Fada ! J'étais
complètement fada d'avoir accepté ce reportage à Montréal !
Quand, Arnaud, le directeur de l'info, avait balancé pendant la
réunion :« Il me faudrait un dossier sur les français au
Québec », j'avais levé la main comme un seul homme. J'étais
le seul d'ailleurs et j'avais cru voir derrière la mine soudain
chafouine de mes collègues le soulagement face à une corvée
esquivée.
Il tombait, à mon
arrivée à Roissy, une des plus belles draches de mon existence. Ma
grand-mère disait toujours quand il drache à bouton, on en a pour
trois jours. Vu la taille des boutons, on en avait bien pour la
semaine. Finalement, j'étais content de ne pas devoir affronter cet
épisode cévenol qui s'était trompé de région.
Il y avait eu du retard
au décollage. Normal ! Quand il n'y a pas grève...
Content je l'étais
beaucoup moins au moment où l'avion s'est posé à Pierre-Elliot
Trudeau. Pas de boutons ici, mais une magnifique averse de neige,
digne de figurer dans les guides touristiques. Montréal fêtait à
sa façon l'arrivée d'un petit français. Mais d'autres semblaient
plus mal lotis. Trois grands Africains attendaient à côté de moi
au retour des valises. Qu'est-ce qu'ils faisaient ici ?... Je
les aurais mieux imaginer guettant un tap-tap sur une route poudreuse
écrasée de soleil. Ici on aurait pu les prendre pour les Rois
Mages. Un peu en avance en novembre, mais le temps forçait la
ressemblance. Leurs valises récupérées, l'un deux sortit un
smartphone dernier modèle. Le mouvement avait dégagé son bras et
m'avait montré une gourmette en or massif dont la revente m'aurait
permis d'acheter un 4x4 avec sièges chauffants.... Il avait donné
un ordre dans un anglais impeccable puis ils s'étaient dirigés vers
un restaurant. Mais quelle idée j'avais eue de prendre ce
reportage ! Il devait bien y avoir un autre sujet : une
élection de miss, un salon du vin....
Je ne suis pas un
champagné, donc pas de domestique obéissant au moindre appel.
Direction la gare routière. Un SMS à mon contact, Jean-Rock, en
attendant. Faire juste attention à ne pas se geler les doigts. Le
bus heureusement était arrivé assez vite et il était chauffé. Où
j'allais ? Jean-Rock m'avait donné rendez-vous au jardin
botanique. Mais c'était dans une autre vie, où je n'arrivais ni la
nuit, ni dans une tempête de neige. Sympa, le chauffeur m'avait
rassuré, il y avait des correspondances et à cette heure il y
aurait encore quelqu'un pour me renseigner.