Pourquoi
voulais-je parler de ce poète sur ce blog ?
Parce
qu'il est lié à de nombreux événements de ma vie, parce qu'il a
involontairement et inconsciemment contribué à ce qu'elle dure
encore.
J'ai
découvert Jean-Pierre Verheggen dans la voix de Jacques Bonnaffé,
il y a bientôt dix ans. Une lecture dans un festival dédié aux
mots. Entre plaisir et réticence. La langue ne s'interdit rien et je
me demandais comment l'on pouvait se dire poète et utiliser des
vocables aussi triviaux. Cette réaction je l'ai retrouvée plus tard
dans un stage. Une des femmes présentes a poussé un hurlement de
pudeur offusquée à la lecture du texte : « Je vous
trouve infiniment vulgaire ». Cachez ce mot que je en saurais
voir...C'est peut-être cette réaction qui m'a permis de comprendre
vraiment la poésie de Jean-Pierre Verheggen.
Oui,
la langue joue volontiers de la trivialité, de la verdeur... C'est
en cela qu'elle est révolte, révolte de la vie contre tout ce qui
la muselle, la cloître et la légalise, tout ce qui la dévitalise
et la sclérose.
Jean-Pierre
Verheggen parle de tout en se donnant le droit d'en rire. La première
victime de cette dérision : lui-même. Les autres victimes :
tous les grands mots inventés pour faire croire à une véracité du
langage et tous les sonne-creux de tous bords. La langue se moque de
ceux qu'on nous présente comme modèles.
Chez
Jean-Pierre Verheggen tous les mots ont permis de séjour, les plus
archaïques comme les inventions phonétiques gourmandes, dignes de
Rabelais. Les associations se font par sonorités, calembours, jeux
de mots, pirouettes sonores. Et en cela cette poésie donne vite
envie de la lire, de la crier, de la passer par le gueuloir. Elle se
perd en logorrhées fabuleuses où l'on quitte le sens pour se
laisser porter par la jouissance d'un vertige sonore.
Mais
que cela ne cache pas l'autre aspect de son écriture : une
immense érudition. Les citations en latins et en grec foisonnent,
les allusions à la littérature, à la peinture, à la bande
dessinée (il n'est pas Belge pour rien), à l'histoire, la
géographie, les coutumes de tous les pays du monde sont si fines et
si précises qu'elles peuvent passer inaperçues. Il faut reprendre
et reprendre ses textes pour en mesurer toute la subtilité, tous les
clins d’œil malicieux. On n'a jamais fini de lire ou d'entendre un
texte de Verheggen., tant les poèmes ont des niveaux superposés.
Quand
on accepte de se laisser aller, la jubilation n'est jamais bien
loin...
Un
palmarès très personnel (et qui peut varier un peu selon mes
humeurs)
Poète
bin qu'oui, poète bin qu'non ?
Du
même auteur chez le même éditeur
On
n'est pas sérieux quand on a 117 ans : zuteries
Sodome
et Grammaire
Ridiculum
vitæ précédé de Artaud
Rimbur
Un
jour, je serai Prix Nobelge
L'Idiot
du Vieil-Âge : (Excentries)
Le
Degré Zorro de l'écriture
A
paraître en mai !: CA N'LANGAGE QUE MOI (Gallimard)
J'ai
entendu quelques passages : de la truculence en perspective....