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vendredi 19 février 2016

recherche le théâtre du texte (3)

Cet article est la suite de deux autres parus précédemment. Le propos est de voir dans quelle mesure un spectacle basé uniquement sur la transmission d'un texte non narratif, non dramatique peut constituer une forme de théâtre, dans quelle mesure,il relève de la théâtralité

Le quatrième spectacle est un  « juke-box » organisé par David Lescot, toujours pour un « samedi de la Comédie », en mai 2009, en parallèle à une série de représentations de L'Européenne. Les parcipants s'étaient répartis pour l'après-midi en deux groupes (comme pour le spectacle « les Yeux bandés »), l'un avait mis en jeu quelques passages de la pièce, l'autre avait écrit sous la conduite de David Lescot une scène de rencontre ou de rupture avec pour contrainte un décompte syllabique. Après la pause destinée à synchroniser les deux groupes autour d'une boisson et de petits gâteaux locaux, chacun s'était dirigé, tasse ou verre à la main, au milieu des conversations curieuses de ce que les autres avaient fait, vers le « BAR de la Comédie », un lieu légèrement en sous-sol. Fauteuils club, tables et chaises contemporaines à déplacer selon l'instinct de l'occupant, tabourets haut perchés devant le comptoir. Eclairage artificiel diffus et en fond un mur courbe, aux vitres donnant sur le jardin de l'Arboretum. David Lescot s'est installé à proximité de cette lumière naturelle, place imposée aussi par la présence de prises électriques pour une guitare également électrique. Les participants ne pouvaient le voir qu'à contre-jour. Il a exposé le principe de l'intervention qu'il allait faire. Une personne du public lançait un mot, une idée, un stimulus. David Lescot associait le mot à l'un des textes qu'il avait apportés, essentiellement son répertoire d'auteur. Il situait l'extrait, puis le lisait, demandait ensuite à l'ensemble du public s'il était satisfait de sa « réponse » et justifiait le choix qu'il avait fait. Il a ainsi lu des extraits de L'augmentation, Théâtre à la campagne, L'instrument à pression, et d'autres textes moins connus ou inédits, chanté une des chansons de Commission Centrale de l'Enfance, joué un air à la trompette, mais il a résolument évité, malgré les tentatives des quémandeurs, de donner à entendre un extrait de L'Européenne qui se jouait le soir-même.


Enfin le cinquième et dernier spectacle qui constituera mon corpus, est un « bal littéraire » qui a été donné place Saint-Sulpice, dans le cadre de la « Foire au Théâtre », en mai 2010. Il avait été organisé par le collectif qui s'était formé autour de Fabrice Melquiot à la Comédie de Reims, collectif qui a émigré au Théâtre de la Ville « La coopérative d'écriture ». Cinq auteurs - Fabrice Melquiot, Samuel Gallet, Rémi de Vos, Yves Nilly et Nathalie Fillion – y participaient. Ils avaient écrit dans l'après-midi dix passages scénarisés constituant l'introduction de dix chansons (la plupart en anglais) destinées à faire danser les participants. Les cinq auteurs devenus acteurs de leur texte se tenaient derrière des micros, sur une estrade, feuille à la main, lançant les parties chantées sur un ordinateur portable, tandis que le public se rassemblait sur une piste de danse ménagée devant, piste de danse qui s'avéra assez vite trop exiguë. Entre deux danses, on s'asseyait où l'on pouvait, souvent à même le sol, et les non-danseurs se trouvaient couverts de sacs et de manteaux dès qu'il fallait occuper en mouvement l'aire de danse. Le texte assez incohérent et confus mêlait les micro-événements survenus l'après-midi (le passage de Catherine Deneuve), les lieux (le chantier autour de l'église), le contexte (une troupe de théâtre amateur cherchait un texte contemporain), des personnages d’événements politiques lus dans un journal (une révolte en Thaïlande). Je n'avais pas choisi ce spectacle au départ de mes recherches. Mais les découvertes que j'y ai faites me semblant ouvrir des pistes autres et conforter certaines de mes spéculations, je l'ai préféré à un spectacle de Claude Guerre à la Maison de la Poésie (qui faisait un peu double emploi avec celui de Maxime Dejoux).
On pourra me reprocher de ne pas avoir consacré une partie de mes recherches aux banquets littéraires. J'en suis tout à fait consciente. J'ai assisté, il y a trop longtemps pour que je puisse m'y référer, à deux banquets, inspirés du Moyen Age organisés à la Comédie de Reims et dont je garde surtout des souvenirs gustatifs. J'ai eu l'occasion de faire un stage sur cet exercice difficile et j'ai participé, en tant que comédienne, à quelques banquets bien modestes, en milieu rural. Il me semble que je suis à la fois trop concernée et trop distante pour procéder à une analyse objective. Je crois cependant que des ressemblances existent avec les spectacles que j'évoque dans ce corpus. Il pourrait s'avérer intéressant de consacrer aux « banquets littéraires » une étude spécifique.