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lundi 27 avril 2015

Molière du théâtre de boulevard, les dé-nominés sont...

Comme vous le voyez, je ne suis pas en train de regarder la télévision. L'hommage au théâtre de la Télévision Publique se fera sans moi. Pas de Molière du spectateur assidu... Pas de ce théâtre-là.
Public vs privé … Quand il s'agit d'aborder le théâtre de boulevard, ils sont aussi inaptes l'un que l'autre.
Très difficile le théâtre de boulevard. Usé. Toujours une vague histoire de cocuage... depuis Labiche et Feydeau … (c'est oublier pour ces deux figures emblématiques, qu'ils ont su peindre l'intimité des familles dans des pièces qu'on oublie au profit de la grosse artillerie). Seul Robert Lamoureux a un peu échappé à la tendance. Peut-être est-ce aussi pourquoi on le joue si peu aujourd'hui.
Le théâtre de boulevard qu'on nous sert abuse du cocuage, comme si on détenait dans le thème la panacée du rire... Rire de la tromperie. C'est une invention du XIXème qui semblait avoir trouvé là un sport collectif...Jusqu'alors la déliquescence du couple ou l'apparition d'un troisième personnage était source de drame : Souvenez-vous : Hélène ravie par Pâris, à l’origine de la guerre de Troie (devenue XIXème  La belle Hélène « quand un mari part en voyage.... »), Œdipe volant la femme de son père, Iseut délaissant le Roi Marc pour Tristan, Guenièvre terminant sa vie dans un monastère pour ne pas choisir entre Arthus et Lancelot (et Lancelot acceptant les infamies pour elle), Phèdre sacrifiant Hippolyte à Thésée.... et même ce bon vieux Hamlet face à l'adultère de sa mère,faut-il aussi que je vous parle d'Othello ? ... Non tout cela n'engendre guère l'hilarité. Pourquoi faudrait-il que nous pleurions devant Trisan et Iseut et que nous riions aux éclats devant M. X.... s'éprenant de Mme Y... ?
Le niveau de langue, me direz-vous.... Peut-être... mais dans les adaptations de Jean Cocteau, les personnages parlent la langue de tous les jours. Objection refusée !
Le contexte de représentation... là, oui peut-être avez-vous marqué un point.
Le jeu ? Nous y sommes davantage. Quand j'étudiais le théâtre, on me parlait souvent des 3 sphères de jeu : le jeu pour moi (le public est le témoin d'une situation intime, voyeur) , le jeu à deux (dialogue version 4ème mur, le public assiste à une scène – avec la coprésence des deux entités acteurs/spectateurs), le jeu universel (version jeu frontal, version boulevard, l'univers entier est perçu en même temps que l'on joue, et l'on joue par rapport à l'écho qu'on en reçoit, on joue pour éveiller cet écho, et le jeu prime sur tout le reste  - c'est le jeu du clown ou celui des acteurs de la commedia dell'arte. )
Dans le théâtre privé on accentue encore ce jeu universel (donc artificiel) et tout devient gros, lourd, lassant, usé...
Dans le théâtre public, on garde la trace des enseignements de Stanilavski et de Tolstoi (Michel), de Brecht... et on perd ce qui pouvait éventuellement engendrer la complicité qui menait au sourire. La tragédie revient, appauvrie parce qu'elle s'évade du mythe.
Et si le boulevard reposait sur la présence d'un « monstre » ? Je crois que vous avez vraiment atteint le fond du problème. Oui, au boulevard, on va voir avant tout un monstre. Son nom écrase l'affiche. (qu'il soit issu du public ou du privé, c'est lui ou elle la clé de la représentation). On vient voir Machin faire son numéro. Comme dans les villages, on va à la salle des fêtes voir Grosrené, le mari de la coiffeuse, et la Grande Georgette qui distribue le courrier tout le reste de l'année, faire les comiques. Comme autrefois au temps des baladins, dans les étables ou sur la place du marché on allait rire aux farces des ambulants. C'est certainement dans ces salles des fêtes, dans ces maisons communales que le boulevard retrouve sa raison d'être et qu'il fait encore rire, parce qu'il est moins théâtre que caricature de théâtre, que parodie de théâtre. Parce qu'on s'y montre d'autant plus que le public le réclame. Finalement vous aviez raison, tout cela est une question de contexte. Le boulevard a échappé au théâtre public et au théâtre privé, pour revenir, comme la farce autrefois, au théâtre du peuple (je ne parle pas évidemment du « THEATRE DU PEUPLE » de Bussang), le théâtre fait par le peuple pour le peuple, sans autre déontologie que le plaisir d'être ensemble, et sans autre prétexte aussi. Alors l'histoire n'est plus celle de Tristan et Iseut, mais celle de la femme de Grosrené et du mari de la Grande Georgette. On se venge comme on peut...
Leur histoire est-elle moins profonde ou moins sensible ? La pièce ne le dit pas.