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vendredi 26 août 2016

L'espace commun au théâtre (1)

Une discussion récente me conduit à reprendre un passage du texte qui m'a été confié. La réflexion devrait se poursuivre dans les semaines qui viennent... en alternance avec d'autre formes d'écriture. 


  Si les spectacles du texte et de la parole nécessitent la mise en place d'un dispositif spécifique à chacun d'eux, et peuvent grâce à cette organisation de la représentation s'enrichir de l'investissement de lieux connotés, ils s'appuient aussi sur une redéfinition de l'espace de jeu et de regard.
La correspondance entre la distance qui sépare les spectateurs et les acteurs a fait l'objet de nombreuses études, notamment celles de Marie-Madeleine Mervant-Roux1. C'est à Odette Aslan que j'emprunte néanmoins la classification suivante des espaces : « A 45 cm, l'une de l'autre, deux personnes sont dans un espace intime ; jusqu'à 1 m 20 dans un espace personnel ; jusqu'à 3 m, dans un espace socio-consultatif ; à plus de 3m l'un de l'autre, ils sont dans un espace public. »2 Les distances dans la plupart des spectacles de mon corpus se situent souvent entre 1m 20 et 3 m, c'est dire qu'elles ne forment jamais un espace public. Elles peuvent parfois aussi se réduire à la création d'un espace intime (dans les Yeux bandés ou à certains moments de Ta peau ici.)
Cette proximité avec l'interprète contribue à une communication et à une réception différente. Il y a un sentiment « d'être ensemble », de « faire ensemble », un sentiment d'appartenance à une communauté spectatrice et théâtrale, très différent de ce que pouvait éprouver le public du XVIIème siècle, voyant quelques privilégiés sur scène.
Pendant toute la période classique en France, salle et scène étaient éclairées, parfois la salle même plus que la scène. L'acteur s'avançait vers la rampe pour saisir la lumière, pour s'y donner et s'assurer d'être vu par les spectateurs qui faisaient souvent autre chose (discussion, bataille, conversation, repas) au parterre. Les petits marquis installés sur les côtés du plateau, cherchaient plus à paraître qu'à suivre le spectacle. Pouvait-on cependant à l'époque parler d'espace partagé dans le même sens qu'aujourd'hui ? Non, je ne le crois pas. Si l'espace englobait les participants de la représentation, chacun y occupait une place précise, au vu des autres, mais sans pour autant établir un échange. (Rares étaient les comédiens qui abandonnaient la déclamation de leurs vers, pour répondre aux invectives d'un Cyrano de Bergerac, par exemple.)


1Marie-Madeleine MERVANT-ROUX, L'assise du théâtre, pour une étude du spectateur, Paris, CNRS éditions, 1998

2Odette ASLAN, L'acteur au XX ème siècle éthique et technique,Vic La Gardiole, L'entretemps, 2005, p. 376