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mercredi 24 septembre 2014

le grignoteur et le décoreur


A Vernière sur Isère, on se connaît tous, la ville n'est pas grande. A l'entrée du village dans une vieille maison qu'il a retapée, il y a Macedo. Il est grignoteur, enfin ça doit être quelque chose comme ça. Il conduit une espèce de grue, vous savez, qui grignote les immeubles qu'on veut détruire dans les cités trop vite construites. Seulement des immeubles à grignoter, il n'y en a pas à Vernière. Il n'y en a pas beaucoup non plus en France. Il voyage beaucoup, à ses frais, c'est autant de moins à gagner, mais il veut travailler, ne serait-ce que quelques jours. Il ne faut pas des mois pour grignoter une tour. Son quotidien c'est le train, les hôtels pas chers où l'on partage la chambre à trois, mais on est si fatigué après une journée sur un chantier. Ses loisirs, un pack de bière qu'on partage le soir sur la pelouse du parking à côté des chaussures de sécurité blanches de poussière et de ciment. Avec sa femme, il entretient des relations téléphoniques. Pour le reste, il n'est pas marin et travaille rarement dans les ports, aucune fille ne l'attend jamais. Quand il va à Grenoble, pour s'inscrire au chômage entre deux grignotages, les gens de Vernière le plaigne et admire son courage et sa ténacité. C'est dur aujourd'hui d'avoir un emploi précaire, heureusement que l'état aide un peu.



A Vernière sur Isère, on se connaît tous, la ville n'est pas grande. Dans un autre quartier, dans une vieille maison qu'il a retapée, il y a Benoît. Il est décoreur, enfin ça doit être quelque chose comme ça. Il monte et démonte les décors, vous savez, pour les pièces de théâtres, parfois il les répare. Seulement des pièces de théâtre on n'en joue pas à Vernière. Il ne s'en joue pas tant que ça en France non plus, surtout de celles qui ont besoin d'un décor construit. Il voyage beaucoup à ses frais, c'est autant de moins à gagner, mais il veut travailler, ne serait-ce que quelques jours. Un pièce ne reste jamais très longtemps dans une ville. Son quotidien, c'est le train, les hôtels pas cher. Ses loisirs, un pack de bière qu'on partage le soir au fond de la scène, longtemps après le départ des derniers spectateurs, quand on a remis tout en place pour le lendemain ou tout démonté pour un transport dans la nuit vers un autre théâtre. Avec sa femme, il entretient des relations téléphoniques. Pour le reste, il n'est pas marin et travaille rarement dans les ports. Tard dans la nuit, au moment où il quitte le théâtre, les bars n'offrent que les ronflements des derniers soûlards. Quand il va à Grenoble, pour s'inscrire au chômage entre deux décors, les gens de Vernière pensent qu'il pourrait chercher un emploi plus sérieux qu'intermittent. Ses droits au chômage, c'est un peu compliqué, même s'il cotise comme Macedo. A Pôle  emploi on lui a proposé une formation de grignoteur, paraît qu'il en manque…...

Un petit fabliau écrit il y quelque temps, parce qu'hier un ami conteur a du accumuler les papiers et les tracasseries pour avoir le droit à un os à moitié rongé...