Reprise de ma rumination sur l'écran
dans le spectacle de la parole et des mots. Je préférerais dire
dans les performances du texte, tant je demeure persuadée qu'il
existe des performance de la voix et surtout des performances du
texte.
Le travail de Pascal Thétard (Bingo :
voir article en novembre) me ramène à ma réflexion. Il convoque
un autre spectacle Un mage en été
de Cadiot mis en scène par Lagarde et interprété par Pointrenaux.
Les deux spectacles ont recours de la même manière et avec la même
intention à l'écran en fond de scène. Il s'agit, dans les deux
cas, de figures abstraites ou oniriques, de couleurs ou de
mouvements. Pas d'illustration directe du textes, mais une
stimulation de sensations, d'affects. Le texte n'est impacté par
ces projections que par les transformations d'humeurs qui s'opèrent
dans le spectateur. Comme au cinéma, le spectateur est renvoyé à
son individualité, puisqu'il est appelé à vivre au niveau
émotionnel strict. Le public, compris comme un ensemble des
spectateurs unis par la représentation, disparaît. Se met alors en
place une forme d'empathie non avec le comédien, mais avec le
propos, favorisant l'écoute ? Ou la dérive ?
Souvenir
de deux autres spectacles autour de l'oeuvre de Thoreau (voir
articles antérieurs) l'une de J.F. Peyret, l'autre de J. Bonnaffé.
Le premier utilisait abondamment les projections :
photographies, parties de texte, avatars dessinés des personnages.
J'avais l'impression lors de cette représentation d'être renvoyée
vers le texte, de pouvoir en apprécier les nuances et la portée. La
lecture, qui constituait le second spectacle, donnait à voir un
lecteur, des lecteurs en prise avec le texte qui s'offrait dans sa
brutalité, son immédiateté. Pourquoi alors évoquer cette
lecture ? Parce que le même jour, j'avais assisté à un
concert d'orgue dans une église, à la tombée de la nuit, et qu'un
écran géant, qui obligeait les auditeurs à tourner le dos à
l'instrument, proposait des images de l'organiste, voire des gros
plans sur ses mains, sa partition. Comme si la musique ne pouvait
s'exprimer qu'à travers la médiation d'une image réaliste de sa
genèse.