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lundi 11 avril 2016

l'abandon de la mimesis (3ème partie)



Les spectacles a-dramatiques en proposant une forme spectaculaire qui ne repose pas sur l'exploitation de l'illusion, ou sur la mimesis, suscitent un autre imaginaire, débarrassé des stéréotypes et d'une surmediatisation de l'image et de la représentation du monde. Ces formes en se refusant à imiter un monde, en faisant mine de refuser le théâtre de l'illusion, soit en partant vers une authenticité proclamée, soit en affichant les artificces de l'illusion accomplissent d'une certaine façon une sortie du théâtre vers le monde de la réalité, du quotidien. Elles constituent un moyen de retrouver le caractère artisanal du théâtre.

«Pourquoi ne pas plutôt se concentrer sur ce qu'il reste de spécifique au théâtre : le corps réel d'un acteur s'offrant au regard immédiat d'un spectateur, l'évènement que constitue une telle coprésence ? »1

J'ai repoussé au début de ce chapitre l'acception de « représentation » comme temps du spectacle ou comme spectacle construit. Je pense toutefois qu'il y a aussi crise dans ce sens du mot « représentation ».

Le théâtre a perdu depuis déjà longtemps le goût pour les pièces longues. Nous sommes loin, dans les programmations actuelles, des spectacles interminables qu'a pu connaître le XIXème siècle et auxquels on pouvait encore assister au début du XX ème, avec un lever de rideau suivi d'une pièce en plusieurs actes entrecoupés d'entractes. Et rares sont les spectateurs qui se lancent dans les grandes représentations d'une nuit entière (comme la Trilogie de Wajdi Mouawad ou 3 pièces de Molière enchaînées dans une même représentation), et encore est-ce souvent comme une sorte de gageure. Souvent les abonnés ne se précipitent pas vers les pièces très longues inscrites au programme des scènes nationales. L'habitude de la télévision et du cinéma a réduit chez le public la volonté d'attention à une durée qui avoisine l'heure.

Les spectacles a-dramatiques se calquent presque toujours sur cet horaire, pour des raisons pratiques : leur inscription dans une programmation plus importante (ils ne représentent qu'une partie de la séance), la nécessité où ils sont de retenir un public attiré par d'autres propositions ; mais aussi parce que très souvent l'interprète est seul.


Les spectacles a-dramatiques offrent un dérivatif à la représentation en ne recourant pas à une mimesis, mais en faisant appel au pouvoir imaginatif des spectateurs et en ne leur demandant qu'un temps de disponibilité réduit à leur capacité d'écoute.



1Jean-Fréderic Chevallier, Le geste théâtral contemmporain : entre présentation et symboles, in L'annuaire théâtral, n° 36, Ottawa, 4e trimestre 2004, p. 30