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lundi 2 mai 2016

Le texte et l'écran (rumination)

Reprise de ma rumination sur l'écran dans le spectacle de la parole et des mots. Je préférerais dire dans les performances du texte, tant je demeure persuadée qu'il existe des performance de la voix et surtout des performances du texte.

Le travail de Pascal Thétard (Bingo : voir article en novembre) me ramène à ma réflexion. Il convoque un autre spectacle Un mage en été de Cadiot mis en scène par Lagarde et interprété par Pointrenaux. Les deux spectacles ont recours de la même manière et avec la même intention à l'écran en fond de scène. Il s'agit, dans les deux cas, de figures abstraites ou oniriques, de couleurs ou de mouvements. Pas d'illustration directe du textes, mais une stimulation de sensations, d'affects. Le texte n'est impacté par ces projections que par les transformations d'humeurs qui s'opèrent dans le spectateur. Comme au cinéma, le spectateur est renvoyé à son individualité, puisqu'il est appelé à vivre au niveau émotionnel strict. Le public, compris comme un ensemble des spectateurs unis par la représentation, disparaît. Se met alors en place une forme d'empathie non avec le comédien, mais avec le propos, favorisant l'écoute ? Ou la dérive ?


Souvenir de deux autres spectacles autour de l'oeuvre de Thoreau (voir articles antérieurs) l'une de J.F. Peyret, l'autre de J. Bonnaffé. Le premier utilisait abondamment les projections : photographies, parties de texte, avatars dessinés des personnages. J'avais l'impression lors de cette représentation d'être renvoyée vers le texte, de pouvoir en apprécier les nuances et la portée. La lecture, qui constituait le second spectacle, donnait à voir un lecteur, des lecteurs en prise avec le texte qui s'offrait dans sa brutalité, son immédiateté. Pourquoi alors évoquer cette lecture ? Parce que le même jour, j'avais assisté à un concert d'orgue dans une église, à la tombée de la nuit, et qu'un écran géant, qui obligeait les auditeurs à tourner le dos à l'instrument, proposait des images de l'organiste, voire des gros plans sur ses mains, sa partition. Comme si la musique ne pouvait s'exprimer qu'à travers la médiation d'une image réaliste de sa genèse.