Avignon est fini, les
rues sont balayées, les affiches ont été enlevées des grilles et
des poteaux et les ruelles ne connaissent plus que la nonchalance des
touristes. Les marchands de salles comptent leur argent derrière les
portes refermées.
Mais vous, tous, vous
mâchez de la cendre.
Parce que vous n'y
étiez pas, parce que vous y étiez, parce que vous y étiez mais pas
là où vous l'auriez voulu, parce que vous voudriez encore y être
ou parce que vous regrettez d'y être allés.
Pour qui Avignon
est-il encore une fête ? Pour quelques fous qui ont l'ingénuité
de se laisser aller aux rencontres fortuites, aux confidences au coin
de deux rues étroites, confidences à d'autres rêveurs de Théâtre
qui disparaîtront dans la foule. Pour tous les autres, pour vous,
Avignon est un dieu carthaginois qui exige les sacrifices humains,
qui dévore corps et âme dans son ventre de feu.
Je disais un jour à
metteur en scène connu qu' Avignon changeait en chiens rugissants
même les êtres les plus doux. Il m'a répondu : « Avignon,
c'est le business, c'est dur et c'est cruel. Il ne faut pas être là
à ce moment-là. »
Vous allez à Avignon
comme des paralytiques vont à Lourdes et vous vous étonnez de ne
pas revenir en courant, les béquilles dressées en ex voto à
l'entrée de la grotte. Et si vous n'y allez pas, vous restez
persuadés que le miracle aurait eu lieu...
Voici le texte que
j'avais écrit au mois d'août à mes amis. Il était complété de
phrases plus personnelles adressées aux uns ou aux autres.
Fin décembre, un
comédien l'a lu dans une réunion à laquelle je participais ,
mais le débat ne s'est pas engagé. Le comédien comptait sur le
texte pour éluder les questions qu'il savait dans tous les esprits.
Retour pour moi sur une
interrogation lourde, profonde qui m'avait agité l'esprit pendant
tout l'été.
Pourquoi aller à
Avignon, pour qui ? Pour quelle consécration ? Pour quel
esthétisme ? Quelle foi dans le théâtre et dans quel
théâtre ?
Plusieurs soirs cette
interrogation m'avait arrêtée au hasard d'une rue auprès d'un
comédien, d'un metteur en scène. Jamais auprès d'un spectateur
(les spectateurs n'ont pas le temps au festival... Est-ce dire aussi
qu'il n'ont pas de recul et de questionnement par rapport à ce
qu'ils voient ? )
Cette interrogation a
trouvé un écho quelques jours plus tard quand on m'a demandé de
parler de la mise en scène dans les troupes de théâtre amateurs,
et des amateurs (acteurs ou spectateurs).
Les articles qui vont
suivre tourneront beaucoup autour de cette rumination...
J'essaierai de maintenir
en janvier quelques pauses poétiques et une nouvelle (en cours
d'écriture) pour vous satisfaire tous...
Bonne lecture
Bonnes lectures
Bonne année...