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vendredi 21 novembre 2014

la nouvelle carte de Julie Rothhahn


Une nouvelle carte ? Quelle nouvelle carte. Quand j'ai réservé ma place en septembre, il faut toujours réserver sa place très tôt pour une intervention culinaire de Julie Rothhahn, je ne m'étais encore posée aucune question. Ses interventions font partie des « inclassables «  proposés par le Manège, cela n'empêche que les places disponibles sont immédiatement prises d'assaut. Un pari, dont on est pratiquement certain de sortir enrichi. (voir à ce sujet un article paru il y a presque un an : Empreintes une performance du public). Il faut dire que la jauge est toujours relativement petite.

Deux mois pour se forger une idée, parce que la perspective du spectacle intrigue, tout en vous laissant la certitude que vous ne trouverez pas.

Une nouvelle carte ? Une carte de géographie ? Une carte de restaurant.

L'attente se fait dans le hall du Manège, mais la soirée se déroule dans le cirque. L'ordre de départ est donné, on se rend en file indienne dans l'autre bâtiment. Entrée sage, dans une profonde pénombre. On devine vaguement des formes.... Nous occupons des gradins hauts du cirque sur un demi-cercle environ. Des sons, des musiques, de la lumière, de la fumée... sur la piste se dessinent des zones au milieu du brouillard.... Nouvelle carte : des continents à explorer. Nouvelle carte : à explorer gustativement. Coup d’œil au programme,c 'est l'incomparable Pascal Ferrat qui a participé au projet avec ses élèves du lycée hôtelier. Lui à qui il suffit de dire impensable ou irréalisable pour qu'il dise « pari tenu » a dû s'en donner à cœur joie.

Nous descendons sur la piste devenue territoire à dévorer. Un continent « cumulus » où l'on se munit d'une carte accrochée à un ballon blanc et l'on part en nuage ? En ballon pour cinq semaines de découverte... La carte est tamponnée à chaque escale. Visa d'un « exploit ».

Me revoici plongée dans mes questionnement sur « manger » et sur sa représentation. On me demande de manger et c'est le propos essentiel de cette intervention. Un rapide tour de l'univers et je m'organise en exploratrice rationnelle. Je vais voyager du salé au sucré... A chaque escale de mon vol,je mange quelque chose. Je ne vous livrerai pas tous les secrets qu'un habitant (élève des classes supérieure du lycée) vous dévoile avant de vous servir.

Me voici vraiment en plein au centre des interrogations qui m'agitent. Je mesure combien mon passage par « les arts du goûts » et ma réflexion actuelle me facilitent l'accès aux tables. Autour de moi des gens regardent avec suspicion, reniflent de loin, reculent devant un aspect … Le voyage est autant la visite d'un nouvel univers qu'un voyage en soi, à la limite de ses habitudes et de sa capacité à affronter l'étrange. On dévore les feuilles d'une forêt, on gobe des méduses, on nage dans un bouillon bleu effervescent, on se brûle à des nuages épicés, on suce la banquise, on plonge dans des œufs végétaux, on puise la lave blanche et parfumée des volcans, on colorie une mappemonde.

Une fois que l'on a mis le produit dans sa bouche, passant outre l'aspect dérangeant de la première impression, le goût revient et l'on peut expérimenter la texture qui a troublé notre approche.

Chacun part sur son propre circuit, les rencontres se font éphémères et superficielles, sur les premières impressions, c'est avant tout un parcours solitaire de naufragé volontaire. Après un abord aux continents éclairés, on se réfugie dans la pénombre pour être avec sa sensation qui ne peut être celle des autres et que les mots ne sauraient transmettre.

Il m'a manqué un peu de texte, un cheminement un peu plus narratif. C'est mon côté théâtreuse...

Il est vrai que cela aurait obligé à une extériorisation qui n'avais pas sa place ici.

La faim et la curiosité satisfaites, on se demande déjà ce que Julie Rothhahn pourra trouver l'an prochain...

Manger est un art, un art qui se partage, mais contrairement aux autres arts, il se partage de l'intérieur.