Pages

Pages

samedi 16 février 2019

Après sa mort on peut devenir parrain du Printemps des Poètes


Voici le document dont se sert Le Printemps des Poètes pour la communication  de ses événements. 
Pour ceux qui ne reconnaîtrait pas l'image: il s'agit à la base d'une photo de Gérard Philipe. 
Le tableau est une oeuvre de Gérard Fromanger qui porte le titre "Gérard Philipe dans le Prince de Hombourg". 
Pour ceux d'entre vous qui ne connaîtraient pas Gérard Philipe, il s'agit d'un des comédiens les plus populaires de la fin des années 40 et des années 50. Il était né en 1922 et est mort en 1959 (il y a 60 ans). Il n'avait que 36 ans, il est mort 15 jours avant ses 37 ans. Pour toute une génération, il symbolisa la jeunesse qui échappait de la guerre et rêvait de construire un monde nouveau. Il symbolisa la jeunesse simplement parce qu'il ne connut jamais la vieillesse. Il symbolisa aussi la beauté parce qu'il était correspondait aux critères de l'idéal masculin à cette époque et parce qu'il avait joué dans  "la beauté du diable" où il incarnait Méphistophélès et le jeune Faust. Incarnation de la beauté et de la jeunesse, il devint vite un des plus grand nom du théâtre et du cinéma. Il contribua à la réussite du Festival d'Avignon. Mais il fut aussi un des comédiens qui révolution le jeu théâtral en imposant le naturel dans la déclamation, il fut engagé politiquement, et présida un temps le syndicat des acteurs français,  il fit découvrir en France des écrivains engagés. Passionné de poésie, il fit connaître au grand public Henri Pichette notamment, en portant un de ses textes sur la scène, avec Maria Casarès. 
Il fut l'idole des plusieurs générations et pour de nombreuses personnes, cette image est mythique et reconnaissable entre toutes : La mort du prince de Hombourg. 
La voir apparaître comme symbole d'un printemps des poètes qui renoue avec la mièvrerie et le misérabilisme émotionnel est profondément choquant. Il s'agit d'une manœuvre pour cautionner par la référence à un mythe du théâtre des propos contre lesquels il se serait insurgé. Les manuscrits qu'il a laissés permettent d'imaginer que la suite de la carrière qu'il envisageait allait vers la difficulté, la politique, l'analyse humaine... le choix de Ripois ou de Valmont dans ses derniers films confirment cette intention.
Comment l'imaginer garant d'un Printemps des Poètes qui a perdu sa vigueur.
Le seul avantage, c'est qu'on ne risque pas en choisissant Gérard Philipe de le voir venir un scandale le jour de l'inauguration officielle...A moins et ce serait drôle : le long spectre blanc du Prince de Hombourg venant jouer Hamlet .. "Il ya quelque chose de pourri dans le royaume de Danemark"... 


