Une question, pas une réponse, une
rumination qui sert à une recherche qu'on me demande autour du
théâtre et de la nourriture, à propos d'une comédie musicale :
Sweeney Todd, le barbier, ancêtre de Jack L'éventreur, a trouvé un
moyen idéal de se débarrasser des personnes qui disparaissent dans
sa rue, tout en faisant des bénéfices. Un peu comme la
« grand-mère » de François Morel qui a consommé son
mariage avec « pépé ».
En amont aussi se trouve mon travail
dans une compagnie médiévale, plus proche de la horde, et qui m'a
conduite sur les traces des queux des grands seigneurs... Un univers
où cuisine et alchimie se côtoyaient sans vergogne , comme dans les
laboratoires contemporains des cuisiniers aux plats moléculaires...
et qui proposaient une nourriture autant pour le corps que pour
l'immatériel.
Il me faudra présenter une scène de
15 mn autour du sujet. Je n'ai jamais vraiment participé à un
banquet théâtral et je ne crois pas que ce soit la solution, trop
attendu et beaucoup trop difficile à monter. Autre chose ?
Encore trop tôt...
Mais la question : manger est-il
un art ?
J'ai assisté il y a quelques années à
un débat philosophique sur le thème. J'étais restée sur ma
faim... Seule la notion d'esthétique au moment de la préparation et
du service avait été abordée. Il me semble qu'on avait parlé
davantage de cuisiner que de manger.
Se nourrir est indubitablement un art
dans la mesure où elle s'adresse à l'un de nos sens, comme la
musique ou la peinture s'adresse à un sens. Et il devrait y avoir un
jumeau au verbe manger (déguster pourrait peut-être aller) comme il
y a voir et regarder, entendre et écouter.
Reste à savoir comment nous abordons
cet art spécifique.
Difficile dans le cas de Sweeney Todd
d'expliquer anthropophagie comme un art, même si on trouve ce thème
dans d'autres pièces de théâtre : la cuisse du steward de
Ribes ou Miam-miam de Jacques Deval.
Difficile aussi de parler d'art devant
un sandwich de gare ou de supermarché. Mais certains plats ou
certains repas nous laissent un ravissement Un potjevlesch à
l'embarcadère d'Herfaut, une saucisse à la bière à Munich , une
cacasse à cul nul à l'orée d'une forêt ardennaise autant que tel
soufflé de topinambour à la crème d'ail et aux escargots... ou
tout autre qui vous plaira... Une poésie en alexandrins ou un poème
en vers libres...Il y a synesthésie. L'art de manger est peut-être
davantage dans la façon dont on aborde le plat que dans ce qui le
constitue, dans l'ésotérisme, les symboles et l'inconscient qui se
mettent en place pendant la mastication...
Retour à mes bâfreurs médiévaux qui
croyaient que mordre à pleines dents dans des épaules de moutons ou
ingurgiter des merguez piquées sur des tiges de métal à forme
d'épées était historique.. et méprisaient de goûter du bout des
doigts des morceaux de poulet accompagnés d'une sauce à la
sauge...Une de leur grandes inventions : le tranche-cul :
du pain de campagne et deux lamelles de reblochon (pour faire des
fesses..) C'est moyen-âgeux... (mot employé volontairement). L'art
de manger ?
Je remâche ma question … Il faut
trouver un projet pour la scène à partir de Sweeney Todd...