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lundi 11 avril 2016

l'abandon de la mimesis (2ème partie)

Longtemps le théâtre a consisté en une mimesis, une imitation de la vie, tendance qui a atteint un paroxysme dans les expériences naturalistes d'Antoine ou qui apparaît dans les conceptions de Emile Zola. Qu'il s'agisse d'imitation, stricto sensu, de la réalité ou de représentation, c'est à dire de filtrage de la réalité à travers une construction esthétique et intellectuelle, qui la rend accessible au spectateur, la mimesis ne répond plus aux attentes du spectateur actuel. Le cinéma assume bien mieux cette fonction. Il donne à voir une réalité plus véritable que ne peut l'être celle du théâtre. Les décors offrent une vision réelle d'une rue, d'une ville, d'un site, éventuellement reconnaissables. Les déplacements suivis par la caméra apportent un mouvement que le plateau ne saurait rendre qu'artificiellement. Les trucages et autres effets produits directement ou introduits par retouches ensuite marquent l'infériorité du théâtre. Par exemple, le rapport à la violence de certaines scènes n'a pas le même statut dans un film d'horreur et dans une pièce de Sarah Kane. Pour retrouver des rapports identiques, il faut se tourner vers certaines performances où le performeur pratique des formes d'automutilation. Mais là encore, la mimesis est mise à mal, puisqu'elle perd son caractère de réversibilité. On ne peut revenir à la situation antérieure.

Certes, des metteurs en scène contemporains, en utilisant les techniques du cinéma, notamment les caméras filmant en gros plan un élément du corps de l'acteur (oeil, lèvres...) projeté sur un grand écran faussent cette insuffisance du théâtre par rapport au cinéma. Il faut, toutefois, souligner que, dans une majorité des cas, la projection d'images directement capturées sur scène en temps réel ne recherchent pas une réalité ou une imitation de la réalité comme peut le faire le cinéma. L'intrusion du cinéma sur la scène contribue davantage à une spécificité du théâtre à être un art du présent et de l'éphémère. Elle marque son orientation de plus en plus accentuée vers une complémentarité sur scènes de l'ensemble des arts et à une recherche esthétique qui assujettit le texte aux autres formes d'expressions.

La reconnaissance de la réalité transmise par la mimesis est court-circuitée, et l'identification du spectateur à ce qu'il voit sur scène rendue impossible.