lundi 22 octobre 2018

areleve-re, brave soldat


Une petite ville de la banlieue de Douai, Cuincy, et un soirée de mi-octobre, une date parmi d'autres dans le calendrier des commémorations de l'Armistice de 1918. Pourquoi en parler, parce que cette petite ville s'est offert la présence d'un comédien connu en lui laissant carte blanche. La salle est comble. Le comédien est Jacques Bonnaffé. Nous sommes dans le Nord et il pédale local... Un spectacle d'un peu plus de 2 heures terminé par une Ovation debout.
Après une présentation par une élue qui met en parallèle, les récompenses du comédien, son rôle de chroniqueur en poésie sur France Culture et ses choix qui l'éloignent d'une politique carriériste, la soirée « areleve-te, brave soldat » peut vraiment commencer.
Le spectacle se divise en deux parties qu'un faux entracte improvisé délimitera.
Le première partie se passe en bas de la scène éclairée qui donne à voir un décor et les accessoires d'une autre pièce.
Jacques Bonnaffé, assis à un bureau, manipule son ordinateur pour faire entendre des textes enregistrés accessibles sur le site Cafougnette. Des extraits d'un ouvrage de Jules Mousseron « les Boches en pays noir », texte qui avait déjà été présenté à l'auditorium du Centre historique minier de Lewarde au moment de sa diffusion sur CD. Jacques Bonnaffé est, je pense, le seul comédien à passer un enregistrement alors qu'il est présent, alors qu'il pourrait lire le texte. Il en profite pour commenter, traduire quelques expressions, reprendre une phrase. C'est contraire à toute règle consensuelle de représentation et pourtant ça fonctionne. Le public en redemande. Une petite anicroche dans la manipulation, un ennui technique, il y va d'une plaisanterie. Le ton est donné nous sommes dans la performance. Je ne parle pas du show ou du récital, mais de la performance du texte, au sens théâtral.
Les auteurs sont là : Mousseron, bien sûr, Genevoix, Aragon, Darras... « Elitaire et pomme de terre », comme l'annonce la devise qu'il s'est forgée. Les guerres aussi se mélangent : 14-18 (avec déjà l'annonce de la réconciliation de 1963, « aujourd'hui on ne dit plus Boche »), 39 45 (avec la bataille de Dunkerque) et toutes les guerres qui de nos jours encore poussent les populations sur les routes. Un poème de Mousseron parle de l'exil forcé de la 1ère guerre mondiale, on pense au cortège de « En mai fait ce qui te plaît », 20 ans plus tard et aux migrants plus récents. On pense au film « Dunkerque ». Jacques Bonnaffé prend d'ailleurs soin de rappeler les dates, de montrer leur peu de distance. Les textes sont noirs, denses, solides, prégnants mais il trouve toujours un moyen pour les détourner quelques secondes, en trébuchant sur une phrase, en commentant « Genevoix ne m'aide pas dans sa transcription du chtimi... ». Martin, un personnage de Ceux de 14 rejoint Cafougnette. Ils sont du Nord, et encore plus frères de ceux qui écoutent.
Jacques Bonnaffé prône la supériorité des mots sur les images et c'est pourtant son image qui soutient la lecture, vient relancer l'écoute... C'est flagrant quand, parti à la recherche d'un passage dans un livre, il se tait, ne donnant plus à voir que son enveloppe. Il est ailleurs et dans un autre temps (rupture du « temps commun » de la performance). Immobile, de profil, concentré sur sa recherche, il a oublié le public. Le public, lui, reste silencieux, en attente, l'image est forte de cet homme en train de lire, un peu de ce qu'il vit passe..., ou un peu de son action (nous sommes vraiment dans la Performance). Puis il a trouvé le passage, la lecture à voix haute reprend... nous partageons à nouveau le même temps.
Le seconde partie est un extrait du spectacle « Les vieilles carettes » (voir article publié en août 2018). Si certains auteurs sont ceux qui avaient été dits à Vassivière, de nouveaux viennent les rejoindre : Raymond Queneau et Valérie Rouzeau notamment. « élitaire et pomme de terre » et Jean-Pierre Verheggen pointe le bout d'un poème.
Cette seconde partie ne détonne pas avec la première bien que constituée par un spectacle officiel, qui tourne avec une base presque fixée, tant chaque mot, chaque passage, chaque phrase, chaque geste, a été étudié, travaillé au calibre des enseignements pris dans les performances. La seconde partie n'a que la couleur d'une « performance », elle est un chef d'oeuvre de composition (on sait l'excellence du comédien dans ce type de rôle) et de minutie. C'est le minuscule détail de la toile de Brueghel l'Ancien.
Comme toutes les performances, cette soirée n'est pas reproductible.... Elle ne pourra être qu'imitée.

lundi 1 octobre 2018

la voyageuse (critique)


Me voici à devoir parler de la troisième soirée à laquelle j'ai assisté au festival Paroles de conteurs de l'Ile de Vassivière.
C'est aussi celui qui me pose le plus de problèmes et qui m'a le plus dérangée pendant sa représentation. J'ai, à plusieurs moments, éprouvé l'envie de partir, de m'échapper.

