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vendredi 10 octobre 2014

Manger est-il un art ?


Une question, pas une réponse, une rumination qui sert à une recherche qu'on me demande autour du théâtre et de la nourriture, à propos d'une comédie musicale : Sweeney Todd, le barbier, ancêtre de Jack L'éventreur, a trouvé un moyen idéal de se débarrasser des personnes qui disparaissent dans sa rue, tout en faisant des bénéfices. Un peu comme la « grand-mère » de François Morel qui a consommé son mariage avec « pépé ».



En amont aussi se trouve mon travail dans une compagnie médiévale, plus proche de la horde, et qui m'a conduite sur les traces des queux des grands seigneurs... Un univers où cuisine et alchimie se côtoyaient sans vergogne , comme dans les laboratoires contemporains des cuisiniers aux plats moléculaires... et qui proposaient une nourriture autant pour le corps que pour l'immatériel.



Il me faudra présenter une scène de 15 mn autour du sujet. Je n'ai jamais vraiment participé à un banquet théâtral et je ne crois pas que ce soit la solution, trop attendu et beaucoup trop difficile à monter. Autre chose ? Encore trop tôt...



Mais la question : manger est-il un art ?

J'ai assisté il y a quelques années à un débat philosophique sur le thème. J'étais restée sur ma faim... Seule la notion d'esthétique au moment de la préparation et du service avait été abordée. Il me semble qu'on avait parlé davantage de cuisiner que de manger.

Se nourrir est indubitablement un art dans la mesure où elle s'adresse à l'un de nos sens, comme la musique ou la peinture s'adresse à un sens. Et il devrait y avoir un jumeau au verbe manger (déguster pourrait peut-être aller) comme il y a voir et regarder, entendre et écouter.

Reste à savoir comment nous abordons cet art spécifique.

Difficile dans le cas de Sweeney Todd d'expliquer anthropophagie comme un art, même si on trouve ce thème dans d'autres pièces de théâtre : la cuisse du steward de Ribes ou Miam-miam de Jacques Deval.

Difficile aussi de parler d'art devant un sandwich de gare ou de supermarché. Mais certains plats ou certains repas nous laissent un ravissement Un potjevlesch à l'embarcadère d'Herfaut, une saucisse à la bière à Munich , une cacasse à cul nul à l'orée d'une forêt ardennaise autant que tel soufflé de topinambour à la crème d'ail et aux escargots... ou tout autre qui vous plaira... Une poésie en alexandrins ou un poème en vers libres...Il y a synesthésie. L'art de manger est peut-être davantage dans la façon dont on aborde le plat que dans ce qui le constitue, dans l'ésotérisme, les symboles et l'inconscient qui se mettent en place pendant la mastication...

Retour à mes bâfreurs médiévaux qui croyaient que mordre à pleines dents dans des épaules de moutons ou ingurgiter des merguez piquées sur des tiges de métal à forme d'épées était historique.. et méprisaient de goûter du bout des doigts des morceaux de poulet accompagnés d'une sauce à la sauge...Une de leur grandes inventions : le tranche-cul : du pain de campagne et deux lamelles de reblochon (pour faire des fesses..) C'est moyen-âgeux... (mot employé volontairement). L'art de manger ?

Je remâche ma question … Il faut trouver un projet pour la scène à partir de Sweeney Todd...