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mercredi 11 novembre 2015

Les IRREELS (critique)

Comment vous parler de ce que j'ai vu ? Un spectacle ? Un rêve éveillé ? Des acteurs ? Des marionnettes ? Une plongée dans l'irréel. C'est d'ailleurs le nom de la performance que propose la compagnie Créature. LES IRREELS.
Rien ne peut mieux convenir et comprenez la vanité et l'impuissance des mots pour donner une idée de ce que j'ai vécu à leur rencontre.
Au niveau aussi de la relation aux spectateurs, il y a beaucoup à dire.
Essayons une description méthodique, une partie du chemin sera déjà parcouru.
Il y a 15 « cabanes » de foire, formant un cercle autour duquel le public est invité à tourner dans le sens qu'il veut, en respectant l'ordre ou en sautant de stations. Cela paraît simple.
Chaque cabane représente un univers particulier (matière, couleur, organisation). Cela commence à se compliquer. Tout y est respecté : il y a une foule d'ustensiles dans le monde de la cuisine. Des albums de photos de toutes les époques, du linge à étendre, une lessiveuse, des filets de pêche... Il faudrait des heures pour retrouver et assimiler les moindres détails si importants de chaque univers.
Dans chacun de ces univers un personnage (parfois deux), entre humain et animal. Si humain dans son attitude et sa gestuelle, si animal dans son masque. Si hybride qu'on ne peut que se tromper. Une poule a une crête en fleurs, des plumes en tulle, un cheval à une crinière en dentelle, un lion un pelage en loden, quant à la biche elle porte crinoline de velours comme les personnages de Grandville. Leur nom est déjà tout un programme : la dorloteuse d'enfance, la lessiveuse de malheurs, le pêcheur d'espoir, la berceuse de secrets.
Que se passe-t-il alors ? Rien. Que font-ils ? Rien. Que disent-ils ? Rien. C'est une de ces ménageries qui s'installent parfois sur les parkings des centres commerciaux. Et pourtant c'est le spectacle le plus troublant, le plus bouleversant que j'aie vu depuis des années. Le spectacle n'est pas extérieur, mais en nous. Chaque personnage a une mini marionnette ou un objet auquel il donne vie et grâce auquel il communique un peu avec les badauds.
Le trajet c'est le public qui le fait. Par une petite pancarte, on connaît les fonctions des personnages. Un texte d'une grande poésie, simple comme toute grande poésie, « il rêve, il invente les amis imaginaires qui peuplent son esprit, avant qu'ils rejoignent les humains pour les accompagner ».
Nous regardons les personnages évoluer avec la part de secret, de désirs inavoués, de regrets bien tapis. Les regarder c'est regarder à l'intérieur de nous, avec bienveillance et impudeur. Leur masque est figé, il ne nous renvoie rien, mais ils reçoivent les émotions qui naissent en nous, accentuent une pose, esquissent un geste plus personnel pour dire « oui, nous existons, ici et maintenant ». Quand on quitte une cabane, qu'il faut fermer les yeux ou affronter ceux des autres spectateurs, un échange parfois s'ébauche, pauvre et banal « c'est beau », parce que l'aventure et la représentation ont lieu au plus intime de chacun.

Je vais bientôt reprendre mes ruminations sur l'écran dans les spectacles de lecture ou de poésie. Le comédien avec lequel je travaille régulièrement prépare un nouveau spectacle (première vendredi...) Il  paraît que la mise en scène repose sur la notion d'écran.. Juste quelques photos. Je ne veux pas savoir avant...