Une femme seule parle du cruel dilemme qui l'écartèle : poursuivre une carrière d'écrivain qui s'annonce bien ou s'occuper davantage de sa jeune enfant, qu'elle a surnommée «  Cappuccino ».
Elle évoque en parallèle les événements de sa vie professionnelle qui l'appelle régulièrement partout dans le monde et ses retours brefs, irréguliers dans son petit appartement où elle retrouve sa fille. L'enfant qui est en école primaire s'intéresse à sa mère peut-être plus que la mère ne s'intéresse à la fille, toujours entre deux écritures, deux lectures. Il y a pourtant de l'amour entre les deux et le souvenir de l'amour que portait la mère à sa propre mère également écrivain. Le spectacle est une illustration fidèle et bien observée de la difficulté, voire l'impossibilité, des femmes à assumer à part égale leur carrière et leur vie familiale. On ne demande pas aux hommes de le faire, ou quand ils y sont contraints, on les montre dans un film «fort », qui « dérange » , pour bien faire comprendre les sacrifices que cela suppose et l'on s'apitoie sur le « pauvre père ». Ici aussi la femme doit se sacrifier pour la vie de sa fille.
La comédienne assume à elle seuls tous les personnages : hommes, femme et enfant, s'adressant tantôt au public dans un schéma narratif de type « conte », tantôt en jouant (théâtralement) simultanément les différents protagonistes de la scène. C'est admirablement bien fait, une mise en scène précise et juste, un jeu étudié et subtil.
D'où vient alors mon malaise ? Mon impossibilité d’applaudir ? Mon refus d'empathie ?
On comprend très vite que Michèle Nguyen parle d'elle, avec une barrière artistique si mince qu'elle ne résiste pas. La souffrance de la comédienne est plus forte que la souffrance du personnage. On imagine le nombre de séances chez le psychologue qui ont permis aux mots d'être prononcés, aux sentiments d'être assumés.
Que me demande-t-on en tant que spectateur ? Un rôle neutre d'écoutant ? Un prise de position (Oh la pauvre, quelle grandeur ! Quelle générosité ! ) ? où est le conte ? (ce genre de représentation s'apparente aux « récits de vie ») Il ne peut s'agir d'une performance : trop travaillé, trop théâtralisé... Le texte n'est pas essentiel. L'important est la douleur et le déchirement, la mise en croix.
On pleure beaucoup sur scène et dans la salle. Parce que l'émotion est palpable et communicative. Et les dernières paroles sont « vous m'avez manqué », réunissant le réel et ce qui est sur le plateau.

Nous sommes sous un chapiteau pendant un festival, on applaudit. Que feriez-vous si à la terrasse d'un café une femme venait vous raconter les tourments qui l'agitent et la culpabilité qui la déchire ?
Que dire de ce spectacle ? Si ce n'est que je n'y vois ni théâtre, ni conte, ni performance.

mardi 4 septembre 2018

"les vieilles carrettes" Jacques Bonnaffé


Un homme, sans âge, tirant une vieille « voiture à bras », lourde d'un passé qui le résume et qu'il a un peu peur d'exhumer, malgré l'envie qu'il affiche de la fouiller avec le public. Il a tout perdu. Autrefois, avec d'autres à la limite de l'étrangeté, de la différence,  il était forain, marchand de contes, d'histoires, de mots (les siens et ceux des autres). Cela, c'était avant la grande catastrophe qui l'a mis sur la route avec son maigre bagage, ramassis hétéroclite de vêtements, de déguisements, de musique, de souvenirs qu'il inventorie avec les spectateurs, luttant contre la fatalité et la malchance. Alors resurgissent ses souvenirs : le Nord, sa langue, ses carnavals, ses bandes, ses héros du quotidien, la vie de caravane avec les autres forains montreurs de curiosités... Il convoque tous ceux qui ont contribué à son histoire, les confondant au hasard de leur surgissement : Arthur Rimbaud, Jules Mousseron, Jacques Darras, Lucien Suel, Charles Aznavour, Raoul de Godsvarvelde, Dominique Sampiero, Jean-Pierre Verheggen.  Il explique, joue de la dérision, commente devant un public complice, traduit quelques mots, entre rire et émotion, pousse une chanson reprise en choeur par la salle, souffle quelques notes qui trouvent un écho. Il se souvient d'amis avec des accents différents et des contes orientaux s'invitent dans le ciel du Nord, avec une parenté gouailleuse.  Encore et encore il marche * à la musique de la carriole qui le suit, comme un Gille au rythme de son apertintaille, dans la même résignation. C'est drôle, émouvant, nostalgique sans sensiblerie. 




On ne peut s'empêcher d'établir une corrélation entre ce personnage de fiction et l'interprète. Pour ceux qui n'ont pas eu la chance de voir les spectacles précédents de Jacques Bonnaffé, il y a dans ces « vieilles carrettes » un échantillon de ce qui a fait sa marque de fabrique et ses succès.




* au festival de Vassivière : Paroles de Conteurs, l’exiguïté du plateau accentuait encore l'impression de fauve en cage, de prisonnier du destin.

lundi 27 août 2018

Le conte d'aujourd'hui

Petit passage par le festival du conte "Paroles de conteurs" du lac de Vassivière dans le Limousin, Nouvelle Aquitaine.

Je ne suis restée que quelques jours au début du festival sur l'île de Vassivière dans le campement des contes, le village des contes.
Il vous faut imaginer de grandes tentes sur une immense prairie, un chapiteau de 300 places. Des espaces dédiés à la restauration, à la vente, aux échoppes,aux jeux pour les enfants, aux rencontres, à la détente, à la lecture, à la baignade ... des zones éphémères qui se créent pour un instant particulier ...
Des contes, il y en a pour tous les goûts, pour tous les âges, pour tous les publics...
On revoit les mêmes visages d'un spectacle à un autre, puis des têtes nouvelles
Visages éblouis devant des contes merveilleux, plus graves devant les contes de sagesse.
tous prêts à danser quand l'accordéon commente un conte tzigane.
Oreilles qui s'ouvrent parfois à la poésie comme lors de la visite performance d'une exposition.

