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lundi 11 janvier 2016

métamorphoses lensoises

J'ai passé beaucoup de temps dans le Nord entre Noël et l'an, comme on dit chez moi, comprendre aussi une période qu'on appelle la vieille semaine, enfin pour être sûr de me faire comprendre par tout le monde : la semaine qui termine le mois de décembre. Promenade dans le vieux Lille, autour de la citadelle, passage obligé par le Furet du Nord....une petite merveille achetée : Astérix pi Obélix ch'live in Dor.
Je comprends presque tout ; Très inquiétant pour quelqu'un qui est censé apprendre le flamand d'urgence...
Petit passage à Lewarde en prévision de quo qui di …
Et puis une grande journée consacrée au Louvre Lens...

Plusieurs expositions à y voir.
Je parlerai surtout de Métamorphoses. L'exposition dure jusqu'à fin mars. Vous avez donc largement le temps d'y aller. Elle varie, inévitablement en fonction des œuvres prêtées par le Louvre à son petit frère de septentrion. Je n'ai pas trouvé le Picasso que j'espérais voir : déjà reparti... de même que la sculpture de Rodin. Pas besoin de connaître le texte d'Ovide (que je vous conseille malgré tout de fréquenter un peu -avant ou après -) Quelques cartels expliquent assez bien la métamorphose ou le passage de la mythologie qui a inspiré les artistes. C'est surtout la poésie et la sensualité qui me sont restées de cette courte visite. Elle est installée dans la dernière partie du bâtiment celle qui ouvre sur les jardins, à l'intérieur des bulles du pavillon de verre. On passe de l'une à l'autre presque gêné par l'intrusion de réalité des arbres vivants de l'autre côté des vitres.
Il y là surtout une sculpture de Narcisse d'Ernest Eugène Hiolle, mise encore plus en valeur par une scénographie troublante.
Un vase art déco représentant Persée et Andromède... Thème très exploité de Uccello (christianisé dans une version Saint Michel délivrant la princesse du dragon)...
Une œuvre en création, interactive  autour de la légende d'Arachnée. La structure d'une gigantesque toile d'araignée est installée sur toute la longueur d'une vitre. Les visiteurs peuvent y apporter leur contribution en ajoutant, en retirant, en déplaçant des fils... Un très beau clin d'oeil à la fois à la mythologie et à l'artisanat de la région. Il faudrait vérifier, mais il me semble que la Région du Nord- Pas de Calais est celle qui regroupe le plus grand nombre de dentellières pratiquantes.... et qu'elle ouvre ses portes aux créations contemporaines dans ce domaine. (expositions à Valenciennes ou Caudry).
Je voudrais revenir à Ovide et à ses Métamorphoses. Il faut lire ce livre, parce qu'il est un précurseur des grands contes, parce qu'il est un témoignage d'une époque et d'une culture, parce qu'il parle de la nature humaine dans sa gloire et ses turpitudes... Mais si vous pouvez le lire en latin, c'est encore mieux. Ovide est un des plus grands poètes de tous les temps et Mme Najat Vallaud-Belkacem est en train de l'interdire, non de le réserver à une élite issue de l'enseignement privé.
Il y a quelques années à la demande d'une comédienne qui montait un spectacle de mimes sur les Métamorphoses, j'ai fait une sélection de phrases dans les métamorphoses qu'elle avait choisies, elles étaient dites par une didascalienne en latin, puis traduites par une autre. On avait aussi préparer un surtitrage vidéo. J'ai dû faire la traduction. Pas facile, et surtout un moment bouleversant. Un texte dur l'inceste. Une fille amoureuse de son père profite d'une fête qu'il organise pour se donner à lui en profitant de son ivresse. La servante qui est la confidente de la fille la fait entrer dans la salle de l'orgie en disant simplement « Ista est ». Deux mots pour dire tout le drame, pour annoncer la malédiction qui en suivra, pour blâmer un acte qui la choque et pour avertir le père du piège qui lui est tendu. Comment dire cela en si peu de mot en français. «est », pas de problème : « voilà, voici ». Mais ce « ista » ! C'est un pronom démonstratif qui dénigre : il indique que la personne qui arrive est la putain que le père attendait, mais aussi il montre la déchéance à laquelle s'offre la jeune fille.
Ce pronom démonstratif marque aussi un lien à la seconde personne : on peut comprendre « elle est pour toi » mais également « elle est de toi » une fille pour toi, ta fille, ta fille pour toi...Toute la métamorphose (la jeune fille deviendra un arbre pour ne pas allaiter l'enfant qu'elle a conçu pendant cette nuit orgiaque) est déjà dans l’ambiguïté du pronom.
C'est peut-être un peu de cela que j'ai retrouvé dans l'expostion.