Avignon, donc.
Il y avait 7 ans que je
n'avais pas mis les oreilles et les yeux au festival.
A l'époque, je suis une
équipe qui analysait les spectacles du IN pour en tirer du matériel
pédagogique.
A l'époque, j'avais peu
fréquenter le OFF, trop de travail (plusieurs spectacles par jour,
dont les interminables de la cour d'honneur, le travail ensuite, puis
la mise en commun...)
Cet été, j'accompagnais
un spectacle du OFF. Je passais beaucoup de temps en communication
autour du spectacle, dans les rues, auprès des représentants des
structures officielles.
J'avais décidé
relativement tard de venir et je n'avais pas réservé de places pour
le IN.
J'avais limité ma
consommation à 2 ou 3 spectacles par jour... avec modération....
Choix difficile, plus que
difficile.
Le programme du OFF c'est
127 pages avec parfois cinq ou six spectacles présenté sur une
page.
C'est 129 lieux de
représentation, auxquels il faut ajouter les spectacles de rue (les
officiels) et ceux qui s'incrustent, les parades...
Chaque jour on peut
assister à un peu moins de 1500 spectacles... (autour de 1470).
Avignon « la plus
grand théâtre du monde » est aussi un temple de la démesure.
Parlons des spectacles :
vous imaginez bien qu'il est impossible sans une certaine culture de
faire son choix dans cette surabondance.
Les grands noms côtoient
les anonymes. Mais lesquels seront les meilleurs serviteurs d'un
texte, d'un auteur. Si l'on peut miser sans crainte sur quelques uns,
les autres se révèlent parfois plus que décevants... Marcher dans
les rues d'Avignon après 10 heures du matin est une expédition.
Vous en pouvez pas faire un pas sans être abordé par un
« tracteur » qui vous vante le spectacle de la compagnie
qu'il accompagne. Les comédiens des salles descendent sur les
trottoirs, les placettes pour essayer de convaincre et d'attirer un
public déjà assailli. Tout est bon pour se faire remarquer :
les costumes de scène mais aussi les déguisements qui sembleraient
outranciers au carnaval de Dunkerque et qui surtout n'ont pas la même
vocation festive.
Il faut dire que le
public n'est pas assez nombreux pour fournir à chaque salle le quota
de spectateurs. Il faut se battre pour couvrir ne serait-ce que les
frais de location du théâtre. Se battre c'est à dire capturer le
public avant les autres.
C'est drôle, on se
retrouve des siècles en arrière, sur le Pont Neuf. C'est une belle
approche historique... Aux XVIIème et XVIIIème siècles la lutte
était-elle aussi âpre ?
Les spectateurs du IN
regardent avec un certain mépris cette agitation vulgaire,
puisqu'ils sont contraints de fréquenter les mêmes rues …. Gare
aux « tracteurs » du OFF qui oseraient les aborder... Ils
ne discutent que rarement avec les spectateurs du OFF, ne fréquentent
pas les mêmes restaurants, les mêmes bars, les mêmes jardins, les
mêmes cours. Ils ne pénètrent dans cette jungle hostile qu'avec le
guide du routard Jérôme Garcin ou le guide vert de Fabienne
Pascaud.
« Vous avez aimé
« au bonheur des vivants », mais il ne figure pas dans la
liste des 10 spectacles à voir.... ». La bouche se pince, puis
la lippe descend en un sourire condescendant. Pauvre, vous n'êtes
pas … Enfin, comment pouvez-vous.... ?
Pendant ce temps-là, un
homme aux seins nus format L et aux fesses en plastique passe en
poussant un landau où une appareil hurle « Folles en scène ce
soir à 18 h 30 »....