Ce qui me pose question ce sont les spectacles du soir destinés à un public adulte, je n'ai pas dit "averti". J'ai assisté à 3 de ces spectacles. Vous avez sans doute remarqué que je n'ai pas dit "contes".
Les vieilles carrettes de Jacques Bonnaffé, [Sol] de Thomas Suel, et Voyageuse de Michèle Nguyen.
Je reviendrai davantage sur chacune de ces soirées.
Jacques Bonnaffé proposait un travail à partir de textes en rouchi, de chansons, d'anecdotes, de poèmes alliant le rire et l'émotion, passant de la confidence d'un personnage (imaginaire) aux textes d'auteurs, avec une interprétation très maîtrisée dans la spontanéité.
Thomas Suel présentait lui une performance à la fois plastique et orale qui évoque son enfance et sa vie actuelle, performance qui avait été ébauchée dans l'après-midi par une autre performance.
Quant au spectacle de Michèle Nguyen, il a l'ambiguïté d'une histoire qu'on sent vraie et autobiographique et les références d'une pièce de théâtre (metteur en scène nommé, jeu très construit)
Où est le conte dans cela ? Remonter à une étymologie du mot ?
Celui qui se donne comme le plus "construit" théâtralement et aussi celui qui donne le plus l'impression d'avoir échangé sa place de spectateur contre un poste de psychanalyste. Sensation dérangeante ...

A suivre

samedi 30 juin 2018

Rando poésie Laurence Vielle Camille Perrin


Nous sommes quelques uns, les premiers arrivés sous le chapiteau devant la médiathèque de Cornimont. Un rando- poésie est organisée dans le cadre du festival des Arts Mélangés.
Le soleil brille et éclaire l'effilochement de vagues nuages. C'est le premier bonheur de cette après-midi. La météo avait prévu un temps mitigé.
Les autres participants arrivent, trouvent pour les derniers encore de la place. On se poussera, on se serra, on a le cœur grand et les jambes qui s'impatientent.. Nous serons pas loin de 70 à prendre le départ, il y a même une dame qui marche mal en Joëlette.
La rando commence par une montée un peu raide, on l'a annoncée comme telle. Mais finalement l'enthousiasme la dévore ; Deuxième bonheur de la journée. Nous arrivons presque en avance à la première station de poésie, surprenant Laurence Vielle et Camille Perrin qui en sont encore aux mises au point. Ils ne se connaissent que depuis quelques heures.
A l'arrière de la Croix des Missions une pente douce accueille les spectateurs. Nous serons assis à l'ombre, face à la vallée et aux sommets de l'autre côté. Troisième bonheur de la journée.
Montée sur le socle sur lequel s'appuie la croix, Laurence Vielle commence la lecture d'un poème extrait de OUF, et de DOMO DI POEZZIA . Sur le côté, Camille Perrin commence à faire chanter sa contrebasse. Quatrième bonheur de la journée ? Non, celui-là n'est pas du même ordre, il est de ces bonheurs qui relativisent les autres. Au bord du vide, une comédienne à la voix si particulière nous entraîne dans le tourbillon de la Terre, qui tourne autant que le poème fait de retours sur lui-même, de reprises, de progressions et de rebroussements. Juste à côté, une contrebasse danse en martelant son rythme ou en prolongeant le vers d'une longue période. Le texte suivant nous mène au bord du gouffre pareil à celui qui se creuse de l'autre côté de Croix des Missions. Un homme au 22ème étage regarde le vide, comme nous regardons le vide de la vallée et les hauteurs qui la délimitent … Même vertige et même aspiration. On se laisse porter par la voix qui anesthésie l'inconfort de l'assise ou la fatigue des jambes. Quelques slogans de mai 68 pour une chanson en chœur. Nous voilà prêts à repartir. Pour continuer la magie. Mais c'est seuls que les deux artistes quittent la station.
Pour leur laisser le temps de s'installer plus loin, un guide local fait une lecture de paysage, les monts qui servaient de décors prennent un nom, une histoire.
Puis la marche reprend, plus active parce qu'elle n'est que la transition vers une nouvelle lecture, un nouveau temps de partage. Laurence Vielle accueille les arrivants, les accompagne d'un petit texte qui se prolonge pour le groupe suivant. Plus loin la contrebasse de Camille Perrin rassemble les marcheurs autour de quelques arbres. On s'assied à nouveau, sage troupeau parvenu à la source. Les textes sont extraits cette fois de ISSINAKIMOURUPAÇAVÉKU et de POESIE ART DE L'INSURRECTION. La magie opère à nouveau entre les artistes, entre les artistes et le public. Nous sommes hors du temps, et pourtant si présents dans la nature, dans l'écoute, dans la communion et le partage. La voix et la contrebasse parlent et dansent et nous nous abandonnons. Le dernier poème est une remise en route, au fur et à mesure du texte les marcheurs se redressent et reprennent le mouvement quittant le texte qui s'effiloche dans le lointain. On parle désormais de ce qu'on a entendu, de ce qu'on a ressenti, de ce qu'on va entendre. La marche n'est plus qu'attente, mouvement vers le futur rassemblement. Une descente un peu raide, une route à traverser à 70 en même temps, pas de problème, le groupe est soudé par ce qu'il vient de vivre. C'est aussi cela la magie. 70 personnes qui ne se connaissent pas unis et solidaires en si peu de temps.
La troisième station se trouve dans la vallée, presque déjà dans la ville. La lecture porte sur le dernier livre de Laurence Vielle ANCETRES. Toujours cette même magie et cette prodigieuse entente entre le musicien et l'actrice, entre le voix et l'instrument qui se soutiennent, se prolongent, se complètent, se précèdent.
Une dernière marche pour le dernier rassemblement sous le chapiteau. La boucle est finie. Le temps est maintenant aux échanges, au dédicaces (un dessin et une petite phrase) dans la modestie et la générosité, un besoin de se revoir....

lundi 11 juin 2018

Avignon pour toujours ?

Avignon est fini, les rues sont balayées, les affiches ont été enlevées des grilles et des poteaux et les ruelles ne connaissent plus que la nonchalance des touristes. Les marchands de salles comptent leur argent derrière les portes refermées.

Mais vous, tous, vous mâchez de la cendre.
Parce que vous n'y étiez pas, parce que vous y étiez, parce que vous y étiez mais pas là où vous l'auriez voulu, parce que vous voudriez encore y être ou parce que vous regrettez d'y être allés.

Pour qui Avignon est-il encore une fête ? Pour quelques fous qui ont l'ingénuité de se laisser aller aux rencontres fortuites, aux confidences au coin de deux rues étroites, confidences à d'autres rêveurs de Théâtre qui disparaîtront dans la foule. Pour tous les autres, pour vous, Avignon est un dieu carthaginois qui exige les sacrifices humains, qui dévore corps et âme dans son ventre de feu.
Je disais un jour à metteur en scène connu qu' Avignon changeait en chiens rugissants même les êtres les plus doux. Il m'a répondu : « Avignon, c'est le business, c'est dur et c'est cruel. Il ne faut pas être là à ce moment-là. »

Vous allez à Avignon comme des paralytiques vont à Lourdes et vous vous étonnez de ne pas revenir en courant, les béquilles dressées en ex voto à l'entrée de la grotte. Et si vous n'y allez pas, vous restez persuadés que le miracle aurait eu lieu...


Voici le texte que j'avais écrit au mois d'août à mes amis. Il était complété de phrases plus personnelles adressées aux uns ou aux autres.
Fin décembre, un comédien l'a lu dans une réunion à laquelle je participais , mais le débat ne s'est pas engagé. Le comédien comptait sur le texte pour éluder les questions qu'il savait dans tous les esprits.
Retour pour moi sur une interrogation lourde, profonde qui m'avait agité l'esprit pendant tout l'été.
Pourquoi aller à Avignon, pour qui ? Pour quelle consécration ? Pour quel esthétisme ? Quelle foi dans le théâtre et dans quel théâtre ?
Plusieurs soirs cette interrogation m'avait arrêtée au hasard d'une rue auprès d'un comédien, d'un metteur en scène. Jamais auprès d'un spectateur (les spectateurs n'ont pas le temps au festival... Est-ce dire aussi qu'il n'ont pas de recul et de questionnement par rapport à ce qu'ils voient ? )
Cette interrogation a trouvé un écho quelques jours plus tard quand on m'a demandé de parler de la mise en scène dans les troupes de théâtre amateurs, et des amateurs (acteurs ou spectateurs).

Les articles qui vont suivre tourneront beaucoup autour de cette rumination...

J'essaierai de maintenir en janvier quelques pauses poétiques et une nouvelle (en cours d'écriture) pour vous satisfaire tous...

Bonne lecture
Bonnes lectures

Bonne année...