonce rien de bon. Souvenir d'un metteur en scène breton croisé dans le Nord : "se souvenir de l'humilité". Nicolas Bouchaud ne doit pas le connaître. 
La suite est à l'avenant de l'amorce du spectacle : on parade, on fait le roue... Le texte est gigantesque, le travail énorme. Quand on ne fait que des effets, on se fatigue beaucoup plus que quand on joue en profondeur. Le comédien met et retire une blouse blanche... Il s'adresse parfois directement au public avec des questions qui pourraient être celles d'un médecin, mais qui frappent les spectateurs dans leur intimité la plus profonde : "y a-t-il des choses dont vous avez honte". Là encore Nicolas Bouchard ne se sent pas concerné. Veut-il acquérir le public ? Attend-il une esquisse de réponse ? Le considère-t-il comme un interlocuteur ? Question rhétorique ? Vérifie-t-il que les spectateurs ne sont pas assoupis, anesthésiés ? ou au contraire teste-t-il les vertus soporifiques de son jeu ? 
On passe par moment à des souvenirs de répétitions. Le roi Lear (souvenez-vous que vous avez devant vous un comédien exceptionnel : Moâ ... ) 
Que devient le texte de John Berger ? 
Bouchaud fait monter sur scène une spectatrice du premier rang.  (je la connais de visage, déjà vue dans ne autre représentation ? sur scène ? ) Elle doit lire quelques vers d'une autre scène du Roi Lear. On n'entend rien. Il la corrige avec bienveillance, lui faire relire deux ou trois fois le texte en lui donnant des consignes précises. Il semble heureux des progrès réalisés. Il est un professeur d'exception et se masturbe l'ego. On n'a rien entendu. Il reprend avec une sorte de délectation existentielle les vers. Quelle chance nous avons de pouvoir l'écouter.. et quelle chance a cette "spectatrice" si innocente (elle ne sait pas porter sa voie) d'être l'élue. 
Une femme ne semble pas d'accord. Elle profite d'un moment de jouissance silencieuse sur le plateau, pour s'éclipser. A-t-elle atteint le point de nausée ou a-t-elle un réel malaise ? Sur scène le comédien abandonne immédiatement le personnage (l'avait-il vraiment endossé) pour s'adresser à elle. L'essentiel n'est pas la continuité du spectacle ou les 599 autres spectateurs. Il n'y a plus qu'elle, elle qui ose se soustraire à son pouvoir de séduction, qui ose ne plus le regarder, ne plus l'admirer. Alors les autres doivent être les témoins du crime de lèse-majesté. A moins qu'il ne s'agisse encore d'une comparse.... Tout semble imaginable dans ce fatras d'effets. 
Quel beau travail d'exhibitionniste... C'est rare d'attendre de degré pendant aussi longtemps.  
Etre exhibitionniste c'est une douleur. Imaginez-vous l'hiver nu avec juste un par-dessus, ou en été à devoir supporter l'inconfort d'un par-dessus malgré la chaleur. Etre exhibitionniste sur scène est encore plus difficile... et plus difficile encore pour les spectateurs : car on est prisonnier de son siège. Quelle chance vous avez eue Madame, d'être placée près de la porte de sortie.