Une discussion récente me conduit à reprendre un passage du texte qui m'a été confié. La réflexion devrait se poursuivre dans les semaines qui viennent... en alternance avec d'autre formes d'écriture.
Si les spectacles du texte et de
la parole nécessitent la mise en place d'un dispositif spécifique à
chacun d'eux, et peuvent grâce à cette organisation de la
représentation s'enrichir de l'investissement de lieux connotés,
ils s'appuient aussi sur une redéfinition de l'espace de jeu et de
regard.
La
correspondance entre la distance qui sépare les spectateurs et les
acteurs a fait l'objet de nombreuses études, notamment celles de
Marie-Madeleine Mervant-Roux1.
C'est à Odette Aslan que j'emprunte néanmoins la classification
suivante des espaces : « A 45 cm, l'une de l'autre, deux
personnes sont dans un espace intime ; jusqu'à 1 m 20 dans un espace
personnel ; jusqu'à 3 m, dans un espace socio-consultatif ; à plus
de 3m l'un de l'autre, ils sont dans un espace public. »2
Les
distances dans la plupart des spectacles de mon corpus se situent
souvent entre 1m 20 et 3 m, c'est dire qu'elles ne forment jamais un
espace public. Elles peuvent parfois aussi se réduire à la création
d'un espace intime (dans
les Yeux
bandés
ou à certains moments de Ta
peau ici.)
Cette
proximité avec l'interprète contribue à une communication et à
une réception différente. Il y a un sentiment « d'être
ensemble », de « faire ensemble », un sentiment
d'appartenance à une communauté spectatrice et théâtrale, très
différent de ce que pouvait éprouver le public du XVIIème siècle,
voyant quelques privilégiés sur scène.
Pendant
toute la période classique en France, salle et scène étaient
éclairées, parfois la salle même plus que la scène. L'acteur
s'avançait vers la rampe pour saisir la lumière, pour s'y donner et
s'assurer d'être vu par les spectateurs qui faisaient souvent autre
chose (discussion, bataille, conversation, repas) au parterre. Les
petits marquis installés sur les côtés du plateau, cherchaient
plus à paraître qu'à suivre le spectacle. Pouvait-on cependant à
l'époque parler d'espace partagé dans le même sens qu'aujourd'hui
? Non, je ne le crois pas. Si l'espace englobait les participants de
la représentation, chacun y occupait une place précise, au vu des
autres, mais sans pour autant établir un échange. (Rares étaient
les comédiens qui abandonnaient la déclamation de leurs vers, pour
répondre aux invectives d'un Cyrano de Bergerac, par exemple.)
1Marie-Madeleine
MERVANT-ROUX, L'assise du théâtre, pour une étude du
spectateur, Paris, CNRS
éditions, 1998
2Odette
ASLAN, L'acteur au XX ème siècle éthique et technique,Vic
La Gardiole, L'entretemps, 2005, p. 376