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mercredi 9 décembre 2015

ainsi soient-ils arte

Me voici avec un nouvel article bien difficile à commencer. Je voudrais vous parler de Jacques Bonnaffé.
J'ai souvent parlé de lui dans des critiques de théâtre, ou des analyses de lectures, mais je voudrais aujourd'hui évoquer son travail dans des séries télévisées et un peu aussi au cinéma. Je l'ai déjà dit, je connais mal le cinéma : j'assiste à trop de spectacles vivants pour pouvoir consacrer du temps à m'enfermer dans une salle devant un simulacre de vie.
Ma rumination repose sur 3 rôles : Jules dans « Le cri » , une série de 2006, Xavier Valla dans « Le commissariat » un téléfilm de 2009, et Monseigneur Poileaux dans la série « Ainsi soient-ils », dernière saison diffusée actuellement sur Arte.
Si vous avez la curiosité de regarder les photos des 3 personnages (google images), vous serez étonnés de voir à quel point ils sont différents. On peut même parfois se demander s'il s'agit du même comédien. Il est des acteurs (dont je tairai le nom pour ne pas leur faire de la publicité) qui se ressemblent toujours. Pas Jacques Bonnaffé. Chaque personnage est une composition totale : physique et vocale. On croirait presque qu'il fabrique une marionnette de son corps et de son visage et que son action de comédien consiste à les manipuler de l'intérieur.
Alors que Jacques Bonnaffé est un maître de la parole. Il est capable de réciter des poèmes ou des textes en prose pendant des heures, présent par sa seule voix. 
Alors que Jacques Bonnaffé est un maître de la parole, disais-je, ses compostions pour la télévision s'imposent par l'image qu'elles laissent dans l'imaginaire.
Jules : un corps appuyé contre une machine, deux mains qui se posent sur d'autres, une démarche maladroite à la sortie de l'usine, une carriole presque impossible à tirer, une apnée avant une attaque... tout le tragique du personnage est résumé dans ces quelques flashs.
Valla : une claudication en descendant de voiture, un signe de croix étriqué dans une église, un regard au ciel face à un officier allemand.... Tout est là en trois images maîtresses et d'une justesse sidérante.
Le reste du film ou de la série ne sert qu'à enrichir le personnage comme une métaphore qu'on filerait à l'infini. Un rôle tragique (si la gorge ne vous fait pas un peu souffrir quand vous regardez Jules, vous rirez à Racine), un rôle de « traître » et d'ordure. Belle palette déjà.
A cela s'ajoute Monseigneur Poileaux, un personnage esquissé dans la Saison 2 de « Ainsi soient-ils ». Un nouveau venu, homme maladroit, pur, encore empreint de provincialisme, trouvant son autorité dans le besoin de faire respecter les valeurs en lesquelles il croit. La Saison 3 le découvre regrettant d'avance la place qu'il doit quitter et dont il se croyait indigne. Dès les premières scènes, il est tiraillé entre la tentation de l'ambition et la modeste droiture qui le définit, mais déjà près de succomber. Monseigneur Poileaux rêve haut, en gardant les pieds sur terre. Une évolution du personnage qu'un jeu de physionomie annonçait : dans la saison 2, au moment de la vente du séminaire, Jacques Bonnaffé instille dans le regard de son personnage la découverte d'un autre univers et fait surgir l’ambiguïté qui régit Monseigneur Poileaux dans la saison 3.Tout cela en l'alimentant d'un pouvoir humoristique qui le rend sympathique et le désacralise. « Son excellence » est drôle mais pas risible.
Et l'excellence du comédien me laisse pantoise.
Allez voir aussi le professeur de Va Savoir, l'épicier de Derrière Les Murs.... et puis pendant que vous y êtes faites un tour par Coquillage et crustacés, ou Vénus institut....