Il a quarante cinq ans. C'est ni trop
vieux, ni trop jeune. C'est le bon âge. Le bon âge pour vivre, il a
dépassé les angoisses de la jeunesse et son corps ne lui fait pas
encore mesurer les années écoulées. Il n'a pas de travail. On lui
dit que ce n'est pas vraiment le bon âge, qu'aujourd'hui il faut des
jeunes, qu'il a de l'expérience, certes, mais qu'il n'est plus au
niveau. Au XXIème siècle on ne maîtrise plus les « nouvelles
technologies », mais « les technologies » et
« nouvelles » dans la pensée des recruteurs veut dire
archaïsantes. Il a entendu dire que le gouvernement avait créé des
postes pour les gens comme lui, dans l'éducation nationale. On en
parle tous les soirs au journal télévisé. Le nombre de postes est
mirobolant, à faire chavirer toutes les craintes. Il y en aura pour
tout le monde. Il a postulé. Il y avait beaucoup de femmes à
l'agence, dans son domaine moins. Il est ingénieur en informatique.
Il a été recruté et a pris son poste avec enthousiasme. Il fait 22
heures par semaine. Il travaille tous les jours, sauf le week-end. Il
vient parfois pour la journée complète, parfois il n'effectue que
quelques heures. Sa mission le passionne, il ne ménage pas sa peine,
il est sur tous les fronts, prêt à aider, à résoudre les pires
problèmes...On l'appelle pour un rien, surtout en dehors de ses
horaires officiels. Il vient. Pour les heures supplémentaires ?
Il n'aura qu'à les récupérer, plus tard, le mois prochain, le
trimestre prochain, il y aura bien un jour où on n'aura pas besoin
de lui....Pas question de lui verser de l'argent en plus, il gagne
presque 500 euros par mois...