Sensation de douleur.
Malaise.
Entravé, couché.
Bouger, un effort
insurmontable.
Conscience d'être, mais
d'une existence différente, toute de lourdeur. Impression de peser,
d'avoir un poids. Oui, souffrance de la pesanteur.
Quelque chose m'ancre.
Blanc, lumière blanche,
cercle éblouissant, juste au dessus de moi. Artificiel.
Premier mouvement étonné.
J'ai un corps, je suis dans un corps. Au bout de mon bras encore
gourd, la vie agite des doigts, mes doigts. Je tente un mouvement.
Repli sur le ventre. Ma main s'ose plus bas, exploratrice, glisse sur
la peau. Aucun obstacle. Un creux entre les jambes mortes. Femme. On
m'a faite femme. Qui on ? La main remonte. Deux boursouflures tièdes.
Oui, femme. Je suis dans
un corps de femme. Comment suis-je arrivée ici ?
Un corps de femme sort de
son engourdissement de femme. Presque simultanément un homme et deux
autres femmes explosent dans la phosphorescence laiteuse qui règne
dans la pièce et dans mon âme.
Qui je suis ? Comment je
m'appelle ? D'où je viens ?
Est-ce une façon
d'accueillir un bernard-l'ermite nouvellement installé dans sa
coquille ?
Ce que je suis ? je
suis, j'étais une épine. Une minuscule épine, à son cœur, à ses
lèvres, à ses yeux, à son sexe... une minuscule épine, qui, quand
elle s'accrochait, lui donnait envie d'aimer, de rire, d'embrasser,
d'écrire